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Le gouvernement veut modifier le mode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité, qui a entraîné la hausse contestée de 5,9% le 1er juin. Le point sur cette formule et sur ce qui pourrait évoluer.
Comment les tarifs sont-ils fixés ?
La méthode de calcul des tarifs réglementés de l'électricité (TRV) est définie par la loi "Nome" (Nouvelle organisation du marché de l'électricité), votée en 2010. "L'État a réformé les tarifs en indexant une partie sur le prix du marché et une autre sur celui du nucléaire régulé", a indiqué à l'AFP Nicolas Goldberg, du cabinet Colombus Consulting.
La méthode dite "par empilement" additionne les coûts des différentes composantes de la filière. Elle comprend notamment le coût d'approvisionnement des fournisseurs alternatifs, qui peuvent acheter une quantité plafonnée d'électricité nucléaire à prix fixe auprès d'EDF grâce au dispositif de l'Arenh et qui se fournissent également sur les marchés. Elle inclut aussi un coût d'approvisionnement en capacité, qui garantit la sécurité d'approvisionnement, les coûts commerciaux, ceux d'acheminement de l'électricité ainsi qu'une marge commerciale.
À cela s'ajoutent différentes taxes : contribution tarifaire d'acheminement (CTA), contribution au service public de l'électricité (CSPE), taxes sur la consommation finale d'électricité (TCFE) et TVA.
Comment s'explique la dernière hausse ?
Les tarifs réglementés ont progressé de 5,9% au 1er juin. Cette hausse doit permettre de garantir la sécurité, la qualité et des prix raisonnables à moyen et long terme, a assuré samedi Jean-François Carenco, le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
La hausse tient compte notamment de "l'augmentation importante des prix sur les marchés de gros de l'énergie", qui est liée à l'accroissement des prix des matières premières, a expliqué la CRE dans sa délibération de février. Elle est également due au "doublement du prix des garanties de capacité". "En plus d'acheter de l'électricité, un fournisseur doit acquérir un certificat de capacité, garantissant qu'il a investi dans des capacités de production sécurisant l'approvisionnement", explique M. Goldberg.
Qu'est-ce qui fait polémique ?
Cette hausse, qui représente un budget supplémentaire de 85 euros par an en moyenne pour un foyer se chauffant à l'électricité, est dénoncée comme "injuste" par les associations de consommateurs.
La méthode de calcul actuelle est aussi conçue pour permettre aux fournisseurs alternatifs d'être compétitifs et de pouvoir proposer des tarifs inférieurs : c'est le principe de la "contestabilité". Or ces alternatifs - comme Engie, Total Direct Energie ou Eni - ont vu leurs coûts augmenter avec la hausse des cours sur le marché de gros et l'accès limité aux capacités nucléaires.
C'est le paradoxe dénoncé par les associations : le principe de la "contestabilité" est censé favoriser la concurrence au bénéfice des consommateurs, mais il se traduit par une hausse des tarifs. Cette méthode de calcul, élaborée au moment où les prix de marché baissaient, "n'est plus tellement adaptée dans un contexte où la concurrence a bien émergé et où les marchés sont remontés", a commenté M. Goldberg.
De quelle marge de manoeuvre dispose le gouvernement ?
"Ce n'est pas le gouvernement qui est à l'origine de cette hausse", a souligné vendredi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Il appartient à la CRE de faire une proposition tarifaire, en fonction de la loi. Le gouvernement dispose d'un délais de trois mois pour la valider ou la refuser. En cas de rejet, "il doit motiver son refus par des raisons techniques, économiques et juridiques", a précisé à l'AFP une porte-parole de la CRE.
Face à ces limites, le gouvernement a annoncé qu'il comptait revoir le mode de calcul des tarifs réglementés, à l'occasion de l'examen du projet de loi énergie prévu dans la deuxième quinzaine de juin.
Parmi les solutions les "plus simples" : relever le plafond de l'Arenh, ce qui permettrait aux fournisseurs alternatifs d'acquérir une proportion plus importante d'électricité à prix fixe, mais qui pénaliserait EDF, a expliqué M. Goldberg. Autre possibilité : revoir le mode de calcul, soit "un travail en profondeur". "À partir du moment où on revoit la formule, on peut tout faire, tout dépend de la volonté politique qu'il y a derrière", a détaillé l'expert.