La centrale de Cordemais (fioul et charbon) est la plus puissante centrale thermique à combustible fossile de France avec une capacité installée de 2 600 MW. (©EDF-Sophie Brandstrom)
Les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont atteint un montant record de 329,3 milliards de dollars en 2015 malgré la baisse des prix des énergies fossiles selon une étude de Bloomberg(1) publiée hier. De grands électriciens prévoient de réorienter le mix de leurs parcs électriques vers ces énergies et de céder leurs centrales à combustible fossile. Illustrations avec les deux géants français Engie et EDF.
Engie : vers une cession de ses centrales fossiles aux États-Unis puis en Europe ?
Engie souhaite accélérer sa transition vers un modèle privilégiant les énergies renouvelables et les services à l’énergie, a expliqué hier Gérard Mestrallet, PDG d’Engie. Isabelle Kocher, directrice générale déléguée qui prendra la tête du groupe français en mai 2016, a confirmé qu’elle orientera cette transition vers les activités « qui font absolument certainement partie du futur », ce qui semble a priori écarter la production électrique à partir de combustibles fossiles.
Les réflexions « actives » d’Engie concernant la cession de ses centrales à gaz et au charbon aux États-Unis ont déjà été confirmées par Isabelle Kocher en décembre dernier(2). Ces centrales comptent pour plus des trois quarts de la puissance installée du parc électrique d'Engie en Amérique du Nord (qui atteint 13 GW au total en incluant les centrales hydroélectriques, éoliennes et à biomasse du groupe).
Au niveau mondial, les centrales à gaz et au charbon constituent respectivement 56,4% et 14,9% des capacités installées du parc électrique d’Engie (dont la puissance cumulée atteint 115,3 GW en 2015)(3). En Europe, le groupe dispose d'environ 20 GW de capacités thermiques (sur un parc électrique de 49,2 GW). A l’heure actuelle, seules quelques centrales au charbon seraient en vente selon les Échos mais les cessions d’actifs thermiques devraient s’étendre prochainement à toutes les économies dites « matures » où Engie est implanté.
Aux États-Unis, la cession des actifs thermiques d’Engie pourrait rapporter entre 3 et 5 milliards d’euros au groupe. Cette somme pourrait notamment être investie par Engie pour reprendre contrôle de Suez Environnement (gestion des eaux et des déchets) dont le groupe possède déjà 33,55% des parts. Il a toutefois été précisé hier qu’aucune instance dirigeante n'avait encore été saisie au sujet de cette reprise du contrôle de l'ancienne filiale Suez (qui vaut près de 10 milliards d’euros en Bourse).
EDF : quelle part de fossiles parmi les 6,5 milliards d’euros de cessions prévues en 2016 ?
EDF a annoncé à l’été 2015 une revue de ses actifs fossiles en Europe continentale qui se poursuit actuellement. Le groupe a au total prévu près de 6,5 milliards d’euros de cessions d’actifs dans son budget 2016 (puis 2,6 milliards d’euros de cessions en 2017 et 2,2 milliards en 2018). Une nécessité pour l’électricien qui doit formaliser une offre ferme sur le rachat de l’activité réacteurs d’Areva fin janvier et également prendre une décision finale sur la construction de deux réacteurs EPR au Royaume-Uni (Hinkley Point C).
En décembre 2015, EDF a finalisé la cession de sa participation majoritaire dans l’entreprise Bert (3 centrales de cogénération à gaz comptant pour 3% de la production électrique hongroise) ainsi que de ses 25% de parts dans la compagnie autrichienne Estag (4e distributeur d’énergie autrichien), pour un montant cumulé de près de 300 millions d’euros.
Au total, EDF dispose encore de près d'une soixantaine de centrales thermiques à combustible fossile dans le monde, dont 12 en France. Précisons que le groupe investit dans une centrale à cycle combiné gaz (CCG) de nouvelle génération à Bouchain dans le nord de la France, où celle-ci doit remplacer un centrale à charbon au rendement bien plus faible (37% contre 61% pour la nouvelle centrale)(3).
D’autres futures cessions mais aussi des acquisitions…
L'étude de cessions d’actifs thermiques ne se limite pas aux électriciens français. Le groupe allemand E.ON a notamment séparé au 1er janvier 2016 ses activités « conventionnelles » de production électrique (charbon, gaz naturel, hydroélectricité)(4) des activités liées aux énergies renouvelables, aux réseaux et aux services à l’énergie sur lesquels l’électricien souhaite se concentrer. Une nouvelle société baptisée « Uniper » gérera les centrales à combustible fossile d’E.ON, une fois le projet finalisé en milieu d’année après approbation des actionnaires. E.ON devrait céder la majorité de ses parts à Uniper, puis se séparer de sa participation à moyen terme. Notons que RWE, autre grand électricien allemand, a également décidé fin 2015 de séparer ses activités renouvelables de ses activités historiques dans les énergies fossiles.
Les centrales thermiques à combustible fossile ne sont pas pour autant mises au ban de la production électrique. La plupart des nouvelles capacités renouvelables qui sont installées sont intermittentes (éolien, photovoltaïque) et, en l’absence de solutions de stockage à grande échelle, les centrales thermiques constitueront a minima des centrales de back-up incontournables. Les centrales à gaz sont ainsi souvent présentées comme nécessaires pour accompagner la transition énergétique. Le groupe français Direct Énergie a d’ailleurs finalisé en décembre 2015 l’acquisition pour 45 millions d’euros d’une filiale du groupe suisse Alpiq exploitant la centrale à cycle combiné gaz de Bayet, dans l’Allier.