Repsol avait pris le contrôle d’YPF en Argentine en 1999. (©Repsol)
La présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé, le 16 avril, l’expropriation partielle de la société pétrolière YPF. Le groupe espagnol Repsol, jusque-là détenteur de 57,4% des parts de l’entreprise, se voit contraint par cette décision de céder une importante part de ses actions à l’Etat argentin. Rappel des faits et perspectives.
Quelles sont les raisons de cette expropriation ?
L’Argentine a décidé lundi dernier d’exproprier 51% de l’entreprise YPF. Cristina Kirchner a présenté cette décision comme une « récupération » et non une « nationalisation » de la société pétrolière : une importante partie des actions de Repsol seront sujettes à expropriation afin que l’Argentine devienne l’actionnaire majoritaire de la société (51% du capital). Cette part sera elle-même répartie entre l’Etat argentin et les provinces productrices. Les actions en bourse et celles du groupe argentin Petersen ne sont pas concernées par l’expropriation partielle d’YPF. La société restera une société anonyme, dirigée par des directeurs professionnels.
Pour justifier l’intérêt public de cette décision, Buenos Aires a, entre autres, dénoncé le manque d’investissements de Repsol, une accusation démentie par le groupe espagnol(1). Le gouvernement argentin souhaite surtout que les compagnies pétrolières augmentent la production nationale, en baisse ces dernières années. En 2011, la facture argentine des importations d’hydrocarbures a augmenté de 110%, atteignant 9,4 milliards de dollars.
De plus, Repsol avait confirmé en 2011 la plus grande découverte de pétrole de son histoire sur le gisement de Vaca Muerta (nord du pays). Le groupe y a estimé ses réserves recouvrables d’hydrocarbures non conventionnels à près de 927 millions de barils (soit l’équivalent de 11 jours de production mondiale de pétrole). En 2011, la société YPF a produit 34% du pétrole et 23% du gaz naturel en Argentine.
Quelles sont les réactions à l’international ?
Le gouvernement espagnol a immédiatement condamné la décision argentine, d’autant plus fermement que les relations entre les deux pays étaient jusqu’ici très amicales. En 2011, l’Espagne était le premier pays investisseur en Argentine avec plus de 11,5 milliards d’euros(2)(Repsol mais aussi Telefonica, banques Santander et BBVA, Endesa et Gas Natural dans le secteur énergétique, etc.). Madrid a annoncé vendredi dernier une limitation des importations de biodiesel argentin et le ministre de l’industrie a promis de nouvelles mesures sans en préciser encore la nature.
Au Parlement européen, les eurodéputés ont massivement approuvé (par 458 voix pour, 76 voix contre et 16 abstention) une résolution déplorant la décision unilatérale et arbitraire ayant entraîné l’expropriation d’YPF. Les eurodéputés y rappellent les risques auxquels s’expose l’Argentine, sur le terrain diplomatique et commercial. La réprobation de cette annonce ne se borne toutefois pas à l’Europe. Le président mexicain Felipe Calderon a, entre autres, qualifié cette décision de « très peu responsable et très peu rationnelle ».
Notons que les menaces internationales n’ont pas empêché le gouvernement argentin d’élargir son projet d’expropriation, jeudi dernier, à la société de distribution de gaz YPF Gas, filiale également contrôlée par le groupe Repsol.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Un tribunal argentin est en charge de fixer le montant de la compensation financière à verser à Repsol. Le président du groupe espagnol, Antonio Brufau, a évalué à près de 10,5 milliards de dollars (8 milliards d’euros) la part de 57,4% détenue jusque-là dans YPF et pourrait réclamer un arbitrage international. Cette procédure risque d’être longue, comme en témoigne un précédent.
En mars 2006, le groupe français Suez Environnement avait vu résilier de manière unilatérale son contrat de concession pour la distribution d’eau potable à Buenos Aires. Le gouvernement argentin avait alors également invoqué un manque d’investissements. Sa responsabilité a été reconnue par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) en 2010 mais le montant du dédommagement n’est toujours pas fixé à ce jour.
Reste à voter la loi d’utilité publique officialisant l’expropriation d’YPF. Cette décision est soutenue par 62% de la population argentine selon un sondage publié hier par le quotidien La Nacion(3). Le projet de loi sera soumis au vote du Congrès argentin ce mercredi.