La COP22 s’est terminée le 18 novembre à Marrakech, après plus de dix jours de discussions marquées par l’élection en pleine Conférence de Donald Trump outre-Atlantique. (©flickr-UNclimatechange)
La conférence climat de Marrakech (Maroc) a eu lieu du 7 au 18 novembre 2016. Il s'agissait de la « COP22 », c'est-à-dire la 22e Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).
Contexte
Mi-octobre 2016, les 197 États signataires du protocole de Montréal se sont par ailleurs engagés à Kigali à réduire progressivement l'utilisation d'hydrofluorocarbures (HFC). Cette décision relativement peu médiatisée constitue un événement significatif dans la lutte contre le réchauffement climatique, sachant que ces gaz, principalement utilisés comme réfrigérants, ont un effet de serre très important1).
L’Accord de Paris est entré en vigueur en un temps record, le 4 novembre 2016 soit un mois après l’atteinte du seuil de ratification (55 pays comptant pour au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre) et moins d'un an après la COP21. Au début de la COP22, une centaine d'États ont alors ratifié l’accord de Paris(2).
Un certain nombre de pays ont de plus traduit en décisions politiques les ambitions affichées à Paris, comme le rappelle Carole Mathieu (chercheuse spécialiste des politiques climatiques au Centre Énergie de l’Ifri) qui cite notamment « la prolongation des crédits d’impôts pour les énergies renouvelables aux États-Unis, la fermeture de mines de charbon en Chine ou encore l’ambition de l’Union européenne de préciser au mois de décembre la répartition des efforts d’atténuation entre ses États membres pour les secteurs non-couverts par le marché carbone ».
Attentes un an après la COP21
« COP de l'action »
Le 12 décembre 2015, les 196 Parties à la Convention Climat des Nations Unies (195 pays et l’Union européenne) ont conclu un accord historique à Paris avec pour objectif commun de contenir « nettement en dessous » de 2°C l’augmentation de la température mondiale d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Un an plus tard, « on aurait pu craindre que l’enjeu climatique soit relayé au second plan après ce pic de mobilisation mais cela n’a absolument pas été le cas », constate à l'approche de la COP22 Carole Mathieu.
En amont de la COP21 à Paris, la quasi-totalité des Parties avaient fait part de leurs contributions nationales (INDC) à l’horizon 2025/2030 pour lutter contre le changement climatique. D'après les climatologues, la somme de celles-ci ne permettra toutefois pas d’atteindre la cible des 2°C (la trajectoire de réchauffement à l’horizon 2100 dépasserait 3°C)(3). Selon Réseau Action Climat-France qui fédère des ONG de lutte contre le changement climatique(4), la priorité est donc « d’inciter les pays à concrétiser et amplifier leurs actions de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, sans attendre 2020 ». Et il reste également à préciser entre autres les règles de transparence et modalités de suivi des objectifs nationaux(5).
Lors de la COP22, c’est ainsi la mise en œuvre de l’Accord de Paris et ses modalités concrètes qui doivent être débattues, raison pour laquelle certains qualifient la Conférence Climat de Marrakech de « COP de l'action ». « L’enjeu est d’ordre technique mais il reste essentiel car selon que des interprétations strictes ou souples sont retenues, l’accord de Paris peu gagner ou perdre en substance », insiste Carole Mathieu.
L’entrée en vigueur de l’Accord de Paris rend juridiquement possible l’adoption des règles de transparence dès la Conférence Climat de Marrakech mais « les pays auront très certainement besoin de plus de temps pour finaliser leurs discussions, avec comme cible 2017 ou 2018 pour une prise de décision », indique en amont de la COP22 Carole Mathieu.
Les financements au cœur de cette « COP africaine »
Dans son discours lors de la cérémonie d’ouverture à Marrakech(6), la présidente de la COP21 Ségolène Royal a fait de « la justice climatique et en particulier pour l’Afrique […] le grand défi de la COP22 ». La ministre française en charge de l’énergie a rappelé que ce continent était particulièrement affecté par le réchauffement climatique, signalant que 36 des 50 pays « les plus meurtris par le réchauffement se trouvent en Afrique subsaharienne ».
