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Grand pays de l'industrie nucléaire, la France s'est lancée avec retard dans la course pour développer un petit réacteur, qui reste à l'état d'esquisse mais pourrait avoir de beaux jours devant lui selon ses promoteurs.
Le secteur s'intéresse de plus en plus au développement de petits réacteurs modulaires, connus sous leur acronyme anglais SMR (pour "small modular reactors"). Leur puissance ne dépasse par les 300 mégawatts, contre plus de 1 000 MW pour les réacteurs nucléaires classiques, mais plusieurs peuvent être regroupés pour augmenter la puissance. Ils sont conçus pour être fabriqués en série en usine puis transportés sur le lieu de leur exploitation.
Gros avantage : leur construction reste relativement simple, en contraste avec les difficultés de certains grands projets, à l'image du chantier du réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR de Flamanville (Manche) qui accumule retards et surcoûts.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dénombre une cinquantaine de projets de SMR dans le monde, dont certains bien avancés : la Russie a même déjà lancé une première centrale nucléaire flottante.
La France en est encore loin, mais a un avant-projet baptisé "Nuward", porté par le CEA, EDF, Naval Group et TechnicAtome. Il doit être développé jusqu'en 2022 avant une phase plus avancée jusqu'en 2025 environ. "Il y aura alors des décisions assez lourdes à prendre pour le gouvernement, y compris d'ailleurs s'il y a lieu d'enclencher sur un site français - ce qui sera peut-être décidé le moment venu - la création d'un premier de série", souligne Loïc Rocard, PDG de Technicatome, qui conçoit notamment les réacteurs nucléaires compacts des sous-marins.
Chez EDF, on souhaite "lancer la construction d'un démonstrateur de SMR en France à horizon 2030, qui serait une vitrine de notre savoir-faire pour soutenir l'exportation de cette technologie par la suite". Le projet bénéficie d'un soutien public dans le cadre du plan de relance: une petite partie des 470 millions d'euros destinés à la filière nucléaire est réservée au SMR.
Un « choix audacieux » ?
"On est encore en phase amont d'un marché en devenir auquel beaucoup d'acteurs et de pays croient, mais qui n'existe pas encore concrètement", tempère Loïc Rocard. Mais "si on a un produit, il a des chances de trouver un marché", notamment celui du remplacement des centrales à charbon. L'arrêt de ces dernières, très émettrices de CO2 et polluantes, est crucial dans la lutte contre le changement climatique.
La solution des SMR n'est pas envisagée à court terme pour la France, qui pourrait renouveler son parc nucléaire vieillissant avec des EPR optimisés (EPR2). La décision ne sera prise que lors du prochain quinquennat. Mais de manière inattendue, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, vient de vanter devant le Sénat le "choix audacieux" des petits réacteurs.
"S'il y a un choix de nouveau nucléaire qui est fait par le gouvernement, c'est certainement une option qu'il faut regarder parce qu'elle présente des avantages en termes de sûreté supérieurs à ce que l'EPR2 peut aujourd'hui offrir", a-t-il déclaré. "Un SMR pourrait aller beaucoup plus loin en termes de garanties sur la sûreté." La sûreté des petits réacteurs, plus simples, est en effet dite "passive" : elle repose sur des phénomènes naturels comme la gravité et non sur des mécanismes complexes avec des pompes, etc.
Faut-il imaginer un jour un parc de SMR en France ? "Ça semble très prématuré", juge Nicolas Goldberg, du cabinet Colombus Consulting. "Le principal sujet pour construire ou non des réacteurs nucléaires en France aujourd'hui n'est pas la taille ou la sûreté. C'est la capacité à faire ou le coût." Or les SMR produisent une électricité beaucoup plus chère et, surtout, ils sont pour l'essentiel au stade de la recherche et développement.
Du côté d'EDF, on souligne que Nuward "est prioritairement destiné à l'export mais rien n'exclura à terme d'utiliser cette technologie en France". Toutefois, ce n'est pas la priorité : la filière propose dans l'immédiat "la construction de 3 paires d'EPR2, une solution aujourd'hui disponible".