Les propriétaires de data centers sont appelés à faire preuve d’une plus grande transparence sur leurs informations de consommation électrique. (©Taylor Vick-Unsplash)
Les progrès d’efficacité énergétique des data centers n’auraient pas été mesurés à leur juste niveau au cours des dernières années, selon un article publié par des chercheurs américains dans Science le 28 février(1). Cet « angle mort » aurait ainsi conduit à surévaluer leur consommation d’électricité.
Une hausse de seulement 6% de la consommation électrique des data centers entre 2010 et 2018 ?
Les data centers, « colonne vertébrale d’une monde de plus en plus digitalisé », compteraient actuellement pour près de 1% de la consommation mondiale d’électricité (avec une consommation annuelle de 205 TWh). Jusqu’ici, « les analyses les plus souvent citées » indiquaient que leur consommation avait doublé au cours de la dernière décennie et qu’elle était susceptible de tripler, voire de quadrupler durant celle à venir (avec le développement de nombreux nouveaux usages : intelligence artificielle, systèmes connectés, véhicules autonomes, etc.).
Dans l’article publié le 28 février par Science, des chercheurs de la Northwestern University (banlieue de Chicago), du Lawrence Berkeley National Laboratory et de Koomey Analytics jugent toutefois « simplistes » ces analyses car elles ne prendraient pas réellement en compte les progrès d’efficacité énergétique réalisés par les data centers ces dernières années. Cette négligence est imputée à un manque d'informations sur les nouveaux équipements et les types de data centers ainsi qu'à « une littérature sporadique et souvent contradictoire » sur l’efficacité énergétique.
Or, « le paysage des data centers a radicalement changé depuis 2010 » selon l’article de Science qui s’appuie sur la collecte de nombreuses nouvelles données : malgré une très forte hausse du trafic de données, des gains importants d’efficacité au sein des data centers auraient permis de limiter à 6% la hausse de leur consommation d’électricité au niveau mondial entre 2010 et 2018(2). La puissance nécessaire pour stocker un téraoctet de données aurait entre autres été divisée par 9 durant cette période(3).
La consommation d’électricité des data centers aurait ainsi été « sensiblement découplée » ces dernières années de la croissance du volume de données traitées au sein de ces installations. Les petits centres de données, majoritaires en 2010, ont laissé la place à des installations de grande taille (« hyperscale data centers ») et à un recours croissant au cloud permettant de « solliciter les centres de données à la pointe de l’efficacité énergétique ». Au total, « l’intensité énergétique des data centers dans le monde aurait diminué de 20% par an depuis 2010 », une progression spectaculaire par rapport à d’autres grands secteurs.
Une meilleure collecte des données de consommation jugée nécessaire
Les conclusions des chercheurs de la Northwestern University « contrastent fortement avec certaines prévisions récentes » alarmistes sur l’explosion de la consommation d’électricité liée au stockage des données (mais aussi aux infrastructures de réseaux et surtout au développement des appareils connectés dont les besoins croissants ne sont pas abordés dans cet article). Les chercheurs appellent toutefois les décideurs politiques et les opérateurs de data centers à « ne pas se reposer sur leurs lauriers ».
Ils recommandent entre autres de s'appuyer sur des réglementations en matière de consommation énergétique (à l’image du programme Energy Star aux États-Unis(4)) avec des incitations financières mais aussi d’augmenter les investissements en R&D dans les technologies de calcul et de stockage des données ainsi que sur le refroidissement des serveurs. De nombreuses innovations récentes pourraient être diffusées plus largement (data center connecté à des batteries usagées de voitures électriques, data center immergé en Écosse pour réduire les besoins de refroidissement, etc.).
Une meilleure collecte des données de consommation et leur diffusion sont nécessaires « pour supprimer les angles morts » et optimiser la consommation de ces installations. Notons par ailleurs que les auteurs de l’article de Science font la promotion des énergies renouvelables pour alimenter les data centers et faire ainsi baisser leur intensité carbone (dans les pays dont le mix électrique est fortement carboné).
Dans le futur, les gains potentiels d’efficacité sont difficilement prévisibles (notamment en raison des incertitudes autour de technologies de rupture comme les ordinateurs quantiques) mais les chercheurs envisagent un gisement d'économies d'énergie encore important à court terme.