Le programme nucléaire iranien si loin du pacte de 2015, et maintenant ?

  • AFP
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Le président américain Donald Trump, qui s'était retiré avec fracas en 2018 de l'accord sur le nucléaire iranien, veut désormais relancer les discussions avec Téhéran. Entretemps, l'Iran a considérablement fait monter en puissance son programme.

Un pacte historique déchiré

Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, soupçonnent depuis très longtemps le pays de vouloir se doter de l'arme nucléaire. Des allégations rejetées par la République islamique qui défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l'énergie.

Le point sur les avancées du programme avant des pourparlers samedi à Oman entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, et l'émissaire américain pour le Moyen-Orient Steve Witkoff:

Le 14 juillet 2015, un accord est conclu à Vienne après 12 ans de crise et 21 mois de négociations acharnées entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) plus l'Allemagne.

Le pacte, connu sous l'acronyme JCPOA (Joint comprehensive plan of action), entre en vigueur le 16 janvier 2016. Il offre à l'Iran un allègement des sanctions internationales en échange d'une limitation drastique de son programme nucléaire, placé sous strict contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), et de garanties prouvant qu'il ne cherche pas à acquérir la bombe atomique.

Le 8 mai 2018, après plusieurs mois de menaces, Donald Trump annonce le retrait des Etats-Unis de l'accord. Washington rétablit unilatéralement des sanctions dans les secteurs pétrolier et financier notamment. De grandes entreprises internationales arrêtent leurs activités en Iran, plongeant le pays dans le marasme économique.

Des engagements iraniens qui volent en éclat

Progressivement l'Iran revient sur ses engagements, dans le but de mettre la pression sur les autres Etats parties pour l'aider à contourner les sanctions. Il dépasse le taux d'enrichissement d'uranium fixé à 3,67%, le portant d'abord à 5% puis en 2021 à 20% et enfin à 60%.

L'uranium naturel, tel qu'il est extrait du sol, est composé à 99,3% d'uranium 238, non fissile. La part fissile, l'uranium 235, ne constitue que 0,7%. Enrichi entre 3 et 5%, cet uranium sert à alimenter les centrales nucléaires pour la production d'électricité. Jusqu'à 20%, il sert à produire des isotopes médicaux, utilisés notamment dans le diagnostic de certains cancers. Pour fabriquer une bombe, l'enrichissement doit être poussé jusqu'à 90%.

L'Iran brise également le plafond en termes de quantité, établi à 202,8 kilos. Il augmente le nombre et la performance des centrifugeuses, ces machines utilisées pour enrichir l'uranium, pour produire davantage, mieux, plus vite, sur ses sites de Natanz et Fordo (centre).

Parallèlement, ses relations avec l'AIEA se dégradent: les inspections sont limitées, des caméras de surveillance débranchées et l'accréditation d'un groupe d'experts retirée.

Des tractations menées à Vienne pour relancer le JCPOA ont échoué à l'été 2022.

Etat des lieux actuel

Selon le dernier rapport de l'instance onusienne, les réserves totales d'uranium enrichi s'élevaient à la date du 8 février à 8.294,4 kg (contre 6.604,4 kg trois mois auparavant), soit plus de 41 fois la limite autorisée par le JCPOA.

L'Iran a notamment augmenté de manière "très préoccupante" les stocks à 60%: ils étaient de 274,8 kg (contre 182,3 kg précédemment), ce qui marque une nette accélération du rythme de production. Selon les experts, il produit maintenant chaque mois quasiment assez d'uranium enrichi à 60% pour construire une arme nucléaire si le taux est porté à 90%.

Il s'agit du seul Etat non doté de l'arme nucléaire à enrichir l'uranium à ce niveau-là, selon l'AIEA, même si la fabrication d'une bombe requiert de nombreuses autres étapes.

Dans les discussions avec Washington, l'Iran pourrait "sauver la face" en acceptant de ne pas enrichir au-delà de 20%, analyse Robert Kelley, un ancien directeur des inspections de l'AIEA, dans une récente tribune publiée dans un magazine spécialisé.

Une telle proposition écarterait ainsi "la menace imminente" de l'arme atomique et ouvrirait la voie à un nouvel accord "notablement différent" de celui de 2015, estime ce membre de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

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