(©EDF-Philippe Eranian)
Depuis plusieurs années, les tarifs réglementés de l’électricité sont régulièrement révisés à la hausse et, malgré la baisse attendue en février 2025, les projections laissent présager des augmentations encore importantes du prix du kilowattheure à moyen terme. Ces hausses ont des conséquences pour les ménages comme pour les professionnels.
Quelles évolutions au cours des dernières années ?
Du tarif réglementé
Les tarifs réglementés de l’électricité (TRVE) sont uniquement proposés par l'opérateur historique EDF et les entreprises locales de distributions (ELD) aux particuliers et « petits » professionnels (seuls les particuliers et les entreprises éligibles qui souscrivent à une puissance inférieure à 36 kVA peuvent encore en bénéficier). Près de 6 Français sur 10 y souscrivent toujours(1). Ce tarif réglementé sert ainsi de repère sur le marché(2).
Les évolutions des TRV, intervenant en février et en août chaque année, sont décidées par les ministères en charge de l’économie et de l’énergie sur proposition de la CRE (« en général le ministre suit l’avis de la CRE mais il peut demander à la CRE de revoir sa copie », rappelle l'économiste Jacques Percebois, cela a notamment été le cas pour la hausse du TURPE qui aurait dû s'appliquer en août 2024).
Le prix du kilowattheure a plus que doublé en France depuis la libéralisation du marché, passant de 0,1061 € en 2007 à 0,2516 € TTC en août 2024, soit une augmentation de 137,17 %. Les hausses se sont accélérées depuis les crises du Covid et de l'invasion russe en Ukraine.
Après 4% de hausse en février 2022, 15% en février 2023 et 10% en août 2023, une quatrième augmentation du prix de l'électricité en deux ans a été appliquée en février 2024 (de 8,6 à 9,8% selon l'option tarifaire). L'augmentation totale sur deux ans est de l'ordre de 43 à 44%.
Par ailleurs, « dans le cadre de la fin progressive du bouclier tarifaire, la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) est remontée à 0,021 €/kWh au 1er février 2024. Ce tarif est valable jusqu'à fin janvier 2025. Entre le 1er février 2022 et le 31 janvier 2024, son tarif avait été minoré à 0,001 €/MWh », rappelle le ministère de l'Économie(3).
Graphique: Selectra - Source: Selectra
Le tarif réglementé est le même partout en France, y compris dans les zones non interconnectés au réseau métropolitain continental. Il est de 0.2516€ en option Base, 0.27€ en heures pleines et 0.2068€ en heures creuses.
Date | Évolution |
---|---|
16/08/2007 | + 1,1 % |
16/08/2008 | + 2 % |
15/08/2009 | + 1,9 % |
15/08/2010 | + 3 % |
01/07/2011 | + 1,7 % |
23/07/2012 | + 2 % |
01/08/2013 | + 5 % |
01/11/2014 | + 2,5 % |
01/08/2015 | + 2,5 % |
01/08/2016 | -2,5 % |
01/08/2017 | + 1,7 % |
01/02/2018 | + 0,7 % |
01/08/2018 | -0,5 % |
01/06/2019 | + 7,7 % |
01/08/2019 | + 1,47 % |
01/02/2020 | + 3 % |
01/08/2020 | + 1,82 % |
01/02/2021 | + 1,93 % |
01/08/2021 | + 0,48 % |
01/02/2022 | + 4 % |
01/02/2023 | + 15 % |
01/08/2023 | + 10 % |
01/02/2024 | + 9 % |
Pour un client résidentiel soumis au TRV d'EDF (tarif Bleu en option Base, avec un compteur de 6 kVA), la facture moyenne d'électricité par an est estimée à près de 2 248 € en 2024, soit plus de 1 000 € de plus qu'il y a 10 ans en 2014 et 736€ de plus qu'en 2020.
Prix moyen par an. Client HP/HC 9 kVA consommant 8 500 kWh/an dont 46% en heures creuses. Sources : CRE et Selectra
Pour avoir une vision claire de l'évolution des prix, ceux-ci doivent toutefois être recalculés en euros constants, c'est-à-dire exclusion faite de l’inflation (contrairement aux euros courants). Il apparaît alors que les tarifs réglementés de l’électricité ont été particulièrement élevés en France après la Deuxième Guerre mondiale afin de financer le développement du parc électrique français (avec des coûts d’investissement très importants consacrés aux premiers réacteurs nucléaires et aux centrales hydrauliques durant les années 1950 et 1960, puis à l’élargissement du parc nucléaire durant les années 1970 et 1980).
