Pour encourager la pratique du vélo lors du déconfinement, des pistes cyclables temporaires ont entre autres été créées dans de nombreuses villes françaises. (©Pixabay)
La sortie du confinement constitue « le moment d’illustrer que le vélo est un mode de transport à part entière et pas seulement un loisir », assure la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne(1). C'est aussi l'occasion de rappeler la place du vélo en France et sa contribution potentielle dans le cadre de la transition énergétique.
Rappels sur la pratique du vélo en France
Plus de la moitié des déplacements des Français font moins de 5 kilomètres(2). Pourtant, la voiture individuelle reste le mode de transport privilégié sur ces trajets courts (65% sur les trajets de 1 à 2 km)(3). Dans une étude publiée début mai(4), l'Ademe indique ainsi qu’il existe « un potentiel considérable de transfert modal » vers le vélo sur ces distances réduites.
Selon différentes estimations, près de 5% des personnes de plus de 15 ans en France font du vélo quotidiennement (contre 30% au Danemark et 43% aux Pays-Bas). La pratique évolue très différemment selon les zones géographiques : elle est en forte progression dans le centre des grandes villes, un « trompe l’œil » selon l’Ademe puisqu’elle chute dans le même temps en banlieue, en milieu périurbain et dans les zones rurales « là où il y a 25 ans la pratique du vélo était la plus forte ».
Les Français disposent chez eux de 35,7 millions de vélos (dont 25% sont « inutilisés »)(5) mais ils considèrent davantage ceux-ci comme un loisir (la France est la 2e destination mondiale du tourisme à vélo après l’Allemagne) ou une pratique sportive que comme un mode de déplacement au quotidien (à l’exception de quelques villes, comme Strasbourg où le vélo compte pour 16% des déplacements domicile-travail).
Au cours des dernières années, la pratique régulière du vélo en France est « restée stable, le nombre de pratiquants occasionnels est en hausse et la non pratique en régression selon l'Ademe ». (©Connaissance des Énergies, d'après Ademe)
Les vélos à assistance électrique : une substitution aux voitures
Depuis plusieurs années, le paysage de la bicyclette en France est marqué par le développement « phénoménal » des vélos à assistance électrique (VAE) : les ventes de ces modèles sont passées de près de 102 000 unités en 2015 à 338 000 en 2018, soit près de 13% de l’ensemble des vélos vendus cette année-là aux particuliers (40% du marché en valeur)(6).
Le VAE a un rôle important à jouer dans la reconquête du vélo en France : il est qualifié par l’Ademe comme « un outil majeur pour réduire les fractures sociales et territoriales » sachant qu’il « touche prioritairement les territoires où la pratique du vélo est la plus faible, s’utilise avec une fréquence de pratique et sur des distances de déplacement beaucoup plus importantes qu’un vélo classique et touche principalement des Français plus âgés qui ne faisaient plus de vélo et des femmes ».
Selon Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB)(7), le VAE « rassure les gens qui ont peur de se mettre au vélo, permet un allongement des distances et un vrai report modal : le VAE remplace la 2e voiture dans bien des foyers ». L’Ademe estime que « 71% des usagers du VAE utilisaient la voiture pour les déplacements réalisés aujourd’hui en VAE, pour seulement 16% depuis le vélo classique »(8).
L’efficacité énergétique du VAE est « sans équivalent, compte tenu de la part importante de propulsion humaine dans le déplacement (l’assistance n’est là que pour écrêter l’effort) et surtout de son faible poids », souligne l’Agence de la transition écologique en France. En moyenne, un VAE est « 60 fois moins lourd qu’une Zoé électrique, a une puissance maxi 260 fois plus faible et sa batterie a une capacité 55 fois plus faible ».
Le marché français du vélo est en régression en volume au cours de la dernière décennie. Le chiffre d’affaires de ce marché a toutefois augmenté de 51% en 10 ans, en raison du développement des VAE, plus onéreux. (©Connaissance des Énergies, d'après Ademe)
Quel potentiel de développement pour le vélo en France ?
Le Plan « Vélo et mobilités actives », présenté par le gouvernement en septembre 2018(9), fixe entre autres pour objectif de tripler la part modale du vélo en France (c’est-à-dire « le taux de déplacements faits à vélo sur l’ensemble des déplacements de la journée », indicateur à distinguer de la pratique quotidienne), de 3% à 9% d’ici à 2024.
Selon l'Ademe, cette part modale du vélo est récemment « sans doute descendue sous la barre des 2% »(10) et l’objectif du Plan Vélo semblait jusqu’à peu hors de portée : « une part modale de 9% à horizon 2024 en cinq ans supposerait une augmentation de 35% par an de la pratique utilitaire sur cinq ans dans toute la France ou une progression de 1,4 point de part modale chaque année, chiffre jamais observé, même à Séville ou Vitoria-Gasteiz, alors même que la pratique est orientée à la baisse en dehors des zones denses ».
Toutefois, la donne pourrait changer dans le « monde d'après », veulent croire les cyclistes. Dans le contexte du déconfinement, le ministère de la Transition écologique et solidaire a annoncé un plan de 20 millions d’euros en partenariat avec la FUB(11) qui prévoit entre autres un « coup de pouce réparation vélo » (aide pour la remise en état d’un vélo allant jusqu’à 50 euros hors taxes(12)) et le financement de formations pour apprendre ou réapprendre à rouler à vélo. Des pistes cyclables temporaires sont par ailleurs mises en place.
En pérennisant certaines de ces mesures et selon les résultats des élections municipales, atteindre l’objectif de 9% de part modale du vélo en France en 2024 pourrait devenir « plus que possible » selon Olivier Schneider, qui indique que « des territoires que l’on n’attendait pas s’engagent aujourd’hui ».
Quels moyens et quel impact énergétique ?
De nombreux efforts doivent encore être réalisés en France en matière d'aménagement des pistes cyclables, la pratique du vélo étant « directement liée au linéaire d’aménagements cyclables par habitant »(13). Olivier Schneider souligne l’importance de renforcer la « complémentarité vélo-train » au quotidien et de « massifier les places de stationnement ».
Parmi les mesures de la loi d’orientation des mobilités susceptibles d'augmenter la pratique du vélo au quotidien figure par ailleurs le forfait Mobilités durable (dont le décret d’application pour le secteur privé a été publié le 10 mai) : celui-ci permet aux employeurs de prendre en charge jusqu’à hauteur de 400 euros par an les frais de déplacement de leurs salariés sur leur trajet domicile-travail effectué à vélo(14).
Une plus grande place du vélo dans les déplacements pourrait avoir un impact important sur la consommation de pétrole et les émissions de gaz à effet de serre associées en France. Pour rappel, les transports comptent pour près d'un tiers de la consommation finale d'énergie en France et près de 91% de l'énergie consommée par le secteur provient des produits pétroliers(15).
En prenant en compte l’empreinte environnementale globale des moyens de transport (qui inclut notamment les émissions liées à leur fabrication), l’Ademe estime qu’en moyenne, « pour un kilomètre parcouru, les émissions de gaz à effet de serre sont 94% fois moins élevées pour le vélo que pour la voiture »(16).