EPR2 : quelle technologie et quels projets en cours ?

Centrale de Gravelines

Centrale de Gravelines, où devrait être implantée une des trois premières paires d'EPR 2. (©BURNOD JEAN LOUIS;HAPPY DAY) 

Développé dès 2021 par EDF et Framatome, l’EPR2 ou « Evolutionary Power Reactor 2 » est un projet de version optimisée de l’EPR (anciennement appelé « réacteur nucléaire à eau pressurisé européen » ou « European Pressurized Reactor »). Si 3 sites ont déjà été retenus pour l'implantation en France des premières tranches, l'évaluation complète de leurs coûts et leur calendrier de construction a encore été repoussée de « plusieurs mois », indique l'AFP ce 20 février.

Contexte

Sur proposition d’EDF, le Président Emmanuel Macron a annoncé en février 2022 dans le discours de Belfort la construction de 3 paires de réacteurs EPR2, avec un objectif de première mise en service en 2035-2037 pour les 2 premiers réacteurs (la première mise en service est désormais envisagée à l'horizon 2038).

Les premiers sites retenus pour les chantiers de construction des EPR2 sont Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord) et Bugey (Ain)

Huit autres réacteurs pourraient suivre, sans information à ce stade sur les sites d’installation, sinon qu’ils devraient être construits sur des sites nucléaires existants.

Caractéristiques de l’EPR2

Le réacteur « EPR2 » conservera tous les attributs techniques de l’EPR avec des améliorations significatives et une certaine standardisation, voire simplification en termes de méthodes de conception, de construction, de sécurisation et d’ergonomie. L’objectif étant une maîtrise des coûts de production et in fine une amélioration de la compétitivité du parc nucléaire français face aux besoins énergétiques du pays et en vue d’exportations face aux réacteurs concurrents.

Le réacteur EPR2 ne présentera pas de différences techniques majeures avec l’EPR. Il sera doté d’une puissance brute similaire de 1 670 MW(1) et d’une durée de vie minimale de 60 ans

Fonctionnement et différences avec l'EPR

Le projet d’EPR 2 est un réacteur évolutionnaire utilisant le principe de la fission de l’atome d’uranium 235 et de sa réaction en chaîne pour produire de l’électricité. La réaction en chaîne au cœur du réacteur EPR2 est stabilisée avec la même technique d’assemblage des combustibles, d’absorbant neutronique dilué dans l’eau du circuit primaire (bore soluble) et de grappes de commandes grises (contrôle de la puissance du réacteur par absorption des neutrons), ainsi que d’appareils de mesure et de protection, que l’EPR.

La conception du réacteur nucléaire amélioré tendra vers la simplification, sans se départir d’un objectif de sûreté en intégrant le retour d’expériences des accidents des centrales de Fukushima Daiichi (2011) et de Tchernobyl (1986).

Le programme EPR2 comprendra la construction du bâtiment du réacteur avec une simple paroi de béton doublée d’un liner métallique, contre une double paroi pour l’EPR. La possibilité de maintenance du réacteur en activité est abandonnée, ce qui entraînera une simplification des structures et circuits internes aux bâtiments (notamment l’abandon du « Two rooms » qui permettait au personnel d’accéder à certaines parties du bâtiment réacteur).

La sécurisation des installations nucléaires sera renforcée avec des procédés similaires à l’EPR en ce qui concerne l’impact des agressions extérieures (séisme, chute d’avions, incendie). L’abandon de la maintenance en fonctionnement permettra à l’EPR2 d'intégrer 3 trains de sûreté, contre 4 pour l’EPR. Ce réacteur disposera enfin de groupes électrogènes de secours à moteur Diesel.

Enfin, le renforcement de la sûreté du réacteur portera également sur les questions d’étanchéité (par le biais de joints hydrodynamiques de plus haute résistance aux températures) pour limiter les risques de fuites du circuit primaire. Le processus de refroidissement du réacteur sera assuré par plusieurs sources passives indépendantes de la station de pompage principale du réacteur (source froide et source de gaz réfrigérant).

Cette version optimisée du réacteur à eau pressurisée devrait diviser par 10 le risque d’accident majeur par rapport à un réacteur de 2e génération, soit un niveau de sûreté équivalent à celui des EPR actifs ou en construction.