Au fil du temps, ces investissements ont été amortis et les consommateurs, résidentiels et industriels, ont vu leur facture fortement décroître, avec un prix du MWh quasiment divisé par 2 entre 1950 et 1980 pour les particuliers (en euros constants).
Évolution des prix de l'électricité en France entre 1950 et 2012 en euros constants par MWh (©Connaissance des Énergies)
La « rente nucléaire » a posé problème lorsque l’on a voulu introduire la concurrence et permettre aux « entrants » de gagner des parts de marché en France. Il a donc été permis aux « entrants » d’acheter une partie de l’électricité nucléaire à EDF mais à prix « coûtant » : c’est la solution retenue via le mécanisme de l’ARENH instauré par la loi NOME.
Des offres en général
Depuis juillet 2007, les ménages en France peuvent choisir entre des contrats au tarif réglementé (proposés par les seuls fournisseurs « historiques ») et des contrats en « offre de marché » (proposés par tous les fournisseurs).
Les termes des offres de marché sont librement fixés par les fournisseurs. Précisons qu’un nombre important de ces offres de marché sont toutefois indexées sur le TRVE (avec un rabais de quelques pourcents sur le prix du kWh hors taxes).
Les fournisseurs alternatifs se procurent de l'électricité en la produisant, en achetant de l'électricité via le mécanisme de l'ARENH ou en l'achetant sur les marchés. Quand les conditions de marché sont favorables, la plupart des fournisseurs alternatifs sont en mesure de proposer des offres à des prix plus compétitifs que le tarif réglementé (c'est souvent le cas).
Evolution du prix en c€/kWh hors taxes. L'évolution du prix du kWh a un impact sur la partie variable de la facture d'électricité. Elle ne prend pas en compte l'évolution potentielle de l'abonnement et des taxes (voir méthodologie). Ici sont comparées les évolutions des prix sur : les tarifs réglementés ; la moyenne de l'ensemble des offres de marché disponibles à la souscription ; la moyenne des 10 % des offres les plus chères du marché disponibles à la souscription ; la moyenne des 10 % des offres les moins chères du marché disponibles à la souscription.
Sur le marché de l'électricité
Les prix sur le marché « spot » de l'électricité fluctuent en fonction de l'offre et de la demande, influencés par divers facteurs tels que les conditions météorologiques, la disponibilité des sources de production d'énergie et les niveaux de consommation.
Ce marché est caractérisé par des prix très volatils qui peuvent varier d'une heure à l'autre, reflétant la dynamique immédiate entre l'offre et la demande. Par exemple, en périodes de forte demande ou de faible production d'énergie renouvelable, les prix peuvent grimper rapidement. À l'inverse, durant les périodes de faible demande ou de production excédentaire (par exemple, lors de journées ensoleillées ou venteuses), les prix peuvent chuter considérablement, voire devenir négatifs.
Source : Nord Pool
Au cours de la dernière décennie, les prix spot ont connu des pics notables lors de crises énergétiques et des baisses marquées durant les périodes de faible demande ou d'abondante production renouvelable.
Pourquoi le prix de l'électricité augmente-t-il ?
Le prix de l’électricité dépend très largement des conditions nationales de production, de transport et de distribution. Le coût du kWh sortie centrale représente environ 40% du prix TTC payé par un consommateur domestique (dans le cas du tarif réglementé de vente)(5). Mais une partie de l’électricité est produite avec du gaz ou du charbon ou est importée aux heures de pointe (les prix rejoignent alors les niveaux européens).
Structure des prix
La facture d’électricité des Français est globalement constituée de 3 gros postes :
- un tiers liée à la fourniture en électricité (approvisionnement en électricité et commercialisation) ;
- un tiers lié à son acheminement jusqu’aux consommateurs finaux ;
- un troisième tiers lié aux taxes.
Les tarifs d'acheminement et les taxes sont les mêmes chez tous les fournisseurs et sont inclus dans la facture d'électricité des consommateurs.
À jour en novembre 2024 - Fourniture : Part du tarif réglementé couvrant la production et la commercialisation de l'électricité. Réseau : Part du tarif réglementé pour couvrant le transport de l'électricité. Taxes et contributions : TVA, CTA, et Accise.
En France, les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont fixés, selon l’article L. 337-6 du code de l’énergie « par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture » (méthode dite « par empilement des coûts »).
