Originellement orientée vers la métallurgie et la sidérurgie, la ville de Bilbao fait figure de symbole de reconversion. (©2012)
Impalpable mais bel et bien présente, l’énergie des villes peut se manifester sous la forme d’un ressenti ou d’une âme émanant de ses habitants et des projets qui l’habitent. Elle peut aussi être abordée de manière plus conceptuelle. Hors des notions usuelles de production ou de consommation d’énergie, parcourons à travers 3 illustrations comment elle peut se traduire, stimuler la création ou s’en inspirer.
L’énergie des villes stimulée par la compétitivité et l’innovation
Nombreuses sont les villes qui, suite à l’ère industrielle prospère, ont cherché à se renouveler face au déclin de leur économie et à la migration de leur population. Comment redynamiser un territoire en perte de vitesse? Pour y répondre, certaines villes ont favorisé la constitution de pôles de compétitivité appelés « clusters ». Popularisée il y a 20 ans, cette notion peut se définir comme une « concentration sur un espace géographique donné d’un groupe d’acteurs inter-reliés (sociétés industrielles, organismes de recherche, d’enseignement supérieur et de valorisation) partageant une vision commune de la dynamique de croissance et une stratégie commune de développement économique ou technologique visant l’excellence et la visibilité internationale »(1). Le regroupement et l’intensification des interactions positives peuvent ainsi stimuler la compétitivité du territoire.
Par exemple, après l’explosion de la bulle internet début 2000, l’Etat de Californie et la ville de San Francisco ont fait le choix de mettre les cleantech au centre de leur stratégie de croissance. Ils ont repositionné le cluster de la Silicon Valley de l’informatique vers les biotechnologies et les énergies renouvelables.
Selon certains observateurs, l’alliance stratégique entre le territoire, les entreprises et les acteurs de la connaissance est susceptible d’optimiser la création de valeur. En structurant les métiers, le cluster devient l’architecte du développement des compétences et des connaissances productives(2).
L’énergie des villes portée par son aura culturelle
La ville créative peut aussi être une sorte de « label » visant à attirer les investisseurs, vision que défend Charles Landry dans son ouvrage The Creative City: A Toolkit for Urban Innovators. Selon lui, le rassemblement d’une classe créative (comme les artistes ou les écrivains) sur un territoire est moteur de croissance.
Face à la concurrence, les métropoles sont en quête de nouveaux modèles urbains qui les incitent à se réinventer. Prompt à attirer les populations les plus favorisées, le domaine de la culture constitue un de leurs leviers. Afin d’accroître leur aura, à l’international si possible, les grandes villes cherchent à asseoir leur identité par la création ou la réhabilitation d’un édifice culturel hors norme. Dans cette quête de symbole, celui-ci s’érige autour d’artistes icônes, d’architectes de renom ou de gigantisme démesuré, passant parfois du culturel au culte.
Ce phénomène est souvent assimilé au « syndrome Bilbao ». En dix ans, la création du musée Guggenheim a littéralement inscrit la ville de Bilbao sur la carte. Symbole de la métamorphose de la ville espagnole, le musée à l’architecture spectaculaire conçue par Frank Gehry rapporterait 230 millions d’euros chaque année à l’économie régionale(3).
Alternative aux puissances émergentes et à la migration industrielle, certaines villes misent sur ce nouvel eldorado culturel. Parfois perçue comme une instrumentalisation de la culture, cette voie ne fait pas toujours l’unanimité.
L’énergie des villes comme source de modélisation et d’inspiration
La ville peut également être le reflet ou l’instigateur d’idées, d’aspirations, de modes d’expression. L’agence BETC design souhaite aujourd’hui utiliser cette ressource : son « lab » développe actuellement un outil d’analyse permettant de décrypter les profils des villes comme Shanghai, New York ou Paris pour influencer le développements de produits ou la communication de marques internationales.
En s’inspirant de la ville comme incubateur de tendances, l’agence cherche à en capter l’essence, l’énergie et les mouvements. Elle en analyse la morphologie urbaine, les pratiques et les fantasmes pour que les marques puissent adapter leur produit en créant ou en cultivant une part de rêve qui fait écho à leur cible. Alors que Paris est notamment associée à une forme d’insouciance passive, une sophistication discrète et un univers pictural, New York s’impose par des composantes liées à la performance, l’affirmation de soi et la mobilité. L’application de ce concept, dans l’univers du maquillage par exemple, permet d’associer les Parisiennes à un univers poudré et lumineux, les New-Yorkaises à un style puissant et sculpté.
Diffuse et protéiforme, l’énergie créative des villes reste aussi difficile à capter qu’à définir. Comme en témoignent ces 3 illustrations loin d’être exhaustives, il en émerge cependant des thèmes récurrents. On retiendra parmi eux la quête d’identité et de singularité, la force des interactions mixtes et complémentaires, l’élan porté par l’avant-garde et l’innovation.