Dans ce cadre, la problématique des financements des pays du Nord en faveur de ceux du Sud reste incontournable. Une cible de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020(7) avait été confirmée lors de la COP21 (et de nouveaux objectifs plus ambitieux doivent être fixés pour 2025). « Aujourd’hui, les pays en développement attendent de la visibilité et des garanties sur la montée en puissance des financements climat », indique ainsi Carole Mathieu. La chercheuse rappelle que les discussions portent avant tout sur la méthode puisqu’il n’y a pas à ce jour de définition communément admise de la « finance climat ». D’autres questions se posent telles que la répartition des financements entre les programmes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation et l’accès à ces financements, un soutien administratif étant nécessaire pour les pays en voie de développement.
Pour rappel, sur les 915 millions d’habitants qui peuplaient l’Afrique en 2013, seuls 290 millions avaient accès à l’électricité (avec de grandes disparités entre zones urbaines et rurales). Compte tenu de la croissance démographique actuelle, le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'électricité augmente en outre plus rapidement que celui des habitants nouvellement connectés au réseau électrique (l'ONU envisage un quadruplement de la population de l'Afrique subsaharienne d'ici à 2100).
Une dynamique également liée aux initiatives en marge de la COP22
Si le succès de la COP21 avait été symbolisé par l’Accord de Paris, il avait également été le fruit des « milliers d’engagements pris à côté et qui ne sont pas dans l’accord », avait souligné l’an dernier Pascal Canfin, ancien ministre français chargé du développement et actuel directeur général de WWF France.
De nombreuses initiatives avaient été lancées lors de la précédente Conférence Climat à l’image de l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables ou de l’Alliance solaire internationale mais aussi de nombreuses actions de la société civile en marge de la COP21. Pour Carole Mathieu, « les territoires, la société civile et les acteurs privés sont désormais très impliqués dans ces grands rendez-vous climatiques et doivent profiter de l’attention politique et médiatique pour faire le point sur leurs engagements, se donner de nouveaux objectifs et renforcer le dialogue international ».
Résultat de la COP22
La COP22 précise le calendrier des négociations
Pour Ségolène Royal, présidente de la COP21, « les premiers échanges sur la transparence, le bilan mondial, les contributions nationales, les mécanismes de marché ont été constructifs, et ont permis de clarifier les objectifs » à Marrakech. En fin de Conférence, les 197 délégations se sont fixés pour objectif de finaliser ces discussions et les règles de mise en œuvre de l'accord de Paris en novembre 2018 lors de la COP24 en Pologne.
Près de 15 000 personnes sont attendues lors de la Conférence Climat de Marrakech. Ici, Salaheddine Mezouar et Ségolène Royal, respectivement présidents de la COP22 et de la COP21. (©flickr-UNclimatechange)
Les ONG dénoncent un manque d’ambition
Ségolène Royal a salué à l’issue de la Conférence le renforcement des engagements de plusieurs États comme la France qui a annoncé une objectif de « neutralité carbone » d’ici à 2050 ou d’autres pays ayant annoncé des stratégies de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre à cet horizon. À l’heure où l’élection de Donald Trump suscitait une certaine inquiétude à Marrakech, « irréversibilité, détermination, mobilisation ont été les maîtres mots des prises de parole », estime Ségolène Royal.
Du côté des ONG, c’est précisément le fait que les discours aient eu « le vent en poupe » davantage que les ambitions pour « accélérer les actions entre 2017 et 2020 », qui est mis en cause, explique la Fondation Nicolas Hulot. Selon elle, « les négociations n’ont pas permis d’aller plus vite et plus loin », la COP22 ayant « donné l’impression que les gouvernements avaient fait leur part et qu’il s’agissait maintenant de transférer la responsabilité de la mise en œuvre et de l’accélération de l’action aux acteurs économiques et non-étatiques ». « Les ministres et les négociateurs des pays développés sont venus les mains vides », dénonce également Armelle Le Comte d’Oxfam France.
Des alliances et coalitions en progrès
À défaut de progrès notables dans les salles de négociations, tous ont salué les progrès de certaines initiatives parallèles, à l’image de l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables qui bénéficiera de la signature d’une convention de partenariat avec la Banque africaine de développement.
Les pays les plus affectés par le changement climatique ont rappelé lors de la COP22 l’urgence d'une ambition plus forte, à l’image de 48 États membres du « Climate Vulnerable Forum » qui se sont engagés(8) lors du dernier jour de la Conférence à réviser à la hausse avant 2020 leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et à atteindre un mix énergétique 100% renouvelable « aussi rapidement que possible ». La question centrale des financements des pays du Nord aux pays du Sud reste plus que jamais d’actualité mais n’a pas connu d’avancée majeure malgré certains engagements (l'objectif reste de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, comme annoncé dès la COP15 de Copenhague en 2009).