La Corée du Nord compte principalement sur le charbon, l'hydroélectricité et les produits pétroliers pour satisfaire ses besoins énergétiques. (©Connaissance des Énergies, d’après Pixabay)
Une réunion du Conseil de sécurité a lieu aujourd’hui pour « discuter des manières d’améliorer l’application des résolutions » contre la Corée du Nord. Rappels sur la situation énergétique de ce pays de 25 millions d'habitants et les sanctions à son encontre.
Des sanctions inefficaces, un embargo pétrolier refusé par la Chine
Le 19 septembre, le président américain Donald Trump a menacé lors de son intervention à l’Assemblée générale de l’ONU de « détruire complètement » la Corée du Nord. Suite au 6e essai nucléaire de Pyongyang début septembre, de nouvelles sanctions ont été adoptées au sein de l’ONU (8e train de sanctions depuis 2006), auxquelles s’ajoutent par ailleurs des sanctions unilatérales.
L’échec de ces sanctions(1) est aujourd’hui patent. « Elles ne font pas fléchir le régime nord-coréen et surtout ne sont pas toujours respectées », confirme Barthélémy Courmont, directeur de recherches à l’IRIS. Les doutes sur l’application des sanctions déjà existantes portent en particulier sur Pékin et plus encore sur les entreprises chinoises. Les échanges à la frontière terrestre entre Chine et Corée du Nord (en particulier de minerais, de charbon et de terres rares) restent « très importants sans que cela soit très visible pour les radars onusiens » indique Barthélémy Courmont(2).
La Chine donne toutefois des gages de sa volonté de peser sur les orientations politiques de Pyongyang. En février 2017, Pékin a annoncé sa décision de suspendre ses importations de charbon provenant de la Corée du Nord, alors que des sanctions onusiennes (adoptées fin 2016) se limitaient à un plafond sur les exportations de charbon nord-coréen(3). La Chine a par ailleurs accepté de limiter ses livraisons de pétrole brut et de produits raffinés à la Corée du Nord.
Pékin refuse en revanche un embargo pétrolier intégral, souhaité par les États-Unis. L’approche chinoise consiste en effet à « laisser une petite porte de sortie de crise », constate Barthélémy Courmont. Selon lui, une rupture de l’approvisionnement pétrolier de la Corée du Nord aurait principalement un impact pour la population(4) et pourrait entraîner des mouvements migratoires.
Le charbon, ressource énergétique centrale de la Corée du Nord
La Corée du Nord a officiellement une très faible consommation de pétrole qui se limiterait à 15 000 barils par jour selon l’EIA (mais ces volumes pourraient être sous-estimés). Selon les estimations de l’agence américaine, la Chine fournirait la grande majorité des importations nord-coréennes de pétrole brut (de l’ordre de 10 000 barils par jour), à destination de la seule raffinerie nord-coréenne (Ponghwa) située à la frontière avec la Chine(5). Précisons que la Corée du Nord effectue quelques opérations d’exploration pétrolière mais ne dispose pas de réserves prouvées de pétrole ou d’autres hydrocarbures liquides à ce jour.
En revanche, le pays bénéficie d’énormes réserves prouvées de charbon. La Corée du Nord aurait même été le principal exportateur mondial d’anthracite au cours des dernières années : ses exportations à destination de la Chine lui auraient rapporté près de 1,2 milliard de dollars en 2016 (soit environ 40% de ses revenus liés aux exportations).
Soulignons par ailleurs que l’hydroélectricité occupe une place importante dans le système énergétique de la Corée du Nord, qui a équipé les rivières du pays de nombreux barrages. Cette énergie compte pour près des trois quarts de la production électrique nationale (qui reste très limitée, de l’ordre de 20 TWh par an, soit environ 25 fois moins que la France). La distribution d’électricité dans le pays est par ailleurs fréquemment interrompue et les Nord-Coréens ont importé de nombreux panneaux solaires chinois pour ne plus dépendre du réseau. Au total, 26% de la population nord-coréenne seulement avait accès à l’électricité en 2016 selon les dernières données de l’AIE.
Quelles pistes pour une sortie de crise ?
Les premières sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord remontent à 1993 (déjà au sujet de son programme nucléaire) et elles ont toujours été inefficaces, voire « contre-productives puisqu’elles poussent Pyongyang sur la voie du chantage avec ses armes nucléaires », constate Barthélémy Courmont. Ce pays était déjà très isolé avant les années 1990 puisqu’il n’entretenait des relations qu’avec les pays du bloc de l’est et les sanctions l’affectent ainsi bien moins que d’autres pays plus « intégrés » sur la scène internationale.
La Corée du Nord a opté aujourd’hui pour une « stratégie de dissuasion très prévisible » selon Barthélémy Courmont, à savoir multiplier les essais pour rappeler sa détermination mais aussi ses capacités de défense dans un environnement international jugé hostile. Avec un certain succès puisque « Pyongyang impose l’agenda et le contenu des négociations, tout en élevant ses exigences », constate le directeur de recherches de l’IRIS.
Selon Barthélémy Courmont, la sortie de crise pourrait passer par la reconnaissance « de facto du statut de puissance nucléaire de la Corée du Nord, comme pour l’Inde, le Pakistan ou Israël qui ont obtenu l’arme nucléaire hors cadre international dans le passé ». Cette option constituerait un aveu d’échec des politiques de non-prolifération mais permettrait selon lui de sortir de l’impasse actuelle qui pousse Pyongyang à aller toujours plus loin dans son programme nucléaire et ses menaces.
Rappelons qu’un accord en 1994 avait déjà suscité de nombreuses attentes et fait espérer une sortie de crise(6) : la Corée du Nord devait alors renoncer à son programme nucléaire en échange d’une aide énergétique de la part de la Corée du Sud, du Japon, de la Russie mais aussi des États-Unis qui s’étaient engagés à… construire deux centrales nucléaires en Corée du Nord »(7). Cet accord avait finalement échoué en l’absence d’engagements réels des différentes parties prenantes.