Comment rendre plus efficace la politique de rénovation énergétique des logements ?

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Plusieurs instruments incitatifs ont été développés au fil du temps pour encourager les rénovations : la TVA à taux réduit en 1999, le crédit d’impôt en 2005, devenu MaPrimeRénov’ (MPR) en 2020, les certificats d’économies d’énergie (CEE) en 2006 et l’éco-prêt à taux zéro (EPTZ) en 2009. (Visuel de Joel Hügli-Pixabay)

La politique de rénovation énergétique des logements en France est « sans ambiguïté [...] indispensable à l’atteinte des objectifs climatiques et de sobriété énergétique, même en supposant que les économies d’énergie sont moindres que celles attendues », souligne une note du Conseil d'analyse économique (CAE)(1) publiée ce 19 juin.

Importance des rénovations « performantes »

Le secteur des bâtiments compte pour près de 20% des émissions nationales de gaz à effet de serre et environ deux tiers des émissions des bâtiments résidentiels proviennent du chauffage, rappelle la note en préambule.

Mais l'objectif de la Stratégie nationale bas carbone de 370 000 rénovations « performantes » par an, puis de 700 000 à partir de 2030 reste encore éloigné du niveau actuel constaté par l'Agence nationale de l'habitat (66 000 rénovations performantes en 2022). Une rénovation étant considérée comme performante « si elle permet d’atteindre les seuils de consommation des étiquettes A ou B du DPE (norme BBC) ».

La note du Conseil d'analyse économique « vise un objectif de rénovation ambitieux, qui associe isolation et changement de vecteurs de chauffage » (ce seul changement ayant des effets limités sans une bonne isolation). 

Quels coûts et quels bénéfices ?

Les frais de matériel et de main-d’œuvre facturés à l’investisseur pour des travaux de rénovation s'élèvent, selon la littérature, à « un coût de 200 € à 500 € par mètre carré de surface habitable pour atteindre le niveau BBC, soit une valeur moyenne de 35 000 € pour un logement de 100 m2», selon la note du CAE.

Ce coût varie peu en fonction de la performance énergétique de départ, « ce qui traduit un rapport coût-efficacité décroissant avec l’ampleur de la rénovation. Une mauvaise coordination des travaux sur les différents postes d’isolation et de chauffage peut cependant engendrer une perte d’efficacité de 20% à 40%. » Avant les travaux s'ajoutent des dépenses préalables (comme un audit énergétique) et des coûts non monétaires (temps consacré au projet de rénovation notamment).

Face à ces coûts, les bénéfices réels font souvent débat, les économies d’énergie réelles étant réduites par rapport aux prévisions pour 3 raisons : l'effet « rebond » lié aux changements de comportement (expliquant 20% de l'écart entre gains théoriques et réels), les erreurs de modélisation (40%) et les défauts de qualité (40%).

Schéma du CAE

Schéma du Conseil d'analyse économique sur les coûts et bénéfices privés d’une rénovation énergétique

Outre les réductions de factures et les gains de confort, les auteurs soulignent également que la valeur immobilière du bien est augmentée par les travaux de rénovation (« valeur verte »).

Rentabilité des opérations de rénovation

Sans aide publique, « les rénovations BBC sont rentables pour 26% du stock de résidences principales » du point de vue des particuliers, selon la note du CAE.

S'ajoutent d'autres freins aux opération de rénovation : manque d'intérêt pour les bénéfices futurs, perturbations sur le marché du crédit, difficultés à répercuter le coût des travaux dans les loyers dans le parc locatif et problèmes de coordination dans l'habitat collectif, etc. À ce titre, « la part des rénovations réalisables et rentables pour les ménages en l’absence d’intervention publique passe de 26% à 5% du parc de logements ».

Pour la société en général, la note du CAE souligne également les bénéfices des rénovations : gains environnementaux (avec en moyenne « 30 t CO2 par logement rénové, soit trois années d’émissions moyennes d’un Français »), effets sur la santé (avec une baisse des dépenses liées aux soins), etc.

Ainsi, « en prenant en compte la valeur sociale des émissions évitées et les coûts de santé liés à l’exposition au froid, et en supposant que les barrières à l’investissement sont levées, la part des rénovations socialement rentables s’élève à 55% du parc de logements, réduisant les émissions de CO2 de 70% » en France. Et une valeur sociale du carbone de 500 €/tCO2 augmenterait encore cette part des rénovations « socialement rentables » de 55 à 65%, « soit près de 3 millions de logements supplémentaires », précise la note.

Recommandations pour faire évoluer les subventions

La subvention est sans surprise identifiée comme « l’instrument qui permet de surmonter l’ensemble des barrières à l’investissement ». Le CAE souligne d'ailleurs l'effet levier des 4 dispositifs d'aides (dispositif MaPrimeRénov’, éco-prêt à taux zéro EPTZ, TVA à taux réduit et primes liées aux certificats d’économie d’énergie CEE) : « un euro d’aide publique entraîne un investissement privé additionnel supérieur à un euro »(2).

Les auteurs de la note appellent ainsi à « sanctuariser le budget consacré à la rénovation énergétique en s’engageant sur un budget pluriannuel de l’ordre de 8 milliards d’euros par an » (auquel s'ajoutent les aides locales).

Le CAE recommande également de remplacer le dispositif des CEE (« qui n’a pas apporté la preuve de sa valeur ajoutée par rapport à un dispositif public de subventions ») par une « contribution généralisée au service public de l’efficacité énergétique » abondant le budget de MaPrimeRénov'. 

L'importance de cibler les aides (en particulier sur la rénovation au niveau BBC des 5 millions de logements de classes F et G) est par ailleurs soulignée. En intervenant notamment à un moment stratégique : la vente d'un logement, lors de laquelle pourrait être mis en œuvre « un supplément sur les droits de mutations à titre onéreux (DMTO) pour les logements notés F ou G par exemple – qui serait remboursé à l’acquéreur s’il réalise des travaux d’ampleur dans les deux ans qui suivent l’achat ».

Labellisation RGE et collecte des données sur les rénovations

Afin d'aider les ménages dans leur recherche d'une entreprise de confiance pour réaliser les travaux, le CAE appelle à simplifier l’octroi de la labellisation RGE (« un registre qui facilite la phase de recherche [mais] crée des barrières à l’entrée, sources de potentiels effets inflationnistes »), en instaurant un service public de contrôle de la qualité ex-post, avec des sanctions renforcées en cas de défauts de qualité.

Pour suivre et piloter cette politique de rénovation, la note salue la création de l'Observatoire national de la rénovation énergétique, en appelant à aller plus loin et à « systématiser la collecte de données sur l’efficacité énergétique et les rénovations, et les apparier avec d’autres données socio-économiques et de consommation d’énergie à l’appui d’un répertoire statistique des logements ».

Sources / Notes

  1. Placé auprès du Premier ministre, le Conseil d’analyse économique a pour mission d’« éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ».
  2. Cet effet levier augmente lorsque les aides sont orientées vers les ménages à bas revenus et/ou sur les rénovations d’ampleur.

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