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Face à un probable retrait des États-Unis de l'Accord de Paris après l'élection de Donald Trump, la Chine, premier émetteur mondial mais aussi puissance de l'énergie verte, se voit devenir la locomotive de la diplomatie climatique.
Une attitude d'ouverture
À la conférence climatique COP29 en Azerbaïdjan, la Chine a affiché une volonté de coopération et a publié pour la première fois des informations sur sa contribution au financement international pour le climat, tout en résistant fermement aux pressions pour la reclasser parmi les pays donateurs.
Cette attitude d'ouverture, qui contraste avec l'agressivité dont Pékin fait habituellement preuve dans les contentieux internationaux, s'inscrit dans la continuité de celle déjà adoptée un an plus tôt lors de la COP28 à Dubaï.
À Dubaï, la Chine et l'envoyé américain de l'époque, John Kerry, avaient ensemble appelé le monde à abandonner les combustibles fossiles, responsables du changement climatique.
Rares sont ceux qui pensent que cette entente entre la Chine et les États-Unis - qui représentent ensemble 41 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre - puisse résister au retour de M. Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier.
« Puissance mondiale la plus responsable »
Donald Trump assume en effet être triplement sceptique : sur la collaboration avec la Chine, sur l'aide internationale ainsi que sur la réalité du changement climatique.
Son élection "crée une opportunité pour la Chine de jouer encore davantage un rôle de leader en matière climatique", analyse Belinda Schaepe, analyste sur la Chine au Centre de recherche sur l'énergie et la qualité de l'air, dont le siège est à Londres.
"Cela va permettre à la Chine de se présenter comme la puissance mondiale la plus responsable des deux", affirme-t-elle.
Selon elle, la Chine se renforcerait aussi en proposant une aide davantage tournée vers l'avenir et en se fixant des objectifs ambitieux de réduction des émissions à l'horizon 2035, et pas seulement à long terme.
Deuxième émetteur historique
Lors des négociations à Bakou, les pays riches sont invités à aller au-delà de leur engagement, qui arrive à échéance, à fournir 100 milliards de dollars par an aux pays pauvres les plus touchés par le changement climatique.
La Chine a fermement résisté aux pressions des pays occidentaux ainsi que de certains États insulaires menacés, pour être reclassée comme un pays donateur, ce qui l'exposerait à davantage de contrôle.
Le vice-Premier ministre Ding Xuexiang, en visite à Bakou, a révélé que la Chine avait contribué à hauteur de 24,5 milliards de dollars au financement international du climat depuis 2016.
Pour Jennifer Morgan, négociatrice allemande, cette annonce "montre que la Chine peut faire beaucoup et fait déjà beaucoup".
"Mais nous ne pouvons tenir compte que de ce qui a été rapporté de manière transparente", ajoute-t-elle.
Une des alternatives qui s'offrent à la Chine est de s'engager à contribuer au financement international de façon volontaire, tout en restant sur la liste des pays en développement.
Ce classement sur la liste des pays en développement remonte à 1992, avant l'essor économique fulgurant qu'a connu le pays.
La puissance asiatique a depuis dépassé l'Europe et se classe au rang de deuxième émetteur historique après les États-Unis.
L'influence des négociateurs américains en berne
"Non seulement la Chine, mais aussi les pays du Golfe et d'autres encore devraient donner en fonction de leurs capacités", pense Susana Muhamad, ministre colombienne de l'Environnement.
Si M. Trump actait la sortie les États-Unis de l'accord de Paris, "d'autres pays prendront le relais en matière de climat et la Chine est très engagée, du moins au niveau multilatéral", affirme-t-elle également.
L'influence des négociateurs américains sur le climat s'est évaporée avec l'élection du milliardaire américain le 5 novembre.
Lors d'une visite dimanche en Amazonie brésilienne, le président Joe Biden a déclaré que son administration avait tenu sa promesse de fournir plus de 11 milliards de dollars de financement bilatéral pour le climat cette année, une augmentation majeure décidée au cours de son mandat.
Troubles à venir
La priorité en matière de climat de la Chine, qui fait elle-même face à de sérieux défis environnementaux, répond à ses propres intérêts nationaux.
Le pays est également rapidement devenu le leader mondial des énergies propres, dominant les secteurs des voitures électriques et de l'énergie solaire, ce qui a conduit les États-Unis et l'UE à imposer des droits de douane.
A Bakou, la Chine a sans cesse négocié avec les Européens, comme elle l'avait fait auparavant avec John Kerry, anticipant les probables difficultés liées au retour de Donald Trump, analyse Li Shuo, directeur du pôle Chine et Climat du groupe de réflexion Asia Society Policy Institute, à Washington.
"La situation politique va se dégrader, avant une embellie. Les relations entre les États-Unis et la Chine vont se détériorer et les relations entre la Chine et l'UE connaîtront des turbulences", estime le chercheur.
Une sortie des États-Unis de Donald Trump pourraient avoir un effet bénéfique inattendu dans les négociations sur le climat, voire sur le climat en général, affirme-t-il.
"Ironiquement, l'élection de Trump pourrait faciliter la conclusion d'accords, car ce sont désormais les États-Unis qui défendront la position la plus extrême."