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Plusieurs médias accusent les majors pétrolières "d'opacité" sur les rejets nocifs pour l'environnement liés au "torchage", un procédé qui consiste à brûler sur place le gaz naturel issu de l'extraction du pétrole.
Les émissions de CO2 liées au "torchage" de gaz naturel issu de l'extraction de pétrole ont atteint 1,4 milliard de tonnes en onze ans dans 18 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, selon cette enquête parue vendredi menée par Mediapart et treize médias internationaux, coordonnés par le collectif de journalistes et le réseau de médias European Investigative Collaborations (EIC).
"Les industriels européens sont ceux qui polluent le plus, avec 33%" de ces 1,4 milliard, "suivis par les pétroliers du Moyen-Orient (31%) et d'Amérique du Nord (14%)", selon eux.
Le torchage est une des solutions pour évacuer, en le brûlant, le gaz naturel qui s'échappe lors de l'extraction du pétrole. Mais "le gaz est brûlé pour rien, alors que des technologies matures permettent de le réinjecter dans le sol ou de le récupérer pour produire de l'électricité", remarque Mediapart.
Le torchage a émis l'équivalent de 381 millions de tonnes de CO2 en 2023, selon la Banque mondiale. Cela représente 1% des émissions mondiales annuelles, plus que celles de la France (315 millions).
Pourtant, les entreprises entretiennent une "opacité" sur ces émissions, selon le média. "Certaines d'entre elles déclarent volontairement leurs émissions liées au torchage, mais uniquement au niveau mondial, sans aucun détail supplémentaire."
Le consortium de médias a donc estimé les gaz à effet de serre des flammes émises par 665 infrastructures pétrolières et gazières entre 2012 et 2022 pour ensuite les attribuer aux entreprises qui exploitent les champs concernés.
"Nous avons également observé des divergences entre les résultats de notre enquête et les déclarations de certaines majors européennes, ce qui suggère qu'elles sous-déclarent leurs émissions", écrit Mediapart.
Parmi les plus grands pollueurs, la compagnie algérienne Sonatrach figure en haut du classement, avec 235 millions de tonnes équivalent CO2 en onze ans. Egalement dans le top 10: les britanniques BP et Shell, les américains ExxonMobil et Chevron, ou encore la française TotalEnergies.
"Notre travail suggère que le groupe pétrolier français sous-estimerait l'ampleur du torchage sur ses sites pétroliers dans le monde, et de ce fait, afficherait un bilan carbone meilleur que la réalité", explique Mediapart.
Le groupe prend pour son compte les émissions des infrastructures qu'il exploite, mais exclut celles dont il est "actionnaire mais pas gestionnaire", selon Mediapart, qui rappelle qu'il "s'agit de la méthodologie standard dans le secteur".
"Comparer les chiffres audités et publiés avec des résultats basés sur une méthodologie non reconnue et qui ne fait l'objet d'aucune tierce vérification semble refléter une démarche biaisée", a rétorqué TotalEnergies dans sa réponse à Mediapart, également transmise à l'AFP. Le groupe estime la mesure par images satellites "beaucoup moins précise que les mesures directes faites sur les installations".
Contacté par l'AFP, Sonatrach, BP, ExxonMobil et Chevron n'ont pas répondu.
Shell a indiqué à l'AFP "ne pas reconnaitre les chiffres de cette analyse", estimant que ses données publiées "sont conformes aux réglementations" au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans l'UE.