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Réduire pour le deuxième hiver de suite la consommation de gaz, d'électricité et de carburants en France s'annonce difficile faute d'avoir anticipé les investissements, soulignent responsables et observateurs de l'approvisionnement énergétique, avant un colloque organisé jeudi par le gouvernement pour que l'effort ne se relâche pas.
L'an dernier, les messages de sobriété ont d'autant plus porté que l'envolée des tarifs dans toute l'Europe a poussé les ménages et les entreprises à se restreindre d'eux-mêmes. Mais peut-être moins en France qu'ailleurs, en raison du "bouclier" financé par l'État qui a permis de limiter les hausses de tarif: selon l'institut Bruegel, la France est dans la deuxième moitié des pays européens ayant le plus économisé de gaz en 2022.
Le ministère de la Transition énergétique entend relancer le sujet jeudi avec de nombreux intervenants, de Google France aux représentants des salles de cinéma ou du bâtiment. L'hiver dernier, le risque de coupures de courant lié à une production nucléaire insuffisante d'EDF avait été une incitation supplémentaire à la discipline.
Pourra-t-on faire plus cet hiver ? "Je ne suis pas certain qu'on soit capable de franchir dans deux mois une marche supplémentaire", estime Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz. "L'hypothèse est plutôt le maintien du niveau de consommation observé l'année dernière", dit-il à l'AFP. Il ne s'attend cependant pas non plus à un relâchement car "les gens ont tous été très sensibilisés aux prix du gaz et de l'électricité et ont tendance à considérer qu'il faut faire attention".
Gestionnaire du réseau français de gaz, GRTgaz chiffre la baisse de la distribution publique de gaz, hors industries et centrales à gaz, à - 9,5% entre le 1er août 2022 et le 31 juillet 2023 en données corrigées du climat, par rapport à la même période 2018-2019. Sur la même période, RTE, qui pilote les besoins français en électrification, estime la baisse de consommation à - 7,4%, par rapport à 2014-2019.
Pour les carburants, en revanche, "on n'est pas du tout dans les clous", souligne-t-on au groupement français des distributeurs de pétrole (Ufip). "Quel que soit le prix, la demande ne bouge pas, et on est sur une tendance à -1% par an des consommations de carburants alors qu'on devrait être à -5% pour tenir les objectifs de baisse de la demande en énergies fossiles" responsables du dérèglement climatique.
Le retour des 19°C
Que faire? Il y a les gestes simples, éteindre la lumière, chauffer à 19°C. D'autres leviers existent, notamment dans les commerces et les bureaux, souvent cités comme le maillon faible de la déperdition d'énergie, mais ces changements ne s'improvisent pas.
Si les investissements n'ont pas été engagés à la belle saison, "il n'y a pas de raison que l'hiver soit différent", prévient M. Trouvé. Tout compte : poser des portes aux meubles réfrigérés, superviser les consommations, piloter la ventilation, le chauffage ou l'éclairage.
Le tertiaire représente 30% de la consommation électrique en hiver, et pourrait selon RTE faire "20% d'économies sans d'énormes efforts" avec "un peu de prise de conscience et de la gestion technique". Dans le logement, il n'est jamais trop tard à l'hiver, mais la rénovation énergétique est victime de l'envolée de ses coûts et d'un reste à charge trop élevé pour les ménages.
Le marché des chaudières, des radiateurs et même des pompes à chaleur enregistre "un coup de frein" depuis janvier, constate le syndicat des industries thermiques Uniclima. "Les actions de sobriété semblent s'être poursuivies au printemps et à l'été", assure RTE qui croit qu'elles seront "amplifiables, y compris dès cet hiver".
En juin, RTE avait calculé que le thermostat avait baissé l'hiver dernier de 0,6°C, au travers d'une enquête inédite auprès de milliers de répondants. Il avait aussi mesuré qu'une part croissante des Français déclaraient se chauffer à 19°C ou moins, permettant d'atteindre 50% de la population respectant la consigne de chauffe. Reste donc l'autre moitié à convaincre, alors que la méconnaissance de la température des logements demeure, selon RTE, "importante".