Innovations de construction

L’EPR2 est un projet de réacteur innovant avec une optimisation du génie civil dès la phase de conception afin d’atteindre un objectif de réduction des coûts de construction sans perte de compétitivité et de sécurisation des installations. 

Proposé par EDF, le projet EPR2  est « le premier réacteur à être totalement conçu de façon numérisée », avec simulation 4D et visualisation 3D pour plus facilement faire évoluer la conception et détecter les anomalies.

Coût estimé des EPR2

Le programme EPR2 prévoit une construction par paire de réacteurs. Cette construction en série par paire permettra de réduire les coûts en mutualisant les infrastructures nécessaires à l’exploitation des deux réacteurs comme les premiers EPR mis en service à Taishan, en Chine, ce qui doit permettre des économies d'échelle comme l’a souligné EDF.

Le chiffrage de la construction des 6 réacteurs de nouvelle génération EPR2 était estimé par EDF à 46 milliards d’euros en 2022. Cette enveloppe a été réévalué à la hausse de 30% à 67,4 milliards d’euros (en raison des retards dans la phase de conception préparatoire de l’énergéticien), selon un chiffrage prévisionnel d'EDF datant de fin 2023, révélé en mars 2024. Cela revient à 79,9 milliards d'euros aux conditions plus récentes de 2023, selon un rapport de la Cour des comptes de janvier 2025.

En attendant l'évaluation finale, le ministre chargé de l'Énergie Marc Ferracci a pour sa part indiqué le 19 février 2025 sur Sud Radio : « le coût, c'est en dessous de 100 milliards d'euros ».

Le programme EPR2 est qualifié d’enjeu financier « majeur » par la Cour des comptes, et fait l’objet d’incertitudes, notamment sur la capacité de construire un nouveau parc de réacteurs dans des délais et à des coûts raisonnables. Ces craintes sont renforcées par la dérive budgétaire de l'EPR de Flamanville, dont le budget initial de 3,3 milliards d’euros s'est envolé pour atteindre une facture de 13,2 milliards d’euros.

Selon les estimations d’EDF, les coûts de production du mégawattheure (MWh) nucléaire de l’EPR2 se situeront entre 40 et 100 euros/MWh, contre 60,7 €/MWh pour la moyenne actuelle (selon la CRE sur la période 2026-2030). Ces coûts prévisionnels pourront être revus à la hausse selon la dernière mise à jour du chiffrage du projet EPR2.

Conseil de politique nucléaire de mars 2025

En mars 2025, le 4e Conseil de politique nucléaire (CPN) a examiné les grands principes du schéma de financement et de régulation du programme de construction des six réacteurs EPR2. Il précise que « ce schéma est basé sur un prêt de l’État bonifié couvrant au moins la moitié des coûts de construction et un contrat pour différence sur la production nucléaire à un prix maximal de 100 € 2024/MWh ».

Consulter le communiqué de l'Élysée sur le 4e Conseil de politique nucléaire (CPN), 17 mars 2025.

Projets de constructions de Penly, Gravelines, Bugey

Le programme de 3 paires d’EPR2 à Penly, Gravelines, Bugey est conditionné à l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Ainsi, chaque EPR2 en projet de construction doit faire l’objet d’une phase préparatoire de 3 ans incluant une étape de débat public et l’obtention de la demande d’autorisation de création d'une installation nucléaire.

Site de Penly

Le projet d’EPR2 à Penly est entré dans sa phase de travaux préparatoires par décret du 3 juin 2024, après une période de débat public entre octobre 2022 et février 2023.

Pourtant, la Commission nationale du débat public (CNDP) est toujours dans « l'attente des réponses complètes et argumentées des maîtres d'ouvrage et de l'État sur le nouveau programme nucléaire et le projet EPR 2 Penly », des questionnements soulevés lors des débats publics.

L’étape de « Grand Chantier EPR2 » désigne toutes les mesures prises envers la population et les entreprises pour les accompagner dans l’aménagement du territoire (construction de routes et d’infrastructures, parkings, logements).

La paire d’EPR2 de Penly devrait être en capacité de couvrir les besoins d’électricité annuels de l’ensemble de la région Normandie.

