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"Déterminé" mais affaibli par des révélations de repas fastueux lorsqu'il présidait l'Assemblée, François de Rugy défend mardi au Sénat le projet de loi énergie et climat qui décrète "l'urgence climatique" mais laisse les organisations environnementales sur leur faim.
Le numéro deux du gouvernement, qui doit s'entretenir mardi matin avec Édouard Philippe pour "leur réunion de travail bimensuelle habituelle", selon son entourage, devra aussi passer sur le gril des députés lors des questions au gouvernement. "Il va se faire défoncer, tout le monde va y aller contre lui et à juste titre", prophétise un député LREM qui prévient : "Lorsqu'on nous demandera d'applaudir à ses réponses, on se planquera".
M. de Rugy bénéficie pour l'heure du soutien de l'exécutif. De Belgrade où il était en visite, Emmanuel Macron a dit avoir "demandé au Premier ministre d'apporter toute la clarté" sur cette affaire afin de prendre des décisions sur la base "de faits", estimant que "sinon, ça devient la République de la délation". Et le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, a, en écho, pris mardi sa défense en mettant en garde contre le "tribunal médiatique" qui "cloue au pilori" un responsable politique sur "une photo, un article plein de suspicion".
Christian Jacob, le patron des députés LR, a en revanche mis la pression : "soit il est sorti du cadre, et il le sait pertinemment, et je pense que le président et le Premier ministre le savent pertinemment, et à ce moment-là il en tire toutes les conséquences, soit il n'est pas sorti du cadre et l'affaire est terminée".
Le ministre s'est défendu tout le week-end après des informations en cascades de Mediapart, photos à l'appui, concernant des dîners de gala organisés lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale. Il est "déterminé" à poursuivre son travail, dit son entourage et a bien l'intention de soutenir au Sénat ce projet de loi énergie et climat, essentiel pour le gouvernement.
Si députés et sénateurs parviennent à se mettre d'accord sur un texte commun à l'issue de l'examen au Sénat, prévu jusqu'à jeudi, le projet de loi pourra être définitivement adopté fin juillet. La "petite loi énergie", qui a beaucoup grossi lors de son passage à l'Assemblée nationale, passant de 8 à 55 articles, décrète "l'urgence écologique et climatique" et fixe plusieurs objectifs ambitieux : la "neutralité carbone" à l'horizon 2050, une baisse de 40% de la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030, contre 30% précédemment, la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022.
Le texte entérine le report de 2025 à 2035 de l'objectif de ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% contre plus de 70% aujourd'hui. Il pérennise le Haut conseil pour le climat instauré en novembre par Emmanuel Macron et prévoit des dispositifs de lutte contre les fraudes aux certificats d'économies d'énergie (CEE).
Les députés ont en outre introduit un dispositif progressif sur la rénovation énergétique des logements et les "passoires thermiques", ces quelques sept millions de logements mal isolés, pour moitié en locatif. Pour le ministre, le projet de loi "répond à une attente citoyenne forte" et "s'inscrit dans une action de longue durée".
« Logements passoires »
Mais le rapporteur de la commission des Affaires économiques, Daniel Gremillet (LR), regrette une "petite" loi par "son absence de vision stratégique à long terme".
En commission, les sénateurs ont "cranté" des objectifs chiffrés supplémentaires "réalistes" pour le développement des énergies renouvelables : au moins 27 gigawatts (GW) d'hydroélectricité en 2028, développement d'au moins 1 GW par an d'éolien en mer, posé et flottant, jusqu'en 2024 et 8% de biogaz en 2028 pour s'assurer que l'objectif des 10% en 2030 sera bien tenu.
Comme à l'Assemblée, le dossier des "passoires thermiques" devrait donner lieu à des débats animés. Des ONG ont déjà regretté une absence "d'obligation ferme", selon les termes de la Fondation Hulot.
En commission, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements pour renforcer encore l'information des locataires et des acheteurs et pour rendre certaines obligations plus progressives.c"La contrainte s'avère souvent à la fin contre-productive, notamment parce qu'elle sort un grand nombre de logements du marché", argumente le rapporteur Gremillet.
À gauche, on crie à l'urgence. Pour Fabien Gay (CRCE à majorité communiste), "il faut un plan Marshall". Le PS réclame "un plan d'envergure" et déplore que les sanctions soient différées à 2028.