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Loin de l'euphorie de l'accord de Paris, la 23e conférence climat de l'ONU (COP23) s'ouvre lundi à Bonn avec un pollueur historique, les États-Unis, à la fois hors jeu et omniprésent, et un objectif climatique toujours plus difficile à tenir. Les délégués de près de 200 pays se retrouveront pour la première fois depuis l'annonce, en juin par Donald Trump, du retrait américain de ce pacte historique.
Pour la première fois aussi, un petit État insulaire, de ceux pour qui le réchauffement est une menace vitale, sera à la manoeuvre, présidant ces deux semaines de négociations: l'archipel des Fidji. "Vivant dans le Pacifique et subissant personnellement les impacts du climat, nous comptons apporter à Bonn un sens de l'urgence", "une histoire qui peut trouver écho partout dans le monde", souligne la négociatrice fidjienne Nazhat Shameem Khan.
Aux quatre coins du globe, 2017 a vu se répéter des désastres qui, selon les scientifiques, devraient s'intensifier avec les déréglements du climat : super-ouragans aux Antilles et en Floride, feux d'une intensité inédite au Portugal ou en Californie, sécheresse durable en Afrique de l'Est... Au point que ce "sera probablement une année record en terme de coût humain, social et économique des catastrophes naturelles," selon le Programme de l'ONU pour l'environnement (PNUE).
Adopté fin 2015, ratifié à ce jour par 168 pays, et même tout juste signé par le Nicaragua longtemps seul État réticent, l'accord de Paris stipule une maîtrise du réchauffement mondial sous 2°C voire 1,5°C, par rapport au niveau d'avant la Révolution industrielle. Mais l'annonce du retrait américain est venue porter un coup à un processus complexe, qui demande de se détourner des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
A ce stade, les engagements volontaires pris par les États à Paris poussent encore le mercure à plus de 3°C. En dépit de progrès comme la stabilisation des émissions de CO2, l'écart entre l'action et les besoins est "catastrophique", a prévenu l'ONU dans un rapport publié cette semaine, appelant les pays à renforcer leur contribution.
« La dynamique s'essoufle »
"A l'origine cette COP devait être assez technique, avec la négociation des règles d'application de l'accord de Paris. Mais étant donné la décision américaine, ça redevient un moment politique important, de réaffirmation du maintien de tous les pays dans l'accord", souligne l'ex-négociatrice Laurence Tubiana, cheville ouvrière du pacte de 2015. "Ca va être très important d'écouter les gouvernements, de voir qu'il n'y a pas de lâchage - et j'ai l'impression que ce n'est pas le cas", dit la directrice de la European Climate Foundation.
D'autres sont moins optimistes, comme le ministre costaricain Edgar Gutierrez Espeleta, président de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement, pour qui "la dynamique s'essouffle": "Washington dit que (l'accord de Paris) n'est "pas juste" pour les États-Unis. Or je me souviens, quand le président Trump l'a dit à New York à l'Assemblée générale (de l'ONU), d'autres pays ont applaudi. Alors on verra".
Washington, dont le retrait ne pourra être effectif avant novembre 2020 mais qui, en attendant, ne compte pas appliquer le plan d'action national présenté par Barack Obama, enverra quand même une délégation à Bonn. L'idée est de "protéger les intérêts américains" selon l'administration Trump. Selon l'ambassadrice fidjienne, les délégués américains ont exprimé leur intention de "participer de façon constructive". "Il ne faudra pas laisser les États-Unis se transformer en force destructrice à Bonn," prévient Mohamed Adow, de l'ONG Christian Aid, qui défend les pays en développement. "Ayant annoncé leur retrait, ils ne devraient pas influencer l'accord".
Cette 23e COP devrait réunir 20 000 personnes dans la cité rhénane siège de la convention climat de l'ONU. Plusieurs hauts responsables sont attendus la 2e semaine, notamment le 15 novembre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres sera présent, ainsi que l'ancien maire de New York Michael Bloomberg et le gouverneur de Californie Jerry Brown, deux militants du climat engagés à compenser la défection américaine. Et avant l'ouverture, les organisations de la société civile appellent à manifester ce samedi à Bonn "pour le climat et contre le charbon". La police attend 10 000 participants.