Tours aéroréfrigérantes de la centrale nucléaire de Cattenom. (©EDF-David Queyrel)
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, RTE, a présenté le 19 novembre, ses dernières prévisions sur les risques liés à l’approvisionnement électrique en France durant l’hiver 2020-2021(1).
Jusqu’à Noël, un risque « significativement réduit »…
Exercice rituel de RTE, le bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en hiver présente cette année (au moins) une inconnue supplémentaire de taille : la crise sanitaire qui a, côté demande, fait chuter la consommation française d’électricité d’environ 5% (par rapport aux projections d’avant-crise) et, côté offre, « profondément désorganisé » le programme de maintenance des réacteurs nucléaires avec le premier confinement, « entraînant des conséquences à plus long terme ».
Par rapport aux prévisions exposées au printemps dernier, RTE juge aujourd’hui la situation « significativement plus favorable » pour cet hiver 2020-2021. Le gestionnaire de réseau distingue toutefois 3 « périodes spécifiques » pour qualifier les risques pesant sur l’approvisionnement électrique français :
- de fin novembre 2020 aux vacances de Noël, un risque de tension « significativement réduit » (par rapport aux prévisions de RTE exposées en juin 2020) ;
- en janvier 2021, un risque « de même nature que celui des années les plus récentes, déjà placées sous vigilance » ;
- en février et jusqu’à début mars 2021, un risque « sensiblement plus élevé que les années passées ».
La consommation française d’électricité se situait « en retrait de 2 à 3% par rapport à son niveau habituel » en septembre-octobre 2020 et « d’environ 5% » début novembre avec le renforcement des contraintes sanitaires et le second confinement. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Météo et disponibilité des réacteurs nucléaires
La météo et la disponibilité du parc nucléaire (à l’origine de 70,6% de la production nationale d’électricité en 2019) jouent un rôle central pour estimer les risques pesant sur l’approvisionnement électrique. Au mois de novembre 2020, la probabilité d’une vague de froid durable est par exemple « plutôt faible », indique le président du Directoire de RTE Xavier Piechaczyk (sur la base des prévisions de « conditions météorologiques, conformes aux normales de saison » à 45 jours) et la disponibilité des réacteurs nucléaires est en augmentation (« 45 GW nucléaires disponibles aujourd’hui », potentiellement au-delà de 50 GW d’ici fin décembre).
Durant le restant de l’hiver, « aucune difficulté n’est à attendre si les conditions météorologiques sont normales pour la saison », affirme RTE. En revanche, le réseau pourrait être confronté à des difficultés d’approvisionnement en janvier et surtout en février 2021, en cas de vague de froid(2). Pour rappel, chaque degré en moins en hiver engendre un appel de puissance moyen sur le réseau de l’ordre de 2 400 MW selon RTE (soit l’équivalent de l’appel de puissance de Paris intra-muros)(3).
Les prévisions concernant le parc nucléaire en février et début mars 2021 sont des motifs supplémentaires de vigilance pour RTE : 13 réacteurs nucléaires seront à l’arrêt selon le planning actuel, dont 9 au mois de février, principalement pour maintenance (certains arrêts étaient déjà programmés en 2020 et, après avoir été reportés, « ne peuvent pas être encore repoussés » selon RTE)(4).
Les capacités nucléaires actuellement disponibles en France avoisinent 45 GW, « un niveau en retrait par rapport à la moyenne historique mais supérieur à celui des deux dernières années », indique RTE. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Hors nucléaire, RTE indique que les stocks hydrauliques ont atteint « leur niveau le plus élevé par rapport aux dix dernières années »(5). Le gestionnaire de réseau souligne également l’impact de la production éolienne, qui « contribue significativement à l’équilibre du système » électrique, bien qu’étant non pilotable : si le facteur de charge moyen de la filière est « d’un peu moins de 30% en hiver » (23% sur l’année), celui-ci peut toutefois « atteindre des valeurs notablement plus basses, même au cœur de l’hiver » et compliquer sensiblement la gestion de l’équilibre offre-demande sur le réseau.
RTE souligne par ailleurs que la France pourra pleinement disposer « courant décembre » de la nouvelle liaison « IFA2 » de l’interconnexion électrique avec le Royaume-Uni (d’une capacité de 1 GW), pour faciliter l'équilibrage sur son réseau.
Écowatt : RTE compte aussi sur vous...
En cas de besoin et selon les conditions évoquées précédemment (froid et niveau de production éolienne notamment), RTE peut avoir recours à des moyens « post marché » : appels aux éco-gestes citoyens (baisse potentielle de l’appel de puissance estimée à quelques centaines de MW), interruptibilité de la consommation de 18 sites industriels rémunérés (environ - 1 400 MW), baisse de la tension sur le réseau (jusqu’à - 4 000 MW). Et en dernier recours, des coupures tournantes localisées (délestages) de 2 heures maximum (« en protégeant les établissements sensibles comme les hôpitaux »).
Cette année, RTE a davantage insisté sur le rôle de la flexibilité de la demande dans la gestion du réseau électrique, avec le lancement au niveau national de l’outil « Écowatt » en partenariat avec l’Ademe. Ce dispositif d’engagement citoyen qui existe depuis plus de 10 ans en Bretagne doit «permettre aux Français d’agir sur leur consommation d’électricité et contribuer à la réduction des risques de coupure lors des périodes hivernales de consommation ».
Le site Écowatt est présenté comme une « météo de l’électricité pour une consommation responsable » : il présente le niveau de consommation électrique attendu en France sur 3 jours, en fonction des prévisions météorologiques (signal vert pour une consommation « raisonnable » jusqu'à signal rouge pour une consommation « trop élevé »). Cet outil « pédagogique » sensibilise ainsi le grand public à l’impact de sa consommation, à commencer par des gestes simples : si l’ensemble des foyers français éteignaient par exemple 1 ampoule, cela entraînerait au niveau national un effacement de consommation de 600 MW, soit l’équivalent de l’appel de puissance d’une ville comme Toulouse, souligne Maïté Jauréguy-Naudin, directrice Data & Innovation chez RTE en charge du dispositif.
Écowatt a vocation à prendre de l’importance dans les années à venir et permet in fine d'impliquer davantage les Français dans la transition énergétique (face à l'intégration croissante d'une production renouvelable non pilotable)(6).