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Comment utiliser plus efficacement l'énergie dont nous disposons? Le sujet, souvent négligé, a fait un retour fracassant en 2022 avec la crise énergétique, mais pas encore assez, estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui réunit une centaine de décideurs à Versailles du 6 au 8 juin.
« Efficacité énergétique » : de quoi s'agit-il ?
C'est consommer "moins d'énergie pour un même service rendu par un appareil ou une technologie", explique Marie Rousselot, responsable du sujet chez Enerdata, un bureau d'études spécialisé dans l'énergie. À ne pas confondre avec la sobriété, surtout "liée à des changements de comportement ou d'usage", comme le fait de baisser son chauffage à 19°c.
Pour l'AIE, l'efficacité énergétique permettrait de parcourir la moitié du chemin vers la neutralité carbone en 2050, si bien qu'elle est parfois considérée comme la première brique de la transition énergétique : le "first fuel" (premier carburant). "Souvent les gouvernements n'y accordent pas assez d'importance", relève Brian Motherway, expert à l'AIE. Or, elle sera particulièrement importante au cours de cette décennie : "plus nous consommerons notre énergie de manière efficace et moins il nous faudra investir en panneaux solaires, en nucléaire ou en réseaux".
2022, tournant ou exception ?
Après des années de progrès limités, l'ambition des gouvernements sur l'efficacité a crû en 2022, avec la flambée des prix de l'énergie, constate l'AIE. Les investissements dans la rénovation de bâtiments, les transports publics ou encore les infrastructures pour véhicules électriques ont augmenté de 16% par rapport à 2021, à 560 milliards de dollars.
Autre levier pour faire mieux : plus de 25 pays ont lancé des campagnes de sensibilisation du public.
Mais ces progrès sont fragiles : "une part de l'attention risque de s'atténuer" avec la stabilisation à court terme des factures et les moindres tensions sur le gaz, met en garde Brian Motherway. "Or, ce serait une erreur de penser que la crise est derrière nous, l'hiver prochain s'annonce tout aussi difficile que le précédent".
Où sont les marges de progrès ?
"Partout" !, répondent les spécialistes, qui insistent notamment sur l'amélioration de l'habitat. En Europe par exemple, la courbe des investissements dans ce secteur est "plate", souligne l'AIE. Même si les ventes de pompes à chaleur, destinées à remplacer des chaudières fioul ou gaz, y ont crû de 40% en 2022.
Les bâtiments tertiaires représentent, eux, par exemple en France un tiers de la consommation électrique en hiver. Selon RTE, gestionnaire du réseau à haute tension, ils pourraient "faire 20% d'économies sans d'énormes efforts", avec "un peu de prise de conscience et de la gestion technique". Par exemple, "ne pas avoir des fenêtres ouvertes quand on chauffe", explique Marie Rousselot.
L'industrie, frappée de plein fouet par l'explosion des prix de l'énergie, s'est emparée du sujet. En revanche, les PME ont plus de difficultés: or, sur la décennie à venir, elles représentent 70% des économies potentielles dans l'industrie, selon l'AIE.
La climatisation est un autre enjeu. "D'ici 2050, 10 climatiseurs seront achetés chaque seconde. Mais le climatiseur moyen acheté aujourd'hui est littéralement deux fois moins efficace que le meilleur" appareil disponible aujourd'hui, selon Brian Motherway.
Comment ?
Pour Jean-Pascal Tricoire, président du groupe Schneider Electric, poids lourd mondial de la gestion de l'énergie, la réponse est technologique. Dans le bâtiment, "la digitalisation" et la "domotique" permettent d'économiser 30% d'énergie, dit-il, notamment parce que l'utilisateur suit de près sa consommation et est "responsabilisé". Idem quand la production est plus décentralisée, ajoute-t-il : "en Europe, si on équipait toutes les toits équipables en solaire, on pourrait diminuer l'impact sur les besoins électriques de 20%".
Mais cette semaine, les entrepreneurs et ministres réunis par l'AIE, avec Schneider, au palais des congrès de Versailles, parleront des mesures de toutes natures possibles. L'enjeu est particulièrement fort dans les pays émergents et en développement, qui accueilleront l'essentiel de la croissance démographique attendue. L'Afrique et l'Inde devraient construire 100 milliards de m2 de bâtiments dans les 30 ans à venir.
On construit encore beaucoup "avec des niveaux d'efficacité énergétique très faibles", et les occupants de ces bâtiments seront les premiers à en souffrir, souligne M. Motherway. "Même des normes de base qui n'augmentent pas nécessairement le coût de la construction feraient une énorme différence".