Comment fonctionnent les réseaux d'électricité en France ?

Ligne électrique enedis

Enedis est entre autres en charge de l'entretien du réseau de distribution d'électricité. (©Enedis/SIPA/S. Salom Gomis)

La France compte 106 000 km de lignes, allant de 63 000 à 400 000 volts, dont 6 000 km souterraines.

L'électrification de la France

L'édification du réseau a connu trois grandes périodes :

  1. après la Seconde Guerre dans le cadre de la reconstruction, avec l'essor du réseau à 225.000 volts;
  2. à partir des années 70 avec le boom de la production thermique centralisée (charbon et surtout nucléaire) et du 400 000 volts;
  3. puis dès les années 2010 avec une nouvelle accélération et des transformations imposées par la transition énergétique.

De lourds investissements en cours et à venir

RTE a présenté fin 2019 son "schéma décennal", qui évaluait les investissements nécessaires à son réseau à 33 milliards d'euros jusqu'en 2035. Cela représente un doublement des investissements annuels par rapport à la période précédente. Dans le même temps côté réseau de distribution, Enedis prévoit 69 milliards d'investissements sur 15 ans.

Les 2 milliards d'euros d'investissement annuels ont été dépassés en 2024, et devraient dépasser 4 milliards en 2028 ou 2029. En 2023, le montant du programme d'investissement de RTE s'était élevé à 1,88 milliard d'euros, soit une hausse de près de 10% par rapport à 2022, qui avait lui-même progressé de 10%.

Ces dépenses sont financées par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), payé par les consommateurs, car intégré directement au prix de l'électricité. Ce tarif augmente d'année en année.

Renouvellement des équipements

À partir de 85-90 ans, les équipements du réseau électrique sont à renouveler pour des raisons de vétusté.

Si jusque dans les années 2010 on remplaçait 300 km de câble par an, c'est désormais 500 km par an et cela devrait monter à 1 200 km d'ici à 2030. Idem pour les pylônes : 500 sont remplacés chaque année, mais il va falloir accélérer, notamment dans les zones de forte corrosion près de la mer, ou dans certaines zones industrielles.

Et pour ce qui est d'enterrer les lignes, les 63 000 - 90 000 volts sont concernées, notamment en zones d'habitation. C'est aussi le cas pour les installations 225 000 volts nouvelles, mais pas pour le 400 000 sauf en distances très courtes.

RTE travaille aussi sur l'interconnexion entre la France et l'Irlande et entre la France et l'Espagne.

Pour mener à bien cette tâche, les gestionnaires de réseaux envisagent de nombreux recrutements.

Intégration des renouvelables

L'essor des énergies renouvelables et de projets comme les parcs éoliens en mer nécessitent de nouvelles "routes" pour faire transiter l'électricité vers les lieux de consommation. En 2022, 22% des sommes d'investissements de RTE ont par exemple été consacrées au développement du réseau en mer, avec le raccordement du parc offshore de Saint-Nazaire, d'un montant de 280 millions d'euros.

Pour l'éolien terrestre et le solaire photovoltaïque, dont les capacités doivent quintupler entre 2020 et 2035, une centaine de postes électriques devront être construits.

Il existe en outre des Schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR).

RTE prévoit également des travaux "considérables" pour l'alimentation des industriels qui décarbonent leur activité à Dunkerque, au Havre et à Fos notamment.

Différence entre réseaux de transport et de distribution

En France, les réseaux de transport et de distribution d’électricité se distinguent par leur fonction, par l’étape au cours de laquelle ils interviennent pour acheminer l’énergie électrique et par la tension de leurs lignes.

105 857 km de lignes à haute et très haute tension (dont 94% de lignes aériennes) sont exploitées et entretenues par RTE. Enedis gère pour sa part un réseau comprenant 645 000 km de lignes à moyenne tension et 721 000 km de lignes à basse tension. Ces plus de 1,4 million de kilomètres de lignes représentent l'équivalent de 35 fois le tour de la Terre.

Transport

Le réseau de transport, dont Réseau Transport Électricité (RTE) est le gestionnaire en France, achemine l'électricité des centrales de production vers les zones de consommation, grandes agglomérations ou grandes entreprises. Il est composé de lignes à haute tension (63 000 et 90 000 volts) et à très haute tension (225 000 et 400 000 volts).

L’utilisation de la très haute tension, en amont du circuit, permet de limiter les pertes en ligne dues à l’effet Joule (dégagement de chaleur) ou aux effets électromagnétiques (effets capacitifs entre la ligne et le sol).

Distribution

Les réseaux de distribution, exploités, entretenus et développéspar Enedis sur 95% du territoire français métropolitain (et par des entreprises locales de distribution ou ELD pour les zones restantes, ainsi que par EDF SEI dans la plupart des zones interconnectées(1)), reçoivent l’électricité des réseaux de transport et distribuent celle-ci aux consommateurs. Ils sont composés de lignes à moyenne tension(2) (20 000 volts) et à basse tension (230 volts et 400 volts). Ce sont les lignes à basse tension qui sont reliées aux domiciles des particuliers.

L'équilibre sur le réseau

Les gestionnaires de réseaux électriques veillent à l'équilibre en ajustant constamment la production d'électricité pour répondre à la demande en temps réel, afin d'éviter les surcharges ou les déficits. Ils utilisent diverses sources d'énergie, comme les centrales flexibles ou les systèmes de stockage, pour compenser les variations soudaines de consommation ou de production, notamment provenant des énergies renouvelables.

