Le numérique, un univers énergivore en expansion

iphone et imac

Chaque heure, près de 1,6 milliard de mails sont échangés dans le monde (hors spam) et environ 180 millions de recherches sont effectuées sur Google.

Le numérique a fait son apparition très tôt dans le secteur énergétique, notamment pour faciliter la gestion des réseaux électriques dès les années 1970. C’est aujourd’hui « le rythme de la digitalisation » du secteur énergétique tout entier qui s’accélère.

Le secteur numérique mondial est constitué de « 34 milliards d’équipements(2) pour 4,1 milliards d’utilisateurs, soit 8 équipements par utilisateur », auxquels s’ajoutent les infrastructures de réseaux et les centres informatiques (data centers), rappelle l'étude de GreenIT(2).  En 2025, le monde pourrait compter plus de 68,5 milliards d’équipements numériques.

Consommations par appareil

  • Ordinateur portable : de 30 à 100 kWh/an
  • Ordinateur fixe : de 120 à 250 kWh/an
  • Tablette : de 5 à 15 kWh/an
  • Écran : de 20 à 100 kWh/an
  • Smartphone : de 2 à 7 kWh/an

Consommation energetique par poste

Une consommation électrique de 1 300 TWh par an

Le secteur du numérique consommerait au niveau mondial de l’ordre de 1 300 TWh d’électricité par an en 2019, soit 5,5% de la consommation mondiale annuelle d’électricité et 4,2% de la consommation mondiale d’énergie primaire. Cela représente aussi approximativement l’équivalent des productions électriques annuelles cumulées de la France, l'Allemagne et la Belgique.

Cette consommation proviendrait à 44% des utilisateurs (en incluant la consommation associée à la fabrication de leurs appareils), à 32% du réseau et à 24% des centres informatiques.

Il est aussi estimé que le secteur numérique compte actuellement pour environ 3,8% des émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre.

1900 TWh en 2025 ?

Selon GreenIT, l’empreinte environnementale (dont l’empreinte énergétique) du secteur numérique – provenant historiquement des ordinateurs et dispositifs d’affichage associés - sera beaucoup plus forte à l'avenir en raison de :

  • la très forte croissance du nombre d’objets connectés (estimé à 48 milliards au niveau mondial en 2025 contre 1 milliard en 2010) ;
  • le doublement de la taille des écrans, notamment de télévision (entre 2010 et 2025) ;
  • un « tassement des gains en matière d’efficience énergétique » (alors que ceux-ci progressaient « sans interruption » jusqu’ici(7)) ;
  • une empreinte plus importante de la consommation d’électricité, celle-ci augmentant fortement dans les pays émergents dont les mix électriques sont généralement plus carbonés que ceux des pays occidentaux.

Au total, GreenIT estime que la consommation d’électricité du secteur numérique pourrait être multipliée par 2,7 entre 2010 et 2025 « parce que le nombre d’équipements augmente, mais aussi parce que certains équipements consomment de plus en plus d’énergie ».

« Le nombre de traitements par joule doublait ainsi tous les deux ans [loi de Koomey]. Pourtant, la consommation électrique annuelle du numérique va presque tripler entre 2010 et 2025 passant d’environ 700 TWh à 1900 TWh. Cela signifie que les gains d’efficience énergétique sur la phase d’utilisation, qui se tassent depuis quelques années, ne compensent plus la hausse continue de la taille des écrans (effet rebond) ».

363 kWh par salarié par an

La consommation électrique d’un salarié français liée aux outils informatiques (usage du PC, des imprimantes, etc.) atteindrait en moyenne 363 kWh par an selon le livre blanc de l’Ademe et ADN’Ouest. Cette estimation se base sur une cinquantaine d’audits menés entre octobre 2012 et septembre 2015 en Pays de Loire, Bretagne et Poitou-Charentes. Les données ont été collectées auprès de 50 organisations aux profils très différents (entreprises de secteurs variés, collectivités, établissements publics).

La consommation électrique liée à la bureautique varie naturellement fortement entre les différents acteurs audités. Elle constitue seulement près de 3% de la consommation électrique totale des organisations du secteur de la santé contre 25% en moyenne dans les sociétés de services ayant fortement recours à l’informatique.

Précisons que la consommation électrique des appareils de bureautique est à peu près équivalente à celle des salles informatiques où sont hébergés les serveurs et les commutateurs de réseaux et dont la consommation est souvent oubliée.

