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Le transport aérien mise beaucoup sur les carburants sans pétrole pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre mais leur développement est encore limité par une faible disponibilité et des coûts pour l'instant rédhibitoires.
Pourquoi sont-ils essentiels ?
Le transport aérien s'est fixé pour objectif de réduire d'ici à 2050 ses émissions de CO2 de 50% par rapport à leur niveau de 2005. Pour y parvenir, le secteur travaille à améliorer la performance des avions et des moteurs, et à une meilleure gestion du trafic aérien. La moitié des gains attendus tient à l'utilisation de carburants d'aviation durables ("sustainable aviation fuels", SAF).
Ils ont l'avantage de ne pas avoir à changer les moteurs et infrastructures actuels et peuvent réduire les émissions de CO2 de 80% par rapport au kérosène sur l'ensemble de leur cycle d'utilisation, selon l'Association du transport aérien international (Iata). Et ils existent déjà alors que le développement de l'avion à hydrogène, promis pour 2035, se heurte encore à de nombreuses barrières technologiques. Et qu'il ne pourra pas exister pour les long-courriers, les plus émissifs, avant des décennies.
De quoi s'agit-il ?
Les SAF proviennent de la biomasse. Ils peuvent être fabriqués à partir d'huiles végétales, de cuisson, de graisses animales, de sucres et d'amidons, de certaines algues ou de lignocellulose provenant de résidus de bois et de certaines plantes non comestibles.
"Le carburant d'aviation, c'est le Gevrey-Chambertin des carburants", selon Patrick Gandil, ex-directeur général de l'aviation civile (DGAC) en France. "Il doit rester liquide dans une plage de température dont on n'a jamais besoin dans les transports terrestres, en haute atmosphère à - 50°C et sous le soleil d'un désert où cela va monter à 60°C dans les ailes".
Ces biocarburants peuvent actuellement être mélangés à 50% avec le kérosène d'aviation et l'industrie vise 100% d'ici à la fin de la décennie. "Leur composition est proche de celle du kérosène mais pas strictement identique, car ils n'ont pas de molécules aromatiques", explique à l'AFP Philippe Novelli, directeur des programmes propulsion aéronautique et environnement à l'Onera, le centre de recherche aérospatial français. Pour éliminer complètement le kérosène, il faudra donc soit ajouter des aromatiques de synthèse, dont le rôle est essentiel, soit modifier les moteurs.
Des carburants de synthèse appelés « électrofuels » (ou e-fuels) sont par ailleurs en développement. Il s'agit d'utiliser de l'hydrogène, produit par électrolyse, et de capter du CO2 dans l'atmosphère. En recombinant les deux, on obtient un carburant imitant le kérosène d'aviation. Encore faut-il que l'électricité nécessaire pour le produire soit décarbonée, c'est-à-dire d'origine renouvelable ou nucléaire.
Combien en faut-il ?
Bien plus : les SAF représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par l'aviation en 2019. Les pays scandinaves ont imposé une incorporation de 30% d'ici à 2030. Les Pays-Bas tablent eux sur 14% à cet horizon quand la France cible 5%. L'Allemagne vise 2% d'électrofuels.
"Les objectifs agressifs vont peut-être permettre de respecter la courbe (prévue par le secteur, NDLR) mais ça reste très ambitieux", jugeait Patrick Le Clercq, expert au centre de recherche aérospatiale allemand DLR, lors d'un récent congrès de l'Académie de l'air et de l'espace.
Si plus de 250 000 vols ont été effectués avec une part de carburants durables depuis le premier en 2008, ceux-ci ne sont disponibles continuellement que dans une poignée d'aéroports : Los Angeles, Oslo, Stockholm et Brisbane. "Le problème, c'est l'échelle", selon Paul Stein, directeur technique du motoriste britannique Rolls-Royce. "D'ici à 2050, nous aurons besoin de 500 millions de tonnes de SAF, c'est énorme".
Les projets de production se multiplient toutefois, portés par des entreprises comme le finlandais Neste, les américains Gevo ou Phillips 66, Shell ou Total, qui aura reconverti en 2024 sa raffinerie de Grandpuits en France.
Quels sont les freins ?
Le prix. "Le jet fuel coûte 400 euros la tonne, le biocarburant coûte 1 500", résumait récemment Patrick Pouyanné, le PDG de Total. "Sur un Paris-New York, si on met 1% de biocarburant dans un avion, cela va augmenter le prix du billet aller-retour de 5 dollars".
Il faut selon lui une forte impulsion des pouvoirs publics pour faire baisser drastiquement les coûts : pour les déchets agricoles qui peuvent servir à produire des biocarburants par exemple, "aujourd'hui il n'y a pas de filière parce que le coût de la collecte est absolument énorme".
S'ajoute à la question du prix celle de la durabilité : pas question que la production de biocarburants empiète sur les cultures alimentaires, sur les terres arables ou boisées, alors même que d'autres secteurs d'activité convoitent ces carburants.