Métaux critiques : l'Allemagne accélère sur le lithium

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Dans une usine de Francfort, en Allemagne, un premier camion a déchargé des barils de lithium, arrivé tout droit de la vallée du Rhin pour être transformé en composant pour batteries, un pas important vers l'indépendance européenne en métaux critiques.

Projet « le moins polluant au monde »

Le précieux métal sera envoyé dans les semaines à venir à des constructeurs de batteries par l'entreprise australienne Vulcan Energy, qui a inauguré l'usine de raffinage début novembre. Pour une phase de test tout d'abord, avant la production commerciale, prévue pour 2027. Parmi ses clients figurent Volkswagen, Renault, Stellantis ou Umicore.

Les constructeurs automobiles européens, engagés dans le virage vers l'électrique, sont assoiffés de lithium, indispensable à la fabrication de batteries alors que les véhicules neufs dotés de moteurs à combustion seront interdits à la vente dans l'Union européenne à partir de 2035.

Grâce sa technologie basée sur la géothermie, le projet de Vulcan Energy est "le moins polluant au monde", assure un rapport de l'ONG Transport & Environment (T&E), avec une production émettant "83% d'émissions carbone de moins" que celles des mines chinoises.

Du lithium extrait de la saumure profonde

Dans la ruée mondiale vers l'extraction de lithium, deux techniques sont utilisées : l'excavation minière dans la roche et l'évaporation de saumure naturelle, technique moins gourmande en énergie mais plus lente et consommatrice d'eau. La méthode utilisée par Vulcan Energy se rapproche de la seconde.

Mais au lieu du procédé d'évaporation, le lithium est extrait directement de la saumure profonde située à 2 kilomètres sous le village allemand de Landau (ouest), à la frontière française, une eau chauffée naturellement grâce à la situation géologique de la vallée du Rhin.

Le lithium obtenu est ensuite converti dans l'usine Vulcan de Francfort en hydroxyde de lithium par électrolyse et cristallisation.

Outre le lithium, l'eau géothermale - à 165°C - génère également de l'énergie verte revendue au réseau électrique local, permettant in fine à Vulcan Energy d'afficher "un bilan neutre en carbone". Ce procédé est subventionné par le gouvernement allemand à hauteur de 100 millions d'euros.

"La chaleur naturelle permet d'extraire le lithium à des coûts très bas, ce qui nous permet de battre la Chine sur les coûts et l'emprunte carbone à la fois", a expliqué à l'AFP Francis Wedin, fondateur de l'entreprise. La Chine est le troisième extracteur de lithium au monde, derrière l'Australie et le Chili.

« Jusqu'à 10% de la demande européenne »

À partir de 2027, 24 000 tonnes d'hydroxyde de lithium seront produites chaque année à Francfort, soit "entre 5 et 10% de la demande européenne en lithium, pour un demi-million de voitures", affirme M. Wedin, alors que l'Europe ne joue à présent aucun rôle dans cette production.

La question de l'approvisionnement en métaux critiques sera largement abordée lors de la COP29, qui a débuté lundi en Azerbaïdjan. Le temps presse alors que la demande de lithium devrait plus que doubler pour atteindre 2,5 millions de tonnes en 2030, selon les estimations de T&E.

Une autre raffinerie, inaugurée en septembre par le concurrent AMG Lithium dans l'est de l'Allemagne, cible une production annuelle de 20 000 tonnes. Mais pour l'instant, cette entreprise importe sa matière première du Brésil.

28 projection d'extraction ou de raffinage dans l'UE

L'objectif de l'UE est de pouvoir réaliser sur son territoire 40% du raffinage des matériaux jugés critiques. Cet été, l'UE a signé un partenariat important avec la Serbie pour s'assurer que le lithium, qui sera extrait du pays à partir de 2028, répondra uniquement à la demande européenne.

Avec 28 projets d'extraction ou de raffinage dans les tuyaux - dont certains également géothermiques, comme le projet français d'Eramet en Alsace -, l'UE pourrait réduire sa dépendance aux importations et fournir la moitié de ses besoins en lithium d'ici à 2030. Mais pour l'instant, aucun projet n'a passé la phase pilote.

"Cette étape va dans la bonne direction, mais si nous voulons être véritablement indépendants des autres pays, chaque étape de la construction des batteries doit avoir lieu en Europe", souligne Alina Racu, experte chez T&E, alors que la plupart des cathodes, qui constituent les batteries de voitures électriques, sont fabriquées en Chine.

Or la filière européenne de la batterie pour véhicule électrique est à la peine, contrainte de revoir ses ambitions en raison du ralentissement des ventes de ce type de voitures sur le continent depuis un an.

Commentaires

Serge Rochain
En fait, le minage du lithium était une horeur pour les populations, pour la planètes, pour les nappes phréatiques.... tant que c'était produit à l'étranger pour faire des VE chinois, mais maintenant que ça va se faire en Europe pour nos propres besoins cela devient miraculeusement propre ! C'est merveilleux !
GV
Et oui Rochain, les VE que vous vénérez tant provoquent de graves atteintes environnementales, à leur fabrication et aussi pour leur utilisation, en Chine, en Europe ou n'importe où sur la planète. C'est la solution du statu quo, on reproduit le schéma éculé qui dure depuis des décennies avec le VT, sans réflexion de fond sur la mobilité.
Vincent
Il existe des réflexions de fond sur la mobilité, avec par ex la mise en place d'autopartage (modèle citiz par ex). Mais ce type de modèle ne rencontre que peu de succès. Trop cher pour ceux qui veulent/doivent rouler beaucoup et modèle rentable uniquement dans des centres urbains. La voiture ne disparaitra pas. Donc à partir de là, il est absolument indispensable d'électrifier pour tenir nos objectifs climatiques. Alors électrifions et de la meilleure manière possible. Ce type de projet va dans le bon sens.
GV
Effectivement, il existe des réflexions sur l'autopartage, des réflexions limitées, sporadiques, qui ne font pas structure. Pas de vision d'ensemble et nationale sur une alternative au tout voiture, les neurones des décideurs sont restés bloqués en 1980.
Vincent
Citiz est déployé à l'échelle nationale et le modèle est pertinent (possibilité de louer tout type de véhicules, de la twingo au minibus 9 places, en thermique et électrique). Cependant, ce modèle n'est pas rentable aujourd'hui et seules les subventions publiques permettent à ce genre de coopératives de survivre. Donc même quand la vision est là, nos chers concitoyens n'en veulent pas car leurs neurones sont aussi restés dans les années 80. Le problème vient aussi beaucoup d'en bas.
GV
Merci de confirmer ce que j'ai écrit, le schéma de pensée des décideurs est encore englué dans la sacro-sainte voiture individuelle.
Jérôme RYCKEWAERT
Je reconnais les grincheux messieurs Rochain et GV, toujours prêts à critiquer quand les progrès ne sont pas assez parfaits à leur goût.... heureusement qu'il y a des Vincent & Co pour faire avancer positivement les choses !

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