La consommation électrique du parc informatique des organisations auditées (comptant pour près de 72 000 employés et environ 100 000 appareils de bureautique au total : 68 700 ordinateurs, 20 000 imprimantes ou encore 3 600 copieurs.) atteint près de 26,8 GWh par an, soit l’équivalent de la production annuelle d’électricité de 4 à 5 éoliennes de 3 MW de puissance ou de moins de 0,5% de la production annuelle d’un réacteur nucléaire de 900 MW (comme l'un des deux de l'ancienne centrale de Fessenheim) : environ 6 TWh par an par réacteur.

Le livre blanc ne couvre ainsi qu'un très faible échantillon des employés français. En extrapolant à l’échelle nationale les résultats du panel de l’étude, l’Ademe estime que les parcs informatiques des secteurs secondaire et tertiaire(3) en France absorberaient près de 8,6 TWh d’électricité par an(4), soit l’équivalent d’environ 1,8% de la consommation électrique française en 2015 (475 TWh).

Pour les organisations auditées, la facture associée à la consommation électrique d’origine « numérique » atteindrait un peu plus de 80 euros par employé et par an(5), un montant qui peut sembler modeste mais qui pourrait être significativement réduit sans impact sur l’activité professionnelle. Les consommations « utiles » des appareils de bureautique dépassent en effet rarement plus de 60% selon l’Ademe.

Des éco-gestes numériques

Selon l'ADEME, 20% à 30% de la consommation d’électricité des équipements informatiques pourrait être « raisonnablement économisée », soit environ 2,15 TWh par an en France. Ce total correspond aux besoins électriques annuels hors chauffage de près de 800 000 foyers.

De nombreux gestes permettent de limiter cette consommation : ne pas laisser en permanence ses appareils en veille, désactiver certaines fonctions non utilisées, créer des favoris dans son navigateur pour éviter des recherches inutiles, etc.

La circulation et le stockage de données mobilise un ensemble d’équipements, dont une partie reste « immatérielle » pour de nombreuses personnes : routeurs, câbles, serveurs, unités de stockage, etc. Optimiser la taille des pièces jointes d’un message a ainsi un impact en matière de consommation énergétique, de même que le nombre de destinataires dudit message. La  conception des équipements et leur recyclage doivent par ailleurs être pris en compte pour avoir une vision globale de l’impact énergétique et environnemental de la sphère numérique.

L’extinction d’un ordinateur devrait entre autres devenir aussi évidente que celle de la lumière en l’absence de besoin.

Les directeurs des services informatiques (DSI) ont également un rôle important à jouer et peuvent mettre en place des actions telles que l’autonomisation de l’extinction des postes de travail ou la mise en veille plus rapide des copieurs entre différentes utilisations.

Le livre blanc de l’Ademe a permis de classer les organisations selon leur « maturité Green IT », autrement dit selon la prise en compte du développement durable dans les usages du numérique. Selon les résultats de l’étude, seule une organisation sur cinq connaîtrait avec précision la part de l’informatique dans sa consommation d’électricité totale.

Fin 2013, Digital Power Group estimait que l'ensemble des TIC (technologies de l’information et de la communication) captait près de 10% de la production d’électricité au niveau mondial. Le cabinet rappelait que le bilan électrique des appareils informatiques ne se limite pas à leur usage mais doit également tenir compte de leur construction, de leur assemblage mais aussi des réseaux de communication et data centers sollicités pour leur bon fonctionnement.

Des économies d'énergie permises par le numérique même

Côté production, le recours au numérique pourrait sensiblement améliorer l’efficacité énergétique et la productivité des infrastructures. L’AIE estime notamment que les coûts de production de l’industrie pétrolière et gazière pourraient diminuer de 10% à 20% grâce aux technologiques numériques (avec une augmentation du volume d’hydrocarbures récupéré). Sur les réseaux électriques, le numérique permet entre autres de mieux intégrer les productions électriques intermittentes et de faciliter le contrôle de l’état des lignes (recours aux drones).

Selon les estimations de l’AIE, la consommation mondiale d’énergie dans les bâtiments pourrait être réduite de 10% en 2040 (par rapport à un scénario tendanciel(6)) grâce au numérique : thermostats connectés, éclairages intelligents, etc.

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