Réforme du marché européen de l'électricité : la France à la recherche du juste prix

  • AFP
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Le compromis sur la réforme du marché européen de l'électricité ouvre la voie à un soutien public au nucléaire mais cette "victoire" française ne règle pas encore l'épineuse question du "contrôle" des prix de l'électricité voulu par Emmanuel Macron. Après la flambée des prix de l'électricité en 2022, cette réforme entend modérer les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme permettant de limiter l'exposition des prix de l'électricité à ceux du gaz, à l'inverse de la situation actuelle.

Le compromis trouvé le 17 octobre, encore à valider par le Parlement européen, doit aussi offrir plus de visibilité aux investissements des producteurs d'électricité en rendant obligatoire les "contrats pour la différence" (CFD) à prix garanti pour tout soutien public à des investissements dans de nouvelles installations de production décarbonée - renouvelables comme nucléaires. Le texte permet également de recourir facultativement à ces contrats pour tous les investissements destinés aux centrales nucléaires existantes, un point cher à Paris qui veut prolonger ses réacteurs vieillissants.

Avec ce mécanisme de CFD, si les prix de marché sont en-dessous d'un prix de référence, l'État verse une compensation aux producteurs électriciens. A contrario, si les prix sont au-dessus, l'État capte les revenus supplémentaires pour les redistribuer éventuellement aux consommateurs finaux.

Paris et Berlin se sont longuement opposés sur les conditions requises pour appliquer ces CFD aux investissements dans les centrales existantes. L'Allemagne, sortie de l'atome, redoutait de voir une électricité rendue plus compétitive pour l'industrie française grâce à un soutien public massif.

Pour Paris, ce compromis permettrait d'envisager l'avenir de la régulation de l'électricité en France alors que le mécanisme actuel s'arrête fin 2025. Emmanuel Macron a d'ailleurs promis de "reprendre le contrôle" des prix, face aux oppositions qui l'accusent de laisser les factures exploser. Le mécanisme actuel (Arenh) oblige l'électricien EDF à revendre une partie de sa production à des concurrents alternatifs au prix cassé de 42 euros le MWh, ce qui de fait bénéficie aux factures des ménages et entreprises.

Or pour les industriels qui achètent l'électricité en avance, "il était urgent de donner une visibilité" sur leur approvisionnement après la fin du mécanisme, a souligné l'Uniden, l'union des industries énergivores, en saluant ce "dénouement" européen.

Arbitrages attendus

Reste que la "victoire" saluée par l'Elysée ne règle pas tout: "tout reste à faire maintenant: déterminer le prix, les volumes, la philosophie de redistribution, les véhicules règlementaires, dispositifs pour les industriels", relève Nicolas Goldberg, expert énergie à Colombus Consulting.

Au cœur des discussions ministérielles, il y a une question cruciale, celle d'un prix de l'électricité qui permette à la fois à l'industrie de rester "compétitive", aux consommateurs d'avoir des factures soutenables, et à EDF, qui doit prolonger ses centrales et en construire de nouvelles, d'être "rémunéré pour maintenir sa stabilité financière", résume le ministère de la Transition énergétique.

Ce prix fait débat. Pour l'exécutif, il doit être "proche" du "coût de production" du parc nucléaire, récemment estimé à 60 euros le MWh (sans les nouveaux réacteurs), bien en-dessous de celui évalué par EDF (75 euros), quand RTE, le gestionnaire du transport d'électricité l'a calculé entre 75 et 80 euros toutes productions confondues.

Outre le prix, le recours même aux CFD fait débat. EDF craint que Bruxelles ne lui impose des contreparties au nom de la concurrence si une chute des prix devait entraîner un soutien public trop important. Or le PDG Luc Rémont refuse de voir relancer un autre "Hercule", un ancien projet de scission de ses activités. Pour l'Etat actionnaire à 100%, pas question non plus "de porter atteinte à la structure du groupe", insiste-t-on au ministère.

Depuis des mois, EDF plaide pour nouer des contrats à long terme avec des industriels énergivores ou des concurrents alternatifs, une manière de fixer librement ses prix, comme une "entreprise normale" alors qu'il va devoir investir 25 milliards d'euros par an. Mais il se dit aussi favorable à un plafond au-dessus duquel l'Etat pourrait récupérer ses excédents de revenus engrangés sur les marchés si ces derniers s'emballent.

Le gouvernement doit rendre son "arbitrage" dans les "prochaines semaines".

Commentaires

Serge Rochain
A propos du juste prix on se lance encore dans des combines à dormir debout qui n'ont rin à voir avec le JUSTE PRIX ! Le juste prix c'est le cout de production de chaque source d'électricité multiplié par sa part de production dans la production totale et cela à chaque heure du cycle de 24 heures, et ensuite multipliér par le coefficient de marge que le regulateur de l'énergie considere être le plus objectif pour rénumérer les producteurs en fonction de la valeur instentanée de la production.
ant
Si seulement... mais ça serait trop simple. Car certaines énergies ont des coûts de production très faibles, mais un amortissement du capital très élevé (renouvelable et nucléaire sont dans cette catégorie), tandis que d'autres ont des coûts du capital faible mais coûtent cher en combustible (gaz, charbon, fioul, biomasse...) Sans compter qu'un système électrique doit prendre en compte le coût du réseau afférant à la source d'électricité (sortir 1GW/h d'éolien coûte plus cher à RTE que de sortir 1GW/h d'un réacteur nucléaire), le besoin en stockage (les STEP, les batteries...), les réserves de capacité (payer pour que les centrales à gaz se tiennent prêtes au cas où, mais sans tourner, payer pour que certains consommateurs s'effacent... Bref c'est très compliqué et il est impossible de prendre chaque source de production indépendemment des autres.
Rochain Serge
Merci d'enfoncer les portes ouvertes... Quand on parle du coût de production, on intégre ce que la production du KWh implique. Et un KWh de gaz comme 1 KWh de nucléaire implique toujours la même chose, ensuite cette chose dépend de la date et de l'heure, car c'est plus ou moins utile selon ce critère. Et cet autre chose in lu beaucoup plus de choses que ce que vous énumérez.

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