Professeur à l’Université Paris Nanterre et à l’École Polytechnique
Membre du Conseil économique du développement durable
Co-responsable de la Chaire Finance Durable et Investissement Responsable (Toulouse School of Economics & École Polytechnique).
Dans une édition spéciale de ses Perspectives énergétiques mondiales consacrée aux investissements requis en matière d’énergie jusqu’en 2035, l’Agence internationale de l’énergie observe que 130 milliards de dollars ont été investis en 2013 dans le monde pour améliorer l’efficacité énergétique. Ce rapport souligne en outre que les investissements annuels requis pour satisfaire les besoins énergétiques de la population mondiale atteindront un niveau cumulé de 48 000 milliards de dollars d’ici à 2035 dont 83% pour l’approvisionnement en énergie, et 17% pour les dépenses liées à l’efficacité énergétique.
Mais les prévisions d’investissements de l’AIE montrent que les signaux de marché et les politiques actuelles ne permettent pas encore d’assurer la transition des investissements vers les sources sobres en carbone et l’efficacité énergétique à la vitesse et à l’échelle requise (limitant le réchauffement climatique à 2 degrés). C’est près de 14 000 milliards de dollars d’investissements dans l’efficacité énergétique à l’échelle mondiale qui seraient en effet nécessaires pour réduire la consommation de 15% d’ici 2035.
Un manque d’investissement pour satisfaire ces besoins énergétiques et amorcer la transition énergétique serait très préjudiciable pour nos économies. Concernant la satisfaction de la demande un sous-investissement pourrait aussi avoir des conséquences sur les politiques d’approvisionnement, les rendant plus dépendantes des pays abondants en pétrole ou gaz naturel. Mais plus de la moitié des investissements requis en matière d’énergie le sont pour compenser le déclin de la production pétrolière et gazière et remplacer les centrales et infrastructures en fin de vie. Dès lors, un sous-investissement dans ce domaine reviendrait à renoncer aux opportunités que ces investissements offrent pour modifier la nature du système énergétique, notamment en faveur des nouveaux combustibles et des technologies plus efficaces.
Si les décisions d’investissement dans le secteur de l’énergie dépendent de plus en plus des incitations et mesures gouvernementales, la transition énergétique crée des obligations particulières à la puissance publique. Parmi les défis que les gouvernements doivent relever, il s’agit non seulement de parvenir à un accord international dans la lutte contre le changement climatique, qui assurerait un prix du carbone prévisible. Mais il s’agit aussi de promouvoir à l’échelle internationale une harmonisation des politiques nationales. En matière d’efficacité énergétique, développer des politiques industrielles de soutien à l’innovation verte et proposer des mécanismes de financement innovants sont également indispensables.
Parmi les mécanismes de financement innovants actuellement à l’étude, soulignons par exemple les mesures non conventionnelles de politique monétaire telles qu’augmenter la quantité de monnaie en circulation dans l’économie pour financer des investissements verts (green quantitative easing). Cet outil, utilisé notamment en période de crise, permettrait par exemple à la banque centrale européenne d’acheter des titres de dette sur des investissements dans l’efficacité énergétique.