Fourniture
Le coût du kWh dans le tarif réglementé (approvisionnement) est composé à 70% du coût de production du nucléaire (via le mécanisme de l'ARENH), les 30% restants correspondent au complément marché des fournisseurs alternatifs (calculé à partir d'une moyenne des prix de marché de gros). Ce « complément marché » désigne le volume d’électricité moyen qui n’est pas couvert par l’ARENH et que doivent donc acheter les fournisseurs alternatifs d’électricité pour satisfaire la demande de leurs clients. Autrement dit, « 10% environ du TRV TTC est indexé sur le prix du marché de gros ».
Acheminement
Les tarifs d'acheminement de l'électricité, également appelés « TURPE » (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), couvrent les coûts de transport et de distribution de l'électricité depuis les centres de production jusqu'aux consommateurs finaux.
Fixés par la CRE, ces tarifs sont appliqués par les gestionnaires de réseau, principalement RTE pour le transport haute tension, et Enedis pour la distribution moyenne et basse tension.
Ces péages d'accès sont calculés en fonction de plusieurs critères, incluant la puissance souscrite, la consommation annuelle et le type d'utilisation. Ils sont essentiels pour le financement des infrastructures de réseau et pour assurer la maintenance, la modernisation et le développement du réseau électrique.
Taxes
L'accise sur l'électricité est une taxe indirecte imposée sur la consommation d'électricité(6). Le montant de l'accise est fixé par l'État. Au 1er février 2025, l'accise devrait passer de 21 euros/MWh à 32 euros/MWh suite à la fin du bouclier tarifaire qui avait vu son niveau quasiment fixé à zéro.
Facture annuelle en euros constants d’un particulier au tarif réglementé ayant souscrit l’option Base et une puissance de 6 kVA (en €/an) pour une consommation de 2 400 kWh/an - Source : CRE - Graphique : Selectra
Facteurs de hausses
La hausse du prix de l’électricité peut être due à :
- une hausse des coût de production de l’électricité ;
- une raréfaction de l'offre par rapport à la hausse de la demande ;
- une hausse des TURPE ;
- une hausse des taxes.
Aujourd’hui, de nouveaux investissements sont réalisés dans le parc de production (maintenance et prolongation du parc nucléaire, création d'EPR, intégration d’installations renouvelables) qui induisent une hausse du prix de l’électricité. Notons que le coût de production peut lui-même augmenter pour des raisons multiples : construction de nouvelles unités de production, coûts supplémentaires de maintenance, intégration du « coût » du carbone, hausse du prix des combustibles, inflation, hausse des salaires, etc.
Le développement des infrastructures de réseau comprend la construction et l'entretien de nouvelles lignes de transport et de distribution pour étendre la couverture électrique. Il inclut également la modernisation des installations existantes pour améliorer l'efficacité et la fiabilité du réseau, ainsi que l'intégration des technologies de gestion intelligente pour optimiser l'utilisation des ressources. En outre, il implique des investissements significatifs dans des systèmes de stockage et des dispositifs de réponse à la demande pour gérer les fluctuations de la production d'énergie renouvelable et garantir une fourniture d'électricité stable et continue.
Lors de la crise des prix de l'énergie, l’envolée des prix du gaz s’est transmise mécaniquement au marché de l’électricité car, les centrales à gaz, qui sont facilement pilotables, interviennent fréquemment à la marge pour assurer l’équilibre instantané sur le réseau électrique. Or ce sont les centrales assurant la production marginale qui déterminent le prix de l’électricité sur les marchés.
Enfin, le prix de l’électricité sur le marché de gros inclut également le coût des émissions de CO2. Depuis 2005, les producteurs d’électricité sont tenus d’acheter des permis d’émission de CO2 correspondant à leurs émissions. Le prix de ces permis a plus que doublé par rapport à son prix moyen d’avant crise, en raison des réformes mises en œuvre depuis 2019 qui ont diminué l’offre de permis et du renforcement des objectifs européens de réduction des émissions d’ici à 2030. Au prix actuel de 60 €/t CO2, le coût des permis représente environ 20% du coût de l’électricité produite à partir de centrales à gaz.
Qui décide des évolutions ?
Depuis le 8 décembre 2015, la compétence pour fixer le montant de l'évolution des tarifs réglementés de vente d'électricité d'EDF est détenue par la Commission de Régulation de l'Énergie. Dans les faits, le dernier mot revient toujours au ministre de l'Économie, qui suit presque toujours l'avis de la CRE. À noter l'exception notable de la non-application de la hausse du TURPE en août 2024.
