Les excédents de stocks sur les marchés pétroliers sont « désormais en grande partie résorbés » selon IFP Énergies nouvelles. (©Anadarko)
Le président américain Donald Trump a annoncé le 8 mai le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, faisant monter le cours du pétrole. État des lieux.
Quel impact sur l’offre iranienne de pétrole ?
L’annonce de Donald Trump pose de nombreuses questions dont l’impact possible en matière d’offre sur les marchés pétroliers. Le ministre irakien du pétrole Djabar al Louaïbi a pour sa part estimé dès le 9 mai que « cette question n’affectera pas l’offre de pétrole du Golfe », en indiquant qu'elle serait discutée lors d’une réunion de l’OPEP à la fin du mois.
En revanche, de nouvelles sanctions américaines pourraient naturellement avoir des effets importants côté iranien, à commencer par une réduction des exportations de pétrole brut et de condensats « si un embargo est décrété avec une mise en œuvre envisagée en novembre », souligne Guy Maisonnier, ingénieur économiste au sein d’IFP Énergies nouvelles. Les analystes des marchés pétroliers évoquent « un impact de 0,3 à 0,5 million de barils par jour (Mb/j) en moins sur un total de 2,8 Mb/j » (actuellement principalement à destination de la Chine et de l’Inde). Pour rappel, les sanctions internationales contre Téhéran, imposées entre 2012 et 2015, avaient entraîné un recul de la production iranienne de près de 0,8 Mb/j sur cette période.
Les investissements dans les secteurs amont (exploration-production) et aval (raffinage et pétrochimie) pourraient également être affectés selon Guy Maisonnier, qui rappelle que « des montants de l’ordre de 60 milliards de dollars pour l’amont sur 9 ans » avaient été évoqués en 2016. « L’équilibre du marché pétrolier devrait être un peu plus tendu sous réserve des réactions de compensation, par exemple de l’Arabie saoudite », précise-t-il.
Le baril de Brent au-dessus de 75 $ en avril 2018
En avril 2018, le cours moyen du baril de Brent a dépassé 75 $, alors qu’il était encore inférieur à 50 $ en juillet 2015. Cette remontée des cours est en grande partie due à l’accord des pays membres de l’OPEP et de dix autres producteurs de pétrole (dont la Russie) sur le plafonnement de leur production pétrolière, ainsi qu’aux inquiétudes sur l’offre pétrolière (liées aux tensions géopolitiques).
Pour rappel, l’OPEP et la Russie se sont accordés en novembre 2017 sur une prolongation jusqu’à fin 2018 de leur accord pétrolier. « Le rééquilibrage du marché pétrolier est un long processus qui est maintenant dans sa quatrième année. C'est en chantier qui est toujours en cours et demande de la stabilité », a indiqué Mohammad Sanusi Barkindo, secrétaire général de l’OPEP.
En avril 2018, le prix du baril de Brent était encore inférieur de près de 32,5% au cours d’avril 2014. (©Connaissance des Énergies, d’après Ministère de la transition écologique et solidaire)
En début d’année, IFP Énergies nouvelles évoquait une fourchette de prix en 2018 comprise entre 55 $ et 70 $ par baril de pétrole. « La fourchette haute intégrait le risque sur l’Iran ainsi que sur le Venezuela mais pas la dégradation de la situation entre Israël et l’Iran », précise Guy Maisonnier. La stratégie et la cohésion de l’OPEP reste dans ces conditions « des facteurs décisifs pour orienter le prix du pétrole ».
Entente de l’OPEP et production américaine
A l’heure actuelle, « la politique OPEP/non OPEP est déconnectée des tensions régionales », juge Guy Maisonnier (les tensions de l’an dernier n’ont pas empêché de reconduire deux fois en 2017 l’accord conclu en novembre 2016). Mais la hausse des prix est susceptible de peser sur les déclarations ou les décisions à venir(1). Ces dernières pourraient en particulier dépendre du niveau d’entente entre Iran et Arabie saoudite sur la politique pétrolière à suivre.
L’équilibre des marchés pétroliers va également dépendre de l’offre des pays non-OPEP, une forte croissance de leur production étant attendue en 2018 (entre + 1,7 Mb/j selon l’OPEP et + 2,5 Mb/j selon l’EIA américaine). D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les États-Unis pourraient couvrir à eux seuls 80% de la hausse de la consommation mondiale de pétrole d’ici 2023. Les capacités américaines d’exportation de pétrole brut pourraient atteindre 5 Mb/j en 2020.
Rappelons par ailleurs que les investissements mondiaux dans l’exploration-production de pétrole et de gaz naturel ont légèrement augmenté en 2017, atteignant 390 milliards de dollars, après deux années de forte baisse. L’AIE s’est inquiétée à de nombreuses reprises de ce manque d’investissements dans l’exploration-production au cours des dernières années, dont les effets pourraient se faire sentir après 2020.
En 2017, près d’un quart des investissements mondiaux en E&P ont été réalisés en Amérique du Nord. (©Connaissance des Énergies, d’après IFP Énergies nouvelles)