En 2016, la production mondiale de pétrole a atteint 97 millions de barils par jour. Elle devrait encore être tirée par la croissance de la production américaine cette année. (©Anadarko)
Selon une note d’analyse d’IFP Énergies nouvelles, les accords de baisse de la production pétrolière conclus fin 2016 par des pays de l’OPEP et hors-OPEP sont dans l’ensemble bien respectés depuis le début de l’année 2017. État des lieux.
Un prix du baril avoisinant 55 dollars depuis le début de l’année
Pour rappel, 11 des 14 pays membres de l’OPEP se sont engagés fin novembre 2016 à réduire leur production de pétrole cumulée d’environ 1,2 million de barils par jour (Mb/j) à partir de janvier 2017 pour une durée de 6 mois. Dix producteurs hors OPEP ont également annoncé en décembre 2016 vouloir contribuer à cet effort de réduction de la production pétrolière à hauteur de 0,5 Mb/j (la Russie et le Mexique comptant pour 80% de cet objectif de réduction) afin d’accélérer la remontée des cours du pétrole.
Sur la base des données de production de janvier et février 2017, IFP Énergies nouvelles constate à ce jour « un respect assez scrupuleux des termes » de ces accords. L’Arabie saoudite s’est notamment engagée au-delà de son propre objectif de réduction, ce qui a permis de compenser les légers dépassements par quelques pays de leurs quotas de production (Émirats arabes unis, Irak, Venezuela).
Le respect de l’accord de l'OPEP, qui n’allait pas de soi, a ainsi « contribué à soutenir le prix du pétrole » qui atteint presque 55 $ par baril de Brent en moyenne depuis le début de l’année, contre 49 $ par baril au 4e trimestre 2016. IFP Énergies nouvelles juge à ce titre le bilan de la stratégie saoudienne de réduire les excédents d’offre sur les marchés pétroliers « plutôt positif à ce jour ».
Il convient toutefois de nuancer ce constat par quelques incertitudes. Tout d’abord, la bonne entente des producteurs respectant l’accord pourrait être mise à mal si l’un d’entre eux venait à ne plus respecter ses engagements. La Libye et le Nigéria, qui ne sont pas inclus dans l’accord conclu par l’OPEP, pourraient dans le même temps augmenter leur production(1). Avant tout, c’est la production américaine d’huiles de schiste, réactive et très flexible, qui menace à l’heure actuelle les efforts des pays de l’OPEP et la possibilité que ceux-ci prolongent leur accord.
Évolution du prix du baril de Brent (©Connaissance des Énergies, d'après IFP Énergies nouvelles)
Une hausse de 0,5 Mb/j de la production américaine de pétrole depuis octobre 2016
L’OPEP doit décider d’ici à juillet 2017 du prolongement éventuel de son accord de réduction de sa production pétrolière. Et ce prolongement fait l’objet de « voix discordantes » au sein de l’organisation, certains souhaitant un renforcement de l’accord comme l’Irak ou le Koweït afin de faire remonter les cours au-dessus de 60 $ par baril tandis que d’autres craignent qu’un prix trop élevé encourage surtout la hausse de la production américaine, mettant ainsi à mal une partie de leurs efforts.
Un seuil de 40 à 50 $ par baril serait actuellement suffisant pour assurer la rentabilité de l’exploitation d’une grande partie des bassins américains d’huiles de schiste, comme l’a notamment confirmé Shell(2). La production américaine d’huiles de schiste a ainsi été fortement relancée depuis mi-2016, avec notamment un quasi-doublement du nombre d’appareils de forages actifs aux États-Unis depuis lors. La production totale de pétrole des États-Unis a, selon IFP Énergies nouvelles, augmenté de 0,5 Mb/j entre octobre 2016 et février 2017, soit l’équivalent de l’effort de réduction des pays hors OPEP.
Pour rappel, l’EIA américaine envisage une croissance d’environ 0,4 Mb/j de la production américaine de pétrole en 2017 et de 1 Mb/j en 2018. L’accroissement de cette production américaine pourrait ainsi compenser en grande partie la hausse de la demande mondiale, comme cela avait été le cas après 2012, « sous réserve de pouvoir mobiliser les équipements et le personnel qualifié », précise IFP Énergies nouvelles.
« Un prolongement de l’accord de l’OPEP est nécessaire pour éliminer les stocks », indique Guy Maisonnier, économiste à IFP Énergies nouvelles, avant de préciser que les effets de cet accord ne se feront sentir qu’en cas de stabilité de l’offre américaine. Une option peu probable.
Les investissements dans les gisements d’huiles de schiste aux États-Unis atteignent des niveaux records depuis le début de l’année 2017, constate Alexandre Andlauer, analyste chez AlphaValue. Le seul frein à la très forte croissance de la production américaine est la disponibilité d’un personnel qualifié et des équipements de forage, confirme-t-il. Dans le Bassien permien (ouest du Texas et sud-est du Nouveau-Mexique), le nombre de puits achevés devrait atteindre un nouveau record en avril 2017.
Alexandre Andlauer envisage au total une hausse de la production américaine d’huiles de schiste de 1 Mb/j d'ici à fin 2017. L’OPEP qui a selon lui sous-estimé le rythme de croissance de la production américaine devrait « rester silencieuse » sur ses propres baisses de production, sous peine d’encourager encore le marché américain.
Sur les marchés, le prix du pétrole a d'ailleurs fortement baissé depuis une semaine (de 54 $ le baril le 7 mars à près de 50 $ une semaine plus tard), une baisse qui s'explique selon IFP Énergies nouvelles par « un retournement de la vision des intervenants financiers concernant la capacité de l'OPEP à résorber les excédents pétroliers » face à la hausse de la production américaine.
Un choc pétrolier toutefois possible à moyen terme ?
A moyen terme, la flexibilité de la production américaine d’huiles de schiste pourrait entraîner « une succession de fortes secousses sur les prix » selon IFP Énergies nouvelles, la durée des cycles pétroliers étant ainsi susceptible de se réduire avec des variations rapides de périodes d’excédent et de déficit de l’offre.
A plus long terme, l’OPEP brandit le risque d’un nouveau choc pétrolier, également évoqué par l’AIE. Les investissements mondiaux dans l’amont pétrolier ont baissé de près de 40% à 45% depuis 2014, dans le contexte des prix bas du pétrole. Compte tenu du temps pour finaliser les projets de production (4 à 5 ans, hors huiles de schiste), IFP Énergies nouvelles reconnait la possibilité d’une « secousse forte sur le marché pétrolier » en 2019/2020. Reste à voir à quel point les États-Unis mais aussi le Brésil, le Canada et les membres de l’OPEP pourraient augmenter leurs productions pour couvrir un éventuel déficit d’offre.
En France, signalons que la hausse des prix du pétrole a déjà eu depuis le début de l'année 2017 un effet important sur le prix des carburants et sur la facture commerciale du pays. A la pompe, les automobilistes ont payé en moyenne 10 à 15 centimes d’euros plus cher leur litre d’essence et de gazole par rapport à 2016. Avec un prix du baril moyen de 50 dollars, la facture pétrolière et gazière de la France pourrait atteindre 39 milliards d’euros en 2017, soit 7 milliards de plus que l’an dernier (+ 23%).