- Source : Ifri
En 2013, environ 1,2 milliard de personnes n’avaient toujours pas accès à l’électricité et 2,7 milliards de personnes dépendaient encore de combustibles de cuisson dangereux pour leur santé (ainsi que pour l’environnement). L’accès à l’énergie est de plus en plus considéré comme un enjeu central de la lutte contre la pauvreté, en particulier depuis le lancement par l’ONU de l’initiative « Sustainable Energy for All » (SE4All) en 2011 qui vise un accès « universel » à l’énergie (dont l’électricité) d’ici 2030.
Dans cette étude publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Gabrielle Desarnaud dresse un état des lieux de l’accès à l’électricité pour les ménages et souligne les freins ayant jusqu’ici limité sa progression dans le monde. En exposant les politiques d’électrification en Chine et au Bangladesh, elle explique que les systèmes de production d’énergie décentralisés peuvent constituer une alternative efficace par rapport à une extension du réseau électrique.
Électrification universelle : à quel prix ?
Près de 95% de la population mondiale n’ayant pas accès à l’électricité est concentrée en Afrique subsaharienne et en Asie (soit près de 600 millions de personnes dans chacune de ces zones). Gabrielle Desarnaud rappelle que l’électrification est un « catalyseur de développement économique » : elle permet par exemple d’augmenter les rendements d’exploitations agricoles, d’améliorer les conditions sanitaires des ménages ou encore d’accroître le nombre d’heures d’éducation. En Afrique subsaharienne, le taux d'électrification reste bien inférieur à celui de la démographie. Le nombre de personnes n’y ayant pas accès à l’électricité pourrait ainsi encore augmenter de 11% d’ici à 2030.
Selon les projections de l’AIE basées sur les politiques énergétiques en cours et annoncées, près de 810 millions de personnes pourraient ainsi toujours être dépourvues d’accès à l’électricité à l’horizon 2030. L’AIE estime que près de 32 milliards de dollars d’investissements par an devraient être consacrés à l’électrification pour qu’elle soit universelle dans les 15 ans à venir. Plusieurs initiatives comme « Énergies pour l’Afrique » portée par Jean-Louis Borloo, mettent en avant le rôle des fonds publics pour attirer les investissements du secteur privé.
Pour quel accès « réel » à l’électricité ?
A cette question de l’électrification se superpose celle de la qualité et de la continuité de l’approvisionnement : des villes comme Kinshasa, qui est électrifiée à 90%, ne fournissent de l’électricité que quelques heures par jour en raison de problèmes d’approvisionnement, de maintenance ou de gestion de la demande. Certains observateurs plaident ainsi pour une prise en compte du niveau d’électricité minimal nécessaire pour un foyer (autour de 250 kWh pour un foyer rural de 5 personnes utilisant des lampes, un téléphone portable ou encore un ventilateur) pour juger de l’accès « réel » des populations à l’électricité.
Pour répondre à cette pauvreté énergétique, Gabrielle Desarnaud rappelle les deux approches actuelles : l’extension du réseau électrique impliquant de nouvelles unités de production centralisées et le développement de systèmes décentralisés « hors réseau », si possible renouvelables. La première voie a été historiquement privilégiée, en particulier en Chine où le taux d’électrification a atteint 100% dans les villes et 99% dans les campagnes en une soixantaine d’années.
Cette extension du réseau ne constitue toutefois plus nécessairement la meilleur solution économique lorsqu’elle vise à connecter des zones faiblement peuplées. En Chine, elle a d’ailleurs entraîné des investissements très importants en matière de réseaux dans des zones reculées et des coupures d’électricité fréquentes ont touché le sud du pays, notamment en 2011.
Décentraliser pour « mieux » électrifier ?
Dans un contexte de chute des prix des modules photovoltaïques (- 75% entre 2009 et 2015) et des batteries (- 42% depuis 2008), les systèmes renouvelables décentralisés ou mini-réseaux sont désormais privilégiés dans certaines zones rurales. Ils permettent d’amorcer le développement de populations en un court laps de temps, les premiers kWh ayant l’impact le plus significatif sur leur niveau de vie.
Au Bangladesh, où le taux d’électrification a triplé ente 1990 et 2012, des systèmes photovoltaïques domestiques ont été déployés avec succès (installation à fin mars 2014 de 2,9 millions de ces systèmes, délivrant une fourniture « basique » d’électricité à 15 millions d’habitants) grâce au soutien d’institutions de microcrédit et d’IDCOL, organisme contribuant au financement de ces installations. Le succès du développement de ces systèmes hors réseaux dépend également de l’implication des populations (à travers des sessions d’information et de formation) qui jouent ainsi un rôle moteur et permettent de contourner certaines dérives institutionnelles.