Mine de charbon de Mt Owen en Australie. (©Glencore)
Les émissions de CO2 liées à l’énergie « sont sur le point de connaître une période prolongée de déclin pour la première fois depuis la révolution industrielle » après un pic qui serait atteint cette année, estime la société de certification norvégienne DNV dans un nouveau rapport de prospective (accessible en bas de cet article) publié ce 9 octobre.
Une « étape cruciale pour l'humanité »
L'année 2024 pourrait marquer « un tournant historique » dans la transition énergétique mondiale selon DNV : les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie pourraient atteindre leur plus haut niveau cette année, à hauteur de 34,8 milliards de tonnes de CO2 (Gt CO2), contre 34,2 Gt CO2 en 2023, puis baisser en 2025 (certes de seulement 0,4% selon les prévisions de DNV, « et avec des incertitudes »).
Ce pic des émissions constitue « une étape cruciale pour l’humanité », selon les termes du PDG de DNV Remi Eriksen. Il est « largement attribuable à la chute des coûts de l’énergie solaire et des batteries, qui accélèrent la sortie du charbon et freinent la croissance du pétrole ».
Les installations de capacités solaires photovoltaïque dans le monde ont progressé de 80% en 2023 (+ 400 GW au cours de l'année) et vont faire reculer en 2024 la consommation de charbon des centrales électriques, indique notamment DNV. Autre fait marquant : l'essor des véhicules électriques en Chine qui a déjà « fait passer le pic de la consommation d'essence » dans ce pays.
Si la Chine reste de loin le principal consommateur de charbon et le premier émetteur de CO2 au monde, elle « occupe une place centrale dans les efforts mondiaux de décarbonation, avec une domination dans la production et l’exportation de technologies propres » : l'empire du Milieu a compté à lui seul pour 58% des nouvelles installations solaires et 63% des ventes de véhicules électriques dans le monde l'an dernier, souligne DNV.
Des capacités renouvelables amenées à doubler (plutôt que tripler) d'ici 2030
Tous les secteurs bas carbone ne connaissent pas le même élan que le secteur photovoltaïque : dans son rapport, DNV révise notamment à la baisse les perspectives de développement de l'hydrogène (de 5% à 4% de la demande énergétique finale en 2050), estime que le captage et le stockage de CO2 qui connaissent un regain d'intérêt ne permettront de capter que 2% des émissions mondiales en 2040 (et 6% en 2050), et juge que l'éolien offshore (avec tout de même un taux de croissance annuel de 12%) et les petits réacteurs nucléaires modulaires progressent moins vite que prévu.
D'ici à 2050, DNV estime que le mix énergétique mondial, qui repose actuellement à près de 80% sur les combustibles fossiles, « évoluera vers une répartition équitable entre sources fossiles et non fossiles ». Avec le mouvement d'électrification en cours, la consommation d’électricité pourrait doubler d'ici la moitié du XXIe siècle, « entraînant une augmentation de seulement 10% de la demande énergétique totale ».
Au total, les capacités renouvelables dans le monde pourraient être multipliées par 2,2 d'ici à 2030, soit moins que l'objectif de triplement fixé lors de la COP28 l'an dernier.
Dans un autre rapport publié également ce 9 octobre, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que « le monde est sur le point d'ajouter plus de 5 500 gigawatts (GW) de nouvelles capacités d'énergie renouvelable entre 2024 et 2030 », ce qui représente « presque trois fois l'augmentation observée entre 2017 et 2023 ».
Une trajectoire de 2,2°C de réchauffement
Parmi les évolutions faisant l'objet d'une attention particulière cette année, DNV aborde le poids de l'intelligence artificielle (IA) qui « aura des effets profonds sur de nombreux aspects du système énergétique, notamment la transmission et la distribution d’électricité » sans pour autant « altérer la trajectoire générale de la transition » : l’IA pourrait capter environ 2% de la demande d’électricité d’ici 2050 selon les estimations actuelles de DNV.
Si DNV se félicite du pic des émissions, son rapport souligne que le rythme de la baisse à venir reste toutefois très éloigné de l'ambition de neutralité carbone au milieu du XXIe siècle, et bien trop lent pour atteindre les objectifs des accords de Paris de limitation du réchauffement climatique.
En 2030, les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie seront inférieures de 5% au niveau de 2023, selon les prévisions de DNV. A l'horizon 2050, elles pourraient être de 17 milliards de tonnes, soit près de la moitié du niveau actuel. DNV estime que cette trajectoire actuelle nous conduirait à un réchauffement de 2,2°C à l'horizon 2100 par rapport aux températures de l'ère préindustrielle.