- Source : Jean-Louis Caffier
Face au défi, soyons lucides !
Pour tous ceux qui auraient envie de baisser les bras face à la complexité de la transition, voici le livre qui peut ou doit redonner le moral. D’abord parce qu’il aborde cette complexité sans … complexe. Il n’y a pas d’autre issue que cette « révolution obligée », titre qui renvoie à la révolution industrielle.
La grande différence, c’est qu’au 19e siècle, c’est l’énergie abondante et pas chère (charbon puis pétrole) qui révolutionnait l’ensemble de nos activités dans les pays développés. Aujourd’hui, il faut se séparer progressivement mais résolument de ces énergies fossiles qui représentent trois quarts de nos consommations et sont en train de casser le climat de notre planète avec les conséquences en cascade qui ont été parfaitement décrites notamment dans les rapports du GIEC.
David Djaïz et Xavier Desjardins dressent un portrait sévère de la situation d’ensemble et de l’immobilisme des dirigeants de la Terre. La première qualité de ce livre, c’est la lucidité. Non, nous ne sommes pas prêts du tout à mener le combat. Il manque une méthode de gouvernance et la levée des incertitudes sur les innovations sociales, écologiques et technologiques. Non la transition ne sera pas heureuse. L’objectif sera de « laisser le moins de monde possible au bord du chemin ». Un autre atout de ce livre est d’accorder une place fondamentale à l’aspect social de la transition contrairement aux adeptes trop nombreux du Y’a qu’à, Faut qu’on.
Ce livre est un puzzle à 10 000 pièces. Tout est séparé au départ et petit à petit, apparait l’image d’ensemble d’un monde divers mais potentiellement solidaire, si on le veut. En plus de la nécessité de revoir la gouvernance et d’anticiper, les auteurs mettent à disposition les solutions concrètes qui pourraient être mise en œuvre dès maintenant et qui permettraient entre autres intérêts que l’Europe ne se laisse pas larguer par les deux géants très présents sur le marché de la transition, la Chine et les États-Unis.
Enfin, ce livre, riche de plus de 200 références, est parfaitement clair, précis et abordable. Il faudrait d’ailleurs pour beaucoup d’acteurs, élus, responsables, dirigeants, rendre la lecture de « La Révolution Obligée » … obligatoire !
Trois questions à l'un des auteurs : Xavier Desjardins
La « Révolution obligée » n’a pas vraiment commencé mais les rejets, refus, blocages sont déjà bien présents. Pourquoi ?
Parce qu’on a fixé des caps mais pas de modalités de mise en œuvre. Exemple : est-ce qu’on prend un cadre national ou européen ? Il existe des blocages multiples. Beaucoup d’acteurs se sentent dépossédés par la transition. Blocage lié aussi à l’impact social ou à une contrainte environnementale exigeante. On hésite en permanence entre la carotte et le bâton !
Vous jugez indispensable d’inventer un nouvel art de gouverner. À quoi cela peut-il ressembler ?
Il faut à la fois décentraliser beaucoup plus et revoir l’organisation du débat public. Exemple : le débat entre l’Etat et le principal syndicat agricole a fonctionné pendant des décennies mais il ne marche plus. Il faut intégrer des éléments nouveaux, les modes de vie, les générations, l’écologie, l’industrie, les consommateurs, les associations. Le nouvel art de gouverner, c’est d’abord changer les conditions du débat !
Peut-on être confiant sur la réussite de la « Révolution obligée » ?
Il y a beaucoup de raisons d’être pessimiste. La transition écologique provoque des réactions négatives. Il faut mobiliser les gens sur la réussite d’un profond changement qui permettrait de conserver nos valeurs, liberté, démocratie, valeurs européennes face aux incertitudes liées à la Chine et aux États-Unis. Il faut aussi expliquer que ne rien faire coûtera beaucoup plus cher.