La centrale de Lagisza, située dans le sud de la Pologne, produit de l'électricité à partir de charbon et de biomasse. Une unité « supercritique »(1) a été mise en service sur ce site en 2009. (©Tauron)
La Pologne a annoncé cette semaine son intention de ratifier l’Accord de la COP21 et l’amendement de Doha(2) mais demande dans le même temps à l’Union européenne des garanties de financement portant sur de nouvelles centrales à charbon(3). Rappels sur la situation du 2e producteur européen de charbon.
Priorité à la sécurité énergétique et à l’emploi
Changement climatique ou pas, la Pologne ne compte pas renoncer à moyen terme au charbon, cible de multiples critiques depuis la COP21. En 2015, cette énergie a satisfait près de 52,4% de la consommation d’énergie primaire de ce pays (en additionnant les différents types de charbon)(4) et devrait rester un pilier du mix polonais. En matière de production d’électricité, la part du charbon s’élève même à 84% (14% de renouvelables et 2% de gaz)(5). Le 7 septembre, le ministre de l’énergie polonais a rappelé que les actifs liés au charbon, notamment détenus par EDF et Engie dans le pays(6), relevaient de la sécurité énergétique nationale.
Mix énergétique de la Pologne en 2015 (©Connaissance des Énergies)
Le changement climatique, problématique européenne
Compte tenu de son attachement au charbon, la Pologne ne constitue naturellement pas un élément moteur dans le processus de ratification de l’Accord de la COP21. « Le changement climatique n’est pour le moment pas un sujet en Pologne », indique Ewa Sufin-Jacquemart, directrice de la fondation de défense de l’environnement Green Zone. La stratégie du gouvernement consiste selon elle à réduire les émissions nettes de CO2 avant tout par « une absorption accrue des forêts et des sols ».
Au niveau européen, l’ombre du charbon polonais semble freiner les ambitions climatiques communautaires. La Pologne est notamment opposée à toute révision ambitieuse du système d’échange de quotas d’émissions (EU ETS). Le gouvernement polonais « ne remet toutefois pas en cause les objectifs climat-énergie de l’UE à l’horizon 2030(8) », nuance Julia Michalak, analyste du Programme Energie du PISM (Institut polonais des affaires internationales)(9).
Signalons par ailleurs que le système énergétique de la Pologne a déjà évolué au cours des dernières décennies : la production de charbon a notamment été divisée par 2 depuis 1990 et l’efficacité énergétique polonaise a augmenté de 30% sur cette période. Les émissions de CO2 du pays ont également baissé de 16% entre 1990 et 2013. Selon les dernières données de l’AIE(10), elles avoisinent 7,6 tonnes de CO2 par an par habitant (contre 4,8 tonnes pour la France et 9,3 pour l’Allemagne).
La transition énergétique « version polonaise »
La Pologne réfléchit actuellement à l’évolution de son système énergétique tout en souhaitant conserver la sécurité des approvisionnements comme priorité. Pour Julia Michalak, « c’est le bon moment pour faire coïncider la politique énergétique polonaise avec la politique climatique de l’Union européenne ». Parmi les principaux défis énergétiques auxquels est confrontée la Pologne, elle cite « la diversification du mix énergétique, l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’innovation », des problématiques assez classiques en matière de transition énergétique.
Pour amorcer cette transition, la Pologne ne mise que très timidement sur le développement des énergies renouvelables. « Le parti au pouvoir PiS (Droit et Justice) mène depuis des années une guerre contre l'éolien terrestre », constate Ewa Sufin-Jacquemart qui mentionne une nouvelle législation entrée récemment en vigueur et « sa règle de distance d'une éolienne par rapport à une habitation ou une foret égale à un minimum de 10 fois la hauteur de l'eolienne »(11). En revanche, les éoliennes offshore ne rencontrent « pas de grosses contraintes pour l'instant » selon Ewa Sufin-Jacquemart, la biomasse et la géothermie restant les grandes « priorités renouvelables » du gouvernement.
La Pologne compte poursuivre le développement du gaz de schiste (même si les estimations initiales des ressources en place ont été largement revues à la baisse(12)) et a construit un terminal GNL pour moins dépendre du gaz russe. Le pays envisage par ailleurs d’avoir recours à l’énergie nucléaire. Selon Joanna Maćkowiak Pandera, « aucune décision ne sera toutefois prise avant que la situation autour d’Hinkley Point soit clarifiée ».
Le charbon devrait toutefois rester au cœur du mix électrique polonais dans les prochaines décennies, le pays souhaitant développer des unités supercritiques aux émissions plus limitées que les centrales actuelles. Selon l’opérateur du système de transport électrique, plus de 60% du parc électrique devrait être remplacé dans le 15 années à venir(13).
La Pologne et le charbon au niveau mondial
A titre indicatif, la Pologne est le 2e producteur et consommateur de charbon en Europe derrière l’Allemagne (et fait partie des 10 principaux producteurs et consommateurs au monde). Ses réserves prouvées avoisinaient 5,5 milliards de tonnes à fin 2015, soit l’équivalent de 40 ans de production de charbon dans ce pays.
Charbon : les principaux acteurs dans le monde (©Connaissance des Énergies)