Le site de Vendenheim fait l’objet d’un investissement de plus de 80 millions d’euros. (©MD)
Au Nord de Strasbourg, des analyses ont confirmé la présence de lithium « en quantité et en qualité très prometteuses » dans les eaux extraites d’un puits de forage géothermique.
Géothermie profonde à Vendenheim : électricité, chaleur… et lithium
À Vendenheim, la société Averne groupe construit actuellement une centrale géothermique qui produira en cogénération de l’électricité et de la chaleur… et d’où sera extrait du lithium. Situé à l’emplacement d’une ancienne raffinerie d’hydrocarbures, le site de Lithium de France ambitionne de commencer à produire de la chaleur à partir de 2025, avec un objectif de capacité thermique de 20 mégawatts (soit potentiellement 160 gigawattheures de production annuelle), et d'extraire du lithium à partir de 2026, pour une quantité de 1 500 tonnes annuelles d'hydroxyde monohydraté de lithium, de qualité batterie.
Arverne Group est le repreneur de Fonroche Géothermie, placée en procédure de sauvegarde après l'échec de son projet de production de chaleur et d'électricité géothermale près de Strasbourg. Il avait provoqué plusieurs séismes avant que la préfecture n'y mette un terme.
À près de 4 000 m de profondeur(1), de l’eau chaude à plus de 150°C circule dans les failles préexistantes du sous-sol et elle y capte des minéraux présents dans la roche. Les énergéticiens indiquent qu’ils « savaient depuis longtemps que les eaux géothermales en Alsace du Nord » étaient riches en chlorure de lithium mais ils ont constaté récemment des concentrations similaires (de l’ordre de « 170 à 200 ppm(2) ») au sein des projets autour de Strasbourg comme Vendenheim.
Les acteurs de la géothermie profonde en Alsace mettent en avant le caractère « propre » du lithium qui pourrait être récupéré après raffinage(3), celui-ci pouvant être « extrait du sol, raffiné et transporté avec un très faible impact environnemental » en comparaison avec la production actuelle (qui provient principalement d’Australie et du Chili, avant transformation en Chine). Une visibilité sur le prix de ce lithium constitue un autre avantage majeur mis en avant par les parties prenantes auprès des pouvoirs publics.
Les procédés d’extraction du lithium des eaux géothermales seraient déjà efficaces en laboratoire et doivent être testés sur site : il existe actuellement 3 projets de R&D en Alsace (EuGeLi, TERMALI et GEOLITH) et « au moins autant » en Allemagne où plusieurs permis miniers de coproduction géothermie/lithium sont en cours de dépôt(5).
Un « Airbus européen des batteries » bénéficierait fortement de cette production locale de lithium, soulignent les professionnels de la géothermie profonde. Ces derniers estiment l’investissement supplémentaire pour extraire du lithium sur leurs sites à environ « 10 millions d’euros par centrale ».
Un préalable pour la filière : le maintien d’un soutien public pour la production électrique
Les acteurs de la géothermie profonde conditionnent le développement prometteur de l’extraction de lithium à un soutien public pour leur production électrique. Pour rappel, un complément de rémunération avantageux avait été mis en place en décembre 2016 pour les sites géothermiques (au tarif de 246 €/MWh)(6) mais ce soutien public a été supprimé dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
L’AFPG (Association française des professionnels de la géothermie) précise que des discussions sont encore en cours sur « les besoins minimaux de la filière pour assurer son développement »(7), les acteurs de la filière évoquant la possibilité de descendre « à moins de 200 €/MWh ». Ils mentionnent que le tarif de rachat du solaire photovoltaïque avoisinait « 600 €/MWh il y a quelques années »(8).
C’est en obtenant ce soutien public que les énergéticiens envisagent une extraction de lithium qui pourrait de facto abaisser ultérieurement les coûts des projets de géothermie profonde : « ce n’est pas le lithium qui va sauver la géothermie, mais la géothermie qui va permettre le développement de la production de lithium en France » selon Jean-Jacques Graff, directeur du développement chez ES. Les acteurs de la filière évoquent également un potentiel d’extraction de lithium dans d’autres zones prometteuses pour la géothermie profonde (Massif central, couloir Rhodanien, Pyrénées) et imaginent dans le futur l’installation d’« une unité de raffinage de lithium » par région concernée.
Permis de recherche pour Lithium de France
Après de premières opérations d'exploration du sous-sol alsacien en 2022, Lithium de France avait annoncé en mars 2023 avoir levé 44 millions d'euros pour ses travaux d'exploration du sous-sol alsacien. "Les résultats sont extrêmement prometteurs et vont nous permettre de définir nos cibles pour les premiers travaux de forage", assurait Guillaume Borrel, le directeur général.
La société Lithium de France (LDF), filiale d'Arverne Group, s'est vue octroyer par l'État un quatrième permis pour une durée de cinq ans, en vue de produire de la chaleur et du lithium géothermal en février 2024.
La zone concernée située à l'Est de Haguenau est d'une superficie de 151 km2 environ. Il s'agit du quatrième PER obtenu en deux ans par LDF. "En Alsace du Nord, Lithium de France a déjà démarré de multiples opérations d'étude et d'exploration sur le terrain, permettant de cartographier une partie importante du sous-sol des zones qui couvrent ses premiers permis".
Arverne Group "possède désormais, au travers de ses filiales, un portefeuille de neuf" PER, "dont sept sur la géothermie et deux sur le lithium", situés en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Grand Est, "soit plus de 2.000 km2", indique l'entreprise.
"Ce nouveau permis (...) constitue une étape importante franchie. (...) Nous nous en réjouissons et allons poursuivre notre travail, avec le territoire, pour contribuer à la décarbonation du [bouquet] énergétique français", déclare Pierre Brossollet, PDG d'Arverne Group. "Les résultats sont extrêmement prometteurs et vont nous permettre de définir nos cibles pour les premiers travaux de forage", avait alors assuré à l'AFP Guillaume Borrel, directeur général.