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Lourdement dépendante du charbon, la Pologne compte fermer son dernier puits de mine à l'horizon 2050 fixé par l'UE, mais son passage au « vert » arrive tard, selon les experts, et risque de se heurter à de nombreux obstacles.
Malgré trois décennies de réformes de marché réussies et une croissance soutenue depuis sa transition du communisme à la démocratie, le charbon compte encore pour environ 45% de la consommation énergétique de ce pays et pour les trois quarts de la production électrique nationale.
La gigantesque centrale de Belchatow, alimentée au lignite, est le "plus gros émetteur de gaz à effet de serre" européen, selon l'UE et plusieurs associations environnementales mondiales. Vestige de l'ère communiste, Belchatow est approvisionnée en ce carburant « sale » par une vaste mine à ciel ouvert qui s'étend à proximité, et couvre environ 20% des besoins électriques de la Pologne.
La Pologne aurait dû commencer à se sevrer du charbon il y a des décennies pour atteindre les objectifs européens d'émissions nettes nulles, selon le professeur Piotr Skubala, de l'université de Silésie, au cœur de la région minière du sud du pays.
Les mines de charbon fournissent encore plus de 80 000 emplois fortement subventionnés et politisés. Les émissions polonaises sont restées élevées ces dernières années alors que le gouvernement nationaliste conservateur s'est obstiné à défendre le charbon.
Mais les coûts d'extraction élevés et les taxes carbone européennes ont rendu l'énergie à base de charbon non compétitive, poussant Varsovie à revoir ses positions.
Selon Grzegorz Wisniewski, chef d'IEO, un groupe de réflexion sur les énergies renouvelables, le coût moyen de l'électricité en Pologne - environ 50 € par mégawattheure - est le double comparé au reste de l'UE. "Chaque année que la Pologne reste dépendante du charbon augmentera considérablement ses coûts énergétiques", a déclaré M. Wisniewski à l'AFP.
Pacte vert
Les fonds du Pacte vert européen sont essentiels pour aider la Pologne à atteindre la neutralité carbone, souligne le ministre polonais du Climat, Michal Kurtyka, dans un entretien récent avec l'AFP. Diverses estimations fixent ce coût à 700-900 milliards d'euros.
L'accès aux fonds européens a pourtant été menacé récemment, la Pologne et la Hongrie ayant bloqué le budget et le plan de relance de l'UE, pour s'opposer à la nouvelle règle qui lie l'attribution des fonds au respect de l'État de droit. Un compromis conclu en décembre a débloqué les fonds, libérant jusqu'à 56 milliards d'euros pour la transition verte de la Pologne entre 2021 et 2027.
Ancien président du sommet sur le climat COP24, en 2018, M. Kurtyka reste optimiste sur l'avenir du secteur de l'énergie « verte » en Pologne, qui couvre actuellement environ 16% de ses besoins et qui, selon lui, pourra croître rapidement au cours des 20 prochaines années et créer 300 000 nouveaux emplois.
Boom du solaire
De premiers pas ont été faits. La Pologne a annoncé la semaine dernière que sa première usine de voitures électriques, parrainée par l'État, devrait entrer en production d'ici 2024, offrant jusqu'à 15 000 nouveaux emplois en Silésie.
Quatre sociétés du secteur public de l'énergie, PGE - qui gère Belchatow - Energa, Enea et Tauron Polska, sont à l'origine de ce projet commun appelé ElectroMobility Poland. Classé premier groupe d'État de Pologne, PGE s'est engagé à passer à 100% d'électricité renouvelable d'ici 2050, misant notamment sur l'énergie éolienne.
Selon M. Kurtyka, le lancement de la première centrale nucléaire, prévu pour 2033, fait aussi partie de l'agenda « vert » du pays bien que, selon les experts comme M. Wisniewski, l'option nucléaire soit trop coûteuse pour la Pologne.
D'un autre côté, un programme gouvernemental de subventions à l'installation de panneaux solaires dans les foyers s'est révélé très efficace. La Pologne a presque doublé en 2020 son utilisation d'énergie solaire en atteignant un total de 300 000 installations sur toits, qui peuvent aussi alimenter des réseaux locaux. "Nous avons pour objectif d'en avoir un million d'ici 2030", déclare M. Kurtyka, estimant que de nouveaux réseaux locaux d'énergie aideront à démanteler le système hautement centralisé de l'ère communiste basé sur le charbon.