Site de Gravelines

Le projet d’EPR2 à Gravelines a terminé sa phase de débat public qui s'est déroulée de septembre 2024 à janvier 2025. 

Pendant les réunions publiques itinérantes organisées par la CNDP à Gravelines, Dunkerque, Calais et en Belgique, les citoyens ont pu aborder plusieurs sujets parmi les dix grands thèmes retenus dont le calendrier et le budget du projet, le traitement des déchets radioactifs, la sûreté, l’impact économique et sur l’emploi, l’impact sur l’environnement.

Pour rappel, le site de Gravelines compte déjà six réacteurs avec une puissance de 900 MW par tranche et couvre l’équivalent de près de 70% des besoins énergétiques des Hauts-de-France.

Site du Bugey

La centrale du Bugey, existante depuis 1974, compte 4 réacteurs de 900 MW chacun. EDF a saisi la CNDP en juin 2024 pour la première phase du projet d’installation de réacteurs nucléaires de type EPR2 pour la production d’électricité.

Installé en bord de rivière, le projet du Bugey est le premier du genre (Penly et Gravelines sont en bord de mer). La phase de conception devra prendre en compte les risques sur les ressources en eau en prévoyant des sources fermées de refroidissement par aéroréfrigérant.

Le calendrier prévisionnel du projet EPR2 au Bugey est actuellement le suivant selon EDF :

  • fin 2027 : début des travaux préparatoires ;
  • été 2028 : dépôt du décret d’autorisation de création ;
  • 2033/2034 : début des travaux ;
  • à partir de 2040 : mise en service des réacteurs.

Selon les estimations d’EDF, la construction d’une paire de réacteurs nucléaires d’une capacité de 1 670 MW chacun couvrirait jusqu’à 40% de la consommation de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Un meilleur bilan que l’EPR ?

Le projet d’EPR2 s’inscrit dans le programme de relance du nucléaire impulsé par la France suite à la crise énergétique de 2021. Dans ce contexte, les objectifs sont multiples, comme la recherche d'une meilleure indépendance énergétique afin de retrouver une souveraineté en déclin et une maîtrise des coûts de production. Les intérêts d’EDF convergent aussi vers la compétitivité des réacteurs pour l’exportation en Europe.

L’EPR2 doit toutefois faire mieux que l'EPR avec une facture optimisée. Mieux en termes de planning de construction notamment, puisque l’ambition du programme est de livrer la première paire de réacteurs dans un délai réduit (à l’horizon 2038). À ce sujet le retour d’expérience du chantier de réacteur de Flamanville (et Olkiluoto 3 en Finlande et Hinkley Point C en Angleterre) fait craindre des retards sur le planning annoncé : prévus pour une durée initiale de 5 ans, les travaux de Flamanville ont accusé 12 ans de retard suite à de multiples déboires (défectuosité de la dalle de béton, renforcement des normes sécuritaires après l’accident de Fukushima, etc.).

En juin 2024 lors de son audience devant le Sénat, l’ancien Ministre de l’économie, Bruno Le Maire avançait des doutes quant au programme EPR 2 « dans une filière qui malheureusement a connu des hauts et des bas, a été trop souvent pointée du doigt, qui a perdu beaucoup de compétences et qui doit maintenant se reconstruire ».

Pour faire face à ces enjeux, la filière industrielle nucléaire devra en effet renforcer ses « ressources humaines et techniques dans ses principaux segments d’activité sur 10 ans glissants, et orienter les actions nécessaires à l’adéquation de ses capacités ». Le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) estime que 100 000 recrutements sur 10 ans seront nécessaires pour remplir les ambitions de construction de nouveaux réacteurs de nouvelle génération. Un effort particulier de recrutement devra s’orienter sur plusieurs segments d’activité en tension comme le génie civil, la chaudronnerie, la logistique, la tuyauterie, le soudage ou l’électricité.

À noter que les projets de construction des 6 EPR2 pourraient être suivis par 8 autres réacteurs en fonction du succès de l’entreprise.

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Sources / Notes

  1. Toutefois, sa puissance thermique de 4 590 MWth dépassera de peu celle de l'EPR de Flamanville (4 500 MWth).

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