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L’Afrique est particulièrement touchée par les crises actuelles (climatique, économique, etc.), mais les transitions énergétiques dans le monde constituent « une nouvelle promesse pour le développement économique et social de l’Afrique », promet l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié le 20 juin(1). États des lieux.
18% de la population mais moins de 6% de la consommation d’énergie dans le monde
L’Afrique dispose d’une forte dynamique démographique et économique, souligne l’AIE en préambule de son Africa Energy Outlook 2022 : « une personne sur trois qui naît aujourd’hui est africaine » et 3 des 10 économies connaissant la plus forte croissance sont situées sur ce continent. Malgré tout, près de 40% de la population d’Afrique subsaharienne vit encore dans une « extrême pauvreté » et de fortes inégalités se creusent sur le continent.
Près de 18% de la population mondiale vit en Afrique mais ce continent compte pour moins de 6% de la consommation d’énergie du globe. Et pour moins de 3% des émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie (l’Afrique a « les émissions par habitant les plus faibles de toutes les régions » et n’a de surcroît pas de responsabilité « historique » dans le réchauffement climatique par rapport aux pays développés).
Recul de l’accès à l’électricité et aux moyens de cuisson propres
Entre 2010 et 2019, près de 160 millions d’Africains supplémentaires ont obtenu un accès à l’électricité mais le nombre de personnes en étant dépourvues sur le continent a depuis augmenté de 4% entre 2019 et 2021, dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Près de 600 millions de personnes, soit 43% de la population africaine, n’avaient ainsi toujours pas accès à l’électricité en 2021, dont 590 millions de personnes vivant en Afrique subsaharienne.
Le constat est plus sombre encore pour l’accès à des moyens de cuisson propre : plus de 970 millions de personnes, soit quasiment les trois quarts de la population africaine, n’y avaient toujours pas accès en 2021. Leur nombre aurait augmenté en moyenne de 2% par an entre 2010 et 2019 et de 2,5% par an en 2020 et 2021.
Pour rappel, le 7e des 17 Objectifs de développement durable (ODD ou SDG en anglais) de l’Agenda 2030 de l’ONU fixe entre autres pour ambition d’assurer, à l’horizon 2030, « l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable ». Une ambition très lointaine en ce qui concerne le continent africain.
Un scénario « Sustainable Africa »
Dans son rapport, l’AIE présente un scénario « Sustainable Africa » censé permettre au continent africain d’atteindre à temps tous ses objectifs de développement liés à l'énergie (en particulier un accès « universel » aux services énergétiques modernes d'ici 2030)(2). Dans ce scénario, la consommation africaine d’énergie primaire « moderne » (hors biomasse traditionnelle) pourrait augmenter de 3% par an en moyenne entre 2020 et 2030. Et près des trois quarts de cette hausse de la consommation seraient satisfaites par des énergies renouvelables « modernes ».
L’AIE envisage toutefois des dynamiques différentes entre les différentes régions d’Afrique : en Afrique du Nord, le pétrole et le gaz naturel devraient continuer à largement dominer le mix énergétique (leurs parts cumulées dans la consommation d’énergie primaire passant de 91% en 2020 à 85% en 2030) tandis que le charbon restera le combustible privilégié par l’Afrique du Sud en raison de ressources locales bon marché.
En ce qui concerne l’électricité, le gaz naturel et le charbon comptaient respectivement pour environ 40% et 30% de la production africaine en 2020. La prépondérance de ces deux combustibles devrait diminuer d’ici à 2030, selon le scénario « Sustainable Africa », avec une montée en puissance de l’hydroélectricité, de l’éolien et du solaire photovoltaïque.
L’AIE souligne en particulier que l’Afrique dispose des plus importantes ressources solaires au monde mais ne détient à l’heure actuelle que 1% des capacités solaires photovoltaïques installées dans le monde. Le photovoltaïque et l’éolien pourraient produire 27% de l’électricité générée en Afrique en 2030 selon le scénario « Sustainable Africa », soit 8 fois plus qu’en 2020 (ce qui aura d’importantes implications pour la gestion des réseaux électriques afin de maintenir en permanence l’équilibre entre offre et demande, note l’AIE).
Minéraux critiques et gaz naturel
Outre l’énorme potentiel du solaire et d’autres énergies renouvelables en Afrique, le directeur exécutif de l'AIE Fatih Birol souligne « de nouvelles opportunités industrielles dans les minéraux critiques et l'hydrogène vert » qui devraient permettre aux pays africains d’attirer des flux croissants d’investissements et de « créer de nouveaux marchés d’exportations ».
Il est par ailleurs noté que, malgré les progrès des énergies renouvelables, l'industrialisation du continent « reposera en partie sur l'expansion de l'utilisation du gaz naturel », souligne l’AIE. Les découvertes récentes de gaz(3) « pourraient fournir 90 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires par an d'ici 2030, ce qui pourrait être vital pour les industries africaines des engrais, de l'acier, du ciment et du dessalement d'eau ». Les émissions cumulées de CO2 résultant d’une utilisation accrue du gaz pourraient porter les émissions totales de l’Afrique « à seulement 3,5% » des émissions mondiales, estime l’AIE.
L’Agence internationale de l’énergie insiste à nouveau sur l’urgence à accroître les flux financiers vers l’Afrique, « à la fois pour développer son secteur énergétique et s'adapter au changement climatique ». La COP27, prévue en Égypte fin 2022, offre à ce titre « une plateforme cruciale aux dirigeants africains pour définir l'ordre du jour des années à venir ».