En Suède, le projet Hybrit permet de produire de l'acier « décarboné » en ayant recours à de l'hydrogène. (©SSAB)
L’hydrogène « devra jouer un rôle important dans la transition vers la neutralité carbone », souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié le 4 octobre(1), à quelques semaines de la COP26.
État des lieux et scénario « Net Zero » de l’AIE
En 2020, la consommation mondiale d’hydrogène a avoisiné 90 millions de tonnes(2). La production de cet hydrogène provient quasi intégralement d’énergies fossiles(3) et a entraîné presque 900 millions de tonnes d’émissions directes de CO2 en 2020, soit environ 2,5% des émissions annuelles de CO2 liées à l’énergie et l’industrie dans le monde ou « l’équivalent des émissions combinées de l’Indonésie et du Royaume-Uni », rappelle l’AIE.
L’Agence estime toutefois qu’un développement massif de l’hydrogène est nécessaire dans le cadre de la transition énergétique mondiale : dans son scénario « Net Zero » (visant à atteindre « zéro émission nette » de CO2 dans le monde à l’horizon 2050), elle envisage que la consommation d'hydrogène au niveau mondial soit « multipliée par six par rapport aux niveaux actuels pour atteindre 10% de la consommation totale d'énergie finale d'ici 2050 ». Avec comme condition centrale que cet hydrogène soit produit de manière décarbonée, c’est-à-dire principalement par électrolyse en utilisant de l’électricité dont la production est elle-même décarbonée, ou en ayant recours à des dispositifs « CCUS » (capture, stockage et utilisation du CO2).
Des « signes encourageants » …
L’AIE rappelle que seuls le Japon, la France et la Corée du Sud disposaient d’une stratégie dédiée à l’hydrogène lorsque l’Agence avait remis un précédent rapport sur ce vecteur au G20 en 2019. Aujourd’hui, 17 gouvernements se sont dotés de plans « Hydrogène » (principalement axés sur la production bas carbone d’hydrogène)(4).
Parmi les « signes encourageants » témoignant des progrès de l’hydrogène, l’AIE souligne que les capacités d’électrolyse ont doublé au cours des cinq dernières années, dépassant 300 MW à mi-2021 (dont 40% en Europe) et pourraient, compte tenu des projets à différents stades de développement, s’élever à près de 90 GW à l’horizon 2030.
L’AIE présente l’hydrogène comme un « pilier de la décarbonation dans l’industrie » (citant notamment le projet pilote Hybrit de production décarbonée d’acier grâce à l’hydrogène en Suède(5)) mais souligne également les perspectives de développement dans les transports (routier(6), ferroviaire, maritime et aérien).
… Mais bien loin des perspectives de développement envisagées par l’AIE
L’AIE estime que l’électrolyse pourrait, si tous les projets annoncés à ce jour dans le domaine aboutissent, permettre de produire 8 Mt d’hydrogène « vert » par an en 2030. L’Agence souligne par ailleurs que plus de 9 Mt d’hydrogène « bleu » (à partir d’énergies fossiles mais avec CCUS) pourraient également être produits en 2030(7).
La production d’hydrogène bas carbone pourrait ainsi, compte tenu des projets déjà annoncés, avoisiner 17 Mt en 2030, contre 140 Mt dans le scénario Net Zero de l’AIE (dont 80 Mt par électrolyse). La demande mondiale d’hydrogène pourrait quant à elle atteindre entre 105 Mt (scénario tendanciel) et 200 Mt (scénario Net Zero) à l’horizon 2030 selon l’AIE.
« Une adoption beaucoup plus rapide de l'hydrogène bas carbone est nécessaire pour mettre le monde sur la voie d’un système énergétique durable d'ici 2050 », juge ainsi l’AIE qui appelle à accélérer la recherche dans le secteur et à renforcer la coopération internationale(8).
Le « défi » du coût de l’hydrogène bas carbone
Parmi les freins à un développement à grande échelle de l’hydrogène bas carbone figure son coût de production : selon les estimations de l'AIE, le LCOE de l’hydrogène produit à partir du gaz s’élève actuellement entre 0,5 et 1,7 $ par kilogramme (en fonction du prix du gaz selon les régions), le couplage de cette production avec des dispositifs CCUS rehausserait le prix à hauteur de 1 à 2 $/kg H2 tandis que la production d’hydrogène à partir d’électricité d’origine renouvelable coûterait entre 3 et 8 $/kg H2.
L’Agence internationale de l’énergie estime toutefois qu’une chute majeure des coûts de production par électrolyse est envisageable grâce aux progrès technologiques : elle envisage que ces coûts atteignent 1,3 à 3,5 kg H2 en 2030, puis entre 1 et 3 kg H2 à l’horizon 2050, rendant « la production d’hydrogène à partir du solaire photovoltaïque compétitive avec une production à partir du gaz » (même sans CCUS) dans plusieurs régions du monde.
Des incitations doivent néanmoins être mises en place pour favoriser la production bas carbone d’hydrogène, alerte l’AIE qui évoque entre autres une hausse du prix du carbone comme un outil efficace.