En 2015, la centrale géothermique de Hellisheidi a produit 2 227,4 GWh d’électricité(1). (©ON Power)
La revue américaine « Science » a publié la semaine dernière les résultats(2) d’un projet pilote en Islande consistant à minéraliser du CO2 par réaction avec du basalte volcanique. Cette technique nourrit beaucoup d’espoirs dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.
Deux phases d'injection de CO2 à plus de 400 m de profondeur
En 2014, l’Islande a généré 28,9% de son électricité grâce à la géothermie(3), en complément de l’hydroélectricité. Cette exploitation de la chaleur terrestre « renouvelable » n'est pas tout à fait « décarbonée » puisqu'elle s'accompagne de remontées de gaz volcaniques comme le dioxyde de carbone (CO2) et le sulfure d’hydrogène (H2S).
Le projet pilote baptisé « CarbFix », réunissant des chercheurs islandais et américains, a débuté en 2007 sur le site de la centrale géothermique de Hellisheidi, la plus importante d'Islande (avec 303 MW de puissance électrique), afin de tester une nouvelle technique de stockage du CO2 en profondeur(4).
Ce projet a consisté en 2 phases d’injection de CO2 dans le sous-sol volcanique : l’une entre janvier et mars 2012 portant sur 175 tonnes de CO2 « pur » et une autre entre juin et août 2012 portant sur 73 tonnes d’un mélange de CO2 et de sulfure d’hydrogène(5). Les scientifiques du projet ont dissous ces gaz pour les réinjecter dans le basalte volcanique poreux du sous-sol, au sein de formations recouvertes par des hyaloclastites, roches volcaniques à faible perméabilité, comprises entre 400 m et 800 m de profondeur.
Le dioxyde de carbone transformé « en pierre »
Au contact de l’eau et de basalte riche en calcium, en fer et en magnésium(6), le CO2 subit une réaction chimique et se minéralise par carbonatation. Il prend alors la forme de minéraux crayeux qui sont considérés comme « stables » par les chercheurs, ce qui permet d'éviter selon ces derniers les risques de fuite du CO2 par les fractures des formations où il est stocké.
Cette réaction chimique était déjà connue mais sa durée était estimée dans des précédentes études en centaines, voire en milliers d’années. Or l’expérience de Hellisheidi a démontré que 80% du CO2 s’était solidifié au contact du basalte en 1 an et plus de 95% en moins de 2 ans, dans des conditions de température comprises entre 20°C et 50°C.
Les scientifiques du projet estiment ainsi que d’importantes quantités de CO2 pourraient être stockées rapidement et sans risque avec ce procédé. Ils envisagent notamment que ce dernier soit utilisé pour stocker le dioxyde de carbone émis par des centrales à charbon situées dans certaines zones basaltiques (par exemple sur la côte pacifique du nord-ouest des États-Unis).
Un nouvel élan pour le stockage du CO2 ?
Selon le GIEC, l’objectif central de la COP21, à savoir contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C d’ici à la fin du XXIe siècle(7), ne pourra probablement pas être atteint sans un développement à grande échelle des dispositifs de capture et de stockage du CO2. Or, on compte seulement une quinzaine de projets de « CCS » à l’heure actuelle.
Le coût de ces systèmes et l’identification des sites de stockage (jusqu’ici principalement des aquifères salins profonds et des anciens gisements de pétrole et de gaz) ont jusqu’ici limité le développement du stockage de CO2. La technique de minéralisation testée en Islande présente l’intérêt d’impliquer une roche très répandue : le basalte tapisse le fond des océans et constitue près de 10% de la surface continentale. Reste toutefois à préciser les types de basalte adaptés à cette technique.
Les recherches autour de CarbFix devraient durer encore plusieurs années, notamment pour préciser les conditions nécessaires à la minéralisation rapide du CO2 observée lors des premiers tests ou vérifier si ce gaz peut être dissous dans de l’eau salée directement disponible. De très importants volumes d’eau sont en effet nécessaires, sachant que la part du CO2 dans le fluide injecté en profondeur est limitée à 5% dans ce procédé(8). L'Islande constitue en tout cas un terrain propice au développement de cette technique, avec ses 103 000 km2 terrestres, composés à 90% de basalte.
Le procédé CarbFix pourrait être moins coûteux que les techniques actuelles de capture et de stockage de CO2 mais il nécessite de très grandes quantités d'eau. Ici, du CO2 minéralisé au contact de basalte. (©ON Power)