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L'essor attendu des véhicules électriques ne devrait pas poser de problème majeur pour le système électrique français et pourrait même lui être utile à terme selon RTE, à condition que son développement ne se fasse pas de manière anarchique. Dans le cadre de ses engagements climatiques, la France veut encourager leur développement avec la fin de la vente des véhicules neufs émettant des gaz à effet de serre en 2040.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), dont le projet a été dévoilé récemment par le gouvernement, prévoit que la part des véhicules électriques et hybrides rechargeables atteindra 16,5% du parc roulant en 2028, soit 4,8 millions de véhicules en circulation.
Pourtant, cela ne se traduira pas par une explosion de la demande en électricité. "L'efficacité énergétique, la maîtrise de la consommation devrait compenser en moyenne les transferts d'usages", explique à l'AFP Philippe Degobert, directeur du campus Arts et Métiers de Lille et du master mobilité et véhicules électriques. Même dans un scénario de développement massif du véhicule électrique et de l'hybride rechargeable, avec 15,6 millions d'unités en 2035, la consommation augmenterait de 34 térawattheures (TWh), selon le gestionnaire du réseau RTE. Cela représente près de 8% de la consommation finale d'électricité et un volume inférieur à la consommation du chauffage électrique aujourd'hui. Avec les efforts d'économie d'autre part, RTE anticipe au final une érosion ou une stagnation de la demande totale à terme.
Un constat qui n'est toutefois pas tout à fait partagé par EDF, soucieux de maintenir ses moyens de production. "Il est prudent, notamment au regard des besoins de la mobilité électrique, de prévoir aussi une légère hausse de la consommation électrique", déclarait l'an dernier son PDG Jean-Bernard Lévy.
« Une chance »
Le véritable défi réside toutefois dans la gestion des pics de consommation: si les automobilistes se mettent à recharger leur véhicule à leur retour au domicile le soir, ils risquent d'aggraver la "pointe" de 19h00 - lorsque s'allument les chauffages et les fours au coeur des foyers français.
Un appel de puissance brutal qui n'est toutefois pas une fatalité, selon les experts. "Un peu comme pour les ballons d'eau chaude, il va y avoir des tarifs attractifs pour faire en sorte de recharger en décalant la pointe de 19 heures", souligne Philippe Degobert.
D'autant que la recharge des voitures peut déjà être programmée, voire gérée de manière "intelligente" afin qu'elle ait lieu au meilleur moment. Renault a par exemple développé une application - aujourd'hui disponible aux Pays-Bas - baptisée "Z.E. Smart Charge" qui permet de piloter la recharge d'un véhicule électrique en fonction de la disponibilité d'électricité dans le réseau. L'utilisateur détermine ainsi son heure de départ et le niveau de charge souhaitée et la recharge se déclenche en fonction des informations transmises par le gestionnaire du réseau électrique.
À terme, les batteries pourront même réinjecter l'électricité qu'elles ont stocké vers le réseau, qui pourra puiser dans ces réserves pour faire face à un pic de demande ou pour pallier la variabilité des énergies renouvelables. Cette capacité de stockage pourra être encore augmentée par l'utilisation de batteries "de seconde vie", des anciennes batteries de voitures reconditionnées pour un usage stationnaire.
Au final, l'électrification de la mobilité pourrait donc représenter un avantage pour le système plus qu'un problème. "Pour nous, le véhicule électrique d'usage massif peut être une vraie chance pour le système électrique et un vrai gain pour les consommateurs", s'enthousiasme ainsi François Brottes, président de RTE. Le gestionnaire du réseau prône ainsi une utilisation qui privilégie plutôt les recharges lentes et nocturnes, associées à du stockage massif et à des capacités d'injection. "Ça devient un outil de flexibilité, de gestion du système électrique dont on a sacrément besoin, à condition qu'il soit régulé et piloté", juge François Brottes.
Avec de nombreuses questions qui restent encore en suspens notamment sur la manière d'inciter l'automobiliste - et de le rémunérer - pour le service qu'il rend au réseau.