Les prix de l'électricité sont ainsi généralement revus deux fois par an, au 1er février et au 1er août.
Pour ce qui est des offres de marché, soit toutes celles hors du tarif réglementé, les fournisseurs inscrivent les conditions d'évolution de leurs tarifs dans les contrats. Il existe trois modes principaux d'évolution :
- l'indexation sur les tarifs réglementés, le plus souvent avec un pourcentage de réduction par rapport à ce dernier ;
- le prix bloqué et invariable pendant une durée généralement d'un à trois ans ;
- le prix qui peut évoluer d'un mois à l'autre selon le bon-vouloir du fournisseur.
3 pistes pour faire baisser sa facture d'électricité
De nombreux fournisseurs proposent des tarifs compétitifs pour attirer de nouveaux clients. Comparer les différentes offres disponibles sur des comparateurs en ligne permet de trouver celle qui convient le mieux à son profil de consommation et de réaliser des économies.
Une offre moins chère
En novembre 2024, le fournisseur d'électricité le moins cher en France est La Bellenergie, avec un prix du kWh de 0,1896€ en option Base, soit 24.6% moins cher que le tarif réglementé EDF. La Bellenergie est le moins cher en option Heures Creuses avec son prix du kWh est 24.6% moins cher que le tarif réglementé.
Passer à l'option heures creuses/heures pleines
Adopter l'option heures creuses, comme l'offre Tempo d'EDF, permet de bénéficier de tarifs réduits pendant certaines plages horaires définies, généralement la nuit. En déplaçant la consommation d'énergie vers ces heures moins coûteuses, notamment pour des appareils gourmands en énergie comme les lave-linge ou les chauffe-eau, il est possible de réduire considérablement la facture d'électricité. L'offre Tempo propose également des jours de tarifs très réduits (« jours bleus ») et des jours plus chers (« jours rouges »), permettant aux consommateurs de planifier leur consommation pour maximiser les économies.
Précisons qu'une réforme est actuellement à l'étude pour modifier le système d'heures creuses/heures pleines. Une décision, suite aux réflexions entre la CRE et Enedis, devrait être prise « début 2025 » et s'appliquer sur « plusieurs années ».
Une offre à prix fixe
Souscrire à une offre à prix fixe permet de stabiliser le coût de l'électricité sur une période déterminée, généralement entre un et trois ans, protégeant ainsi contre les hausses de tarifs.
Cette option est particulièrement avantageuse en période de fluctuations importantes des prix de l'énergie, car elle offre une prévisibilité budgétaire. Bien que le tarif initial puisse être légèrement supérieur à certaines offres variables, l'assurance de ne pas subir de majorations imprévues peut conduire à des économies substantielles à long terme.
Comment l'électricité va-t-elle évoluer au cours des prochaines années ?
En économie de marché, les prix reflètent les coûts et historiquement les prix augmentent quand il faut investir. Sinon c’est le contribuable qui doit payer le déficit de l’opérateur. Cette politique de « vérité des prix » oblige le consommateur à adopter des comportements vertueux pour économiser l’énergie.
Aujourd'hui et au cours des prochaines décennies, il faudra de nouveau investir, soit dans la jouvence des réacteurs nucléaires actuels, soit dans de nouveaux équipements (nucléaires ou non). Pour financer ces investissements, des augmentations de prix sont attendues. D’autant qu’il faudra aussi investir dans les réseaux de transport et de distribution, ce qui est coûteux.
Actuellement, le tarif réglementé reste à un niveau élevé, car ils est en partie basé sur le prix du MWh sur le marché de gros sur les 24 derniers mois précédant la dernière évolution. Les prix de gros ayant fortement baissé depuis 2023, le tarif réglementé baissera mécaniquement en 2025.
Des évolutions récentes sont censées permettre de limiter les hausses de prix très volatiles :
- en octobre 2023, les Vingt-Sept se sont entendus sur une réforme du marché européen de l'électricité, sur fond d'âpres pourparlers entre Paris et Berlin sur le nucléaire, qui doit permettre de limiter la volatilité des cours sur les marchés ;
- en novembre 2023, EDF et le gouvernement ont trouvé un accord pour la fin de l'ARENH fixant le prix de référence de l'électricité nucléaire vendue par l'opérateur historique à 70 euros le MWh à partir de 2026.
Enfin, les entreprises sont incitées à mettre en place des contrats d'achat d'électricité (PPA) pour stabiliser les coûts énergétiques à long terme et réduire par la même occasion leur exposition aux fluctuations des prix de l'énergie.