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Raccorder les éoliennes en mer, les nouveaux réacteurs nucléaires, mais aussi remplacer des lignes vieilles de 70 ans... le réseau électrique français devra subir des travaux de modernisation évalués à environ 100 milliards d'euros d'ici 2040, selon un plan mis en consultation jeudi par RTE, le gestionnaire du réseau à haute tension.
"De l'ordre de 100 milliards"
Ce schéma décennal de développement du réseau (SDDR) "a pour but de garantir que le réseau public de transport d'électricité est adapté aux objectifs de politique énergétique fixés par l'État", explique RTE.
En 2019, il prévoyait un budget de 33 milliards d'euros à 2035.
Depuis, l'État a redéfini ses orientations, souligne le groupe public: relance du nucléaire, accélération des renouvelables, réindustrialisation via le développement de zones industrielles bas-carbone.
"En première analyse, les perspectives d'investissements d'ici 2040 sont de l'ordre de 100 milliards d'euros, en intégrant le renouvellement des infrastructures (...), aujourd'hui premier poste d'investissements de RTE", note le plan.
Ces dépenses passent notamment par la taxe d'acheminement de l'électricité (Turpe), payée par les consommateurs via leurs factures. Elles s'ajoutent à celles prévues par Enedis, qui gère le réseau de distribution moyenne et basse tension (96 milliards sur 2022-40).
Équipements vieillissants
La France compte 106.000 km de lignes de 63.000 à 400.000 volts, dont 6.000 km souterraines, et 2.800 postes électriques.
Plus de 20 % des lignes aériennes ont 70 ans, et l'âge général moyen est de 55 ans (supérieur aux autres réseaux européens).
Leur édification a connu trois périodes: après la Seconde Guerre pour la reconstruction (réseau à 225.000 volts); à partir des années 70 avec le boom de la production centralisée (charbon et surtout nucléaire) et du 400.000 volts; puis dès les années 2010 avec la transition énergétique.
Or à partir de 85-90 ans, les équipements sont à remplacer pour raisons de vétusté, note-t-on chez RTE.
Ce programme de renouvellement est déjà engagé. Un "plan corrosion" est en cours depuis 2020 pour remplacer les pylônes.
Résister au réchauffement climatique
L'enjeu concerne les ouvrages futurs, mais plus encore les équipements existants. Les hausses de température et les tempêtes sont un sujet pour la résistance des lignes, les inondations pour les postes électriques.
Après les tempêtes de 1999, RTE a lancé un "programme de sécurisation mécanique" de quinze ans pour 2,7 milliards d'euros. Il assure actuellement la résistance à des vents de 180 km/h, et "a montré son efficacité lors du passage des tempêtes Ciaran et Domingos en 2023".
RTE prévoit aujourd'hui de renouveler en priorité les ouvrages combinant enjeux de vétusté et d'adaptation au réchauffement.
Nouveaux consommateurs
Autre volet du chantier, un programme de raccordements "sans précédent", pour électrifier de nouvelles industries (usines de batteries...) à Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre-Port-Jérôme... Objectif, renforcer le réseau à haute tension avant 2030.
Pour la production renouvelable terrestre (éolien et photovoltaïque), le mouvement est déjà à l'oeuvre, avec des infrastructures de raccordement attendues sur tout le territoire avant 2035.
Pour le nucléaire, il est d'abord prévu de raccorder durant la seconde partie de la décennie 2030 quatre réacteurs (Penly et Gravelines), ainsi que de futurs "petits" réacteurs (SMR) en cours de conception, note RTE.
Pour l'éolien en mer, quatre parcs étaient raccordés à fin 2023, mais une nette accélération est prévue avec 18 GW (une vingtaine de parcs) à mettre en service d'ici 2035, impliquant "un programme industriel" de raccordement.
Défis
"Il n'est plus possible de différer les renforcements structurels sur le réseau au risque de ne pas pouvoir raccorder les projets", avertit RTE.
Le gestionnaire du réseau appelle aussi les acteurs à mieux anticiper pour mutualiser les équipements, dans cette consultation destinée notamment aux territoires, fournisseurs de matériaux, porteurs de projets...
Il faudra "un plan industriel pour renforcer la capacité de l'industrie européenne en général, et française en particulier, à produire les matériels nécessaires", ajoute RTE, qui note que les délais de livraison ont triplé entre 2021 et 2023 pour les câbles ou les transformateurs.
Une fois la consultation close, le 30 avril, le plan de RTE sera soumis notamment à l'État, à la Commission de régulation de l'énergie et à l'Autorité environnementale.