Les modules SMR » de NuScale Power pèseront près de 700 tonnes et pourront être transportés par camion ou par barge. (Image provided by NuScale Power, LLC ©2017)
Les réacteurs nucléaires actuellement en service sont de plus pointés du doigt en raison de leur âge, de leur complexité, de leurs problèmes de sûreté supposés ou de leurs coûts de production en hausse. En Amérique du Nord, des jeunes sociétés entendent proposer de nouveaux réacteurs répondant à ces critiques. Présentation de deux d’entre elles.
NuScale : des petits réacteurs modulaires aisément déployables
Implantée sur la côte ouest des États-Unis, la société NuScale est aujourd’hui le fer de lance des « small modular reactors » (SMR). Il ne s’agit pas seulement, selon le CEO Tom Mundy, d’une version « plus petite » des réacteurs actuels à eau légère mais d’une technologie plus compétitive et plus sûre grâce à un « design simplifié », étanche et pressurisé.
Concrètement, la réaction nucléaire s’effectue au sein d’un module cylindrique de près de 23 m de haut et de 4,5 m de diamètre(1). Le « cœur nucléaire », disposé à la base du cylindre imaginé par NuScale, chauffe de l’eau sous pression qui s’élève par convection naturelle (sans pompe primaire) et se refroidit en cédant sa chaleur à un fluide secondaire au sein d’un générateur de vapeur (la vapeur produite est ensuite turbinée).
Refroidie, donc alourdie, l’eau pressurisée du circuit primaire redescend par gravité jusqu’à la base du réacteur pour subir un nouveau cycle. NuScale fait ainsi l’économie dans ses SMR de nombreux éléments complexes présents dans les centrales actuelles à eau pressurisée ou bouillante : pompes, moteurs, valves, etc. Le combustible utilisé - de l’uranium enrichi à 3,7% - est quant à lui « classique », la possibilité d’utiliser du combustible MOX étant également étudiée.
Design du réacteur modulaire de 50 MW de NuScale Power (Image provided by NuScale Power, LLC ©2017)
Les modules de NuScale disposent d’une puissance unitaire de 50 MWe(2) et peuvent être aisément transportés et associés, jusque dans des zones reculées n’ayant actuellement pas accès à l’énergie nucléaire, faute d’infrastructures adaptées. NuScale a imaginé des installations pouvant contenir jusqu’à 12 de ses modules afin de disposer de centrales de 600 MW de puissance.
Avec une faible emprise au sol et un coût annoncé d’environ 3 milliards de dollars par centrale, la société américaine estime pouvoir toucher un marché très large. La sénatrice de l’Alaska Lisa Murkowski et le Royaume-Uni témoignent notamment un fort intérêt pour ces réacteurs modulaires. Leur sûreté (évacuation passive de la puissance résiduelle(3)), leur flexibilité de fonctionnement (arrêts de tranche module par module sans baisse de charge de l’ensemble d’une installation(4)) et leurs coûts de production annoncés (près de 75 $ par MWh(5)) sont en particulier mis en avant par NuScale.
La société américaine, qui regroupe aujourd’hui près de 600 employés(6), a déposé en janvier 2017 une demande de « Design Certification » auprès du régulateur américain qui pourrait rendre son verdict vers 2020. NuScale envisage déjà le début de la construction d’une première centrale sur le site de l’Idaho National Laboratory (INL), en vue d’une mise en service en 2026.
Terrestrial Energy : des réacteurs « intégraux » à sels fondus
Comme le concède David LeBlanc, CTO(7) de la société canadienne Terrestrial Energy, la technologie des réacteurs à sels fondus n’a rien de nouveau. Ce concept remonte aux années 1950/1960, un premier prototype ayant été exploité entre 1965 et 1969 par le laboratoire américain d’Oak Ridge dans le Tennessee. Cette technologie revient toutefois « au goût du jour » selon David LeBlanc en raison de ses gros avantages en matière de sûreté (au regard des « 3 C » : « Cool – Contain – Control »).
La réaction nucléaire au sein du réacteur développé par Terrestrial Energy présente l’intérêt de se produire à pression atmosphérique, dans un bain de sels fondus stable où sont dissous des matériaux fissiles (fluorure d’uranium mélangé avec des sels porteurs). Cette réaction, modérée par des éléments de graphite, intervient à une température élevée (600 à 900°C) mais éloignée de celle d’ébullition des sels fondus (autour de 1 400°C).
Principe de fonctionnement du réacteur à sels fondus de Terrestrial Energy (©CC-BY-SA)
« Une grande partie de la sûreté nucléaire repose sur la capacité de pouvoir dissiper en toutes circonstances la chaleur issue de la fission nucléaire », rappelle Simon Irish, CEO de Terrestrial Energy. A cet égard, le combustible liquide utilisé dans ce réacteur à sels fondus offre une sûreté sans équivalent selon lui : les sels fondus sont « stables thermiquement » et constituent d’excellents liquides de refroidissement.
« Keep the Reactor simple » reste le leitmotiv(8) de la société canadienne, qui emploie actuellement 30 personnes. Dans le réacteur à sels fondus « intégral » (« IMSR ») de Terrestrial Energy, tous les composants du circuit primaire (cœur du réacteur, échangeurs de chaleur et pompes) sont intégrés dans un module scellé. Selon Simon Irish, la société a surmonté un obstacle fréquemment cité à la commercialisation des réacteurs à sels fondus, à savoir la durée de vie des matériaux.
Terrestrial Energy entend mettre en service un démonstrateur de près de 200 MW électriques(9) à la fin de la décennie 2020. La société vise un coût de production électrique d’environ 50 $ par MWh(10), en limitant le coût des futures centrales en deçà d’un milliard de dollars.
Précisons qu’il existe actuellement une réelle effervescence autour du nucléaire « du futur » en Amérique du Nord. Fin 2016, le think tank Third Way a identifié 48 entreprises et institutions de recherche aux États-Unis travaillant sur des technologies nucléaires « avancées ». Dès novembre 2015, la Maison Blanche a d’ailleurs lancé le programme GAIN (Gateway for Accelerated Innovation in Nuclear)(11) pour soutenir les efforts des start-ups dans ce domaine. Un soutien qui n’est pas remis en cause par Donald Trump pour rendre le nucléaire « great again ».