En cas de besoin, des mécanismes de secours, tels que la réserve de puissance ou la réduction de la demande, sont activés pour maintenir la stabilité du réseau.

Une vigilance de rigueur en hiver

La consommation électrique est très « thermosensible », c’est-à-dire sensible aux variations de température, surtout en hiver compte tenu de la très forte pénétration du chauffage électrique dans le pays.

Chaque degré de température en moins au niveau national en hiver engendre un appel de puissance supplémentaire sur le réseau électrique de 2 400 MW, soit l’équivalent de la puissance électrique mobilisée pour Paris intramuros. Les pics de consommation lors des périodes dites de « pointe » (entre 8h et 13h et surtout entre 18h et 20h) peuvent ainsi, en cas de forte baisse des températures, fragiliser l’équilibre offre/demande qui doit être maintenu en permanence sur le réseau.

Les trois premières semaines de décembre sont identifiées comme celles « présentant le moins de robustesse à une vague de froid ». Durant cette période, RTE peut recourir à des actions d’urgence exceptionnelles en cas de températures inférieures de 3°C aux normales de saison. Dans un premier temps, la consommation de sites industriels « électro-intensifs » volontaires pourrait être interrompue, puis la tension sur les réseaux de distribution électrique pourrait, en cas de besoin, être baissée de 5%. Enfin, RTE aurait la possibilité, « en ultime solution », de programmer des délestages tournants afin d’éviter un hypothétique « black-out » affectant un grand nombre de Français. Un délestage consiste à supprimer momentanément l’alimentation électrique d’une partie du réseau.

La disponibilité des capacités de production

La situation du réseau électrique peut se caractériser une forte baisse de la disponibilité des capacités de production, à cause des phases de maintenance prolongées du parc nucléaire français, du niveau des barrages hydroélectriques ou de l'intermittence des énergies renouvelables. Leur production est en effet sensible aux variations de vitesses de vent et de rayonnement solaire.

Les effacements et les interconnexions, facteurs de sécurité

Malgré la moindre disponibilité épisodique des moyens de production français, RTE dispose d’autres moyens pour assurer l’équilibre du réseau électrique. Les capacités d’importation depuis l’étranger ont par exemple augmenté de 30% grâce à la nouvelle liaison transfrontalière avec l’Espagne. Lors d'une éventuelle « vague de froid durable », le gestionnaire de réseau estime qu’une puissance de 7 000 à 11 000 MW pourra ainsi être mobilisée depuis l’étranger.

En cas de tensions sur le réseau, RTE peut également avoir recours à des effacements de consommation (diminution volontaire par des industriels ou des particuliers de leur consommation). Le gestionnaire de réseau a par ailleurs prévu de lancer le 5 décembre prochain un dispositif d’alerte sur l’application « Eco2mix » : celui-ci avertira les usagers de risques potentiels pesant sur le réseau et les encouragera à réaliser des économies d’énergie durant la période «  à risque », par exemple en différant l’usage d’appareils domestiques durant les heures creuses ou en éteignant tous les appareils en veille.

Réseaux intelligents

Un « réseau intelligent » ou « smart grid » désigne « un réseau d’énergie qui intègre des technologies de l’information et de la communication, ce qui concourt à une amélioration de son exploitation et au développement de nouveaux usages tels que l’autoconsommation, le véhicule électrique ou le stockage », selon la définition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)(3). Il vise en particulier à pouvoir piloter à tout instant la production d'énergie en fonction de la demande au meilleur coût (et sans extension dudit réseau) et constitue un enjeu central des transitions énergétiques.

En France, la CRE a identifié près d'une soixantaine de démonstrateurs sur la période 2012-2021(4) (pour un budget cumulé d'environ 600 millions d'euros) visant à « identifier des solutions et qualifier leur pertinence technique et économique » sur de multiples sujets : favoriser l’essor de la mobilité électrique, proposer de nouveaux services aux consommateurs sur la base de leurs données de consommation, optimiser l’exploitation et la maintenance des réseaux, faciliter l’accès aux réseaux des productions de gaz décentralisées, etc.

Pour leur mise en place, la CRE formule notamment les recommandations suivantes :

  • la mobilisation de flexibilités diffuses, en particulier celles des véhicules électriques, nécessitera des mécanismes simples et peu coûteux à mettre en œuvre permettant de récompenser à un juste niveau les clients volontaires ;
  • la mise à disposition d’historiques de données pour la fourniture de services au consommateur nécessite que les gestionnaires de réseau puissent par défaut, comme dans d’autres pays européens, collecter et stocker les courbes de charges des compteurs électriques, tout en laissant la possibilité aux clients de s’y opposer ;
  • le déploiement de dispositifs de suivi de la consommation en temps réel nécessite d’en réduire les coûts, en définissant des standards d’interopérabilité pour permettre aux consommateurs de partager leurs données avec les tiers de leur choix et de changer facilement de fournisseur ;
  • la généralisation des Offres de Raccordement Intelligentes (ORI) pour les consommateurs permettra de réduire les coûts et les délais de raccordement des batteries de stockage et des bornes de recharge de véhicules électriques

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