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Sur les bords de la Loire, le réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux a arrêté de livrer ses megawattheures pour accueillir une armée de travailleurs au service d'un chantier gigantesque: l'heure est au "check-up complet" pour lui permettre de produire dix ans de plus, avec le changement climatique en ligne de mire.
Dans la salle des machines, grande cathédrale où l'électricité jaillit de la vapeur au bout du turbo-alternateur, les opérateurs s'affairent au milieu d'échafaudages et de pièces monumentales désossées.
Pour ce "contrôle technique" géant, la centrale accueillera jusqu'à 2.700 salariés en simultané, au lieu d'un millier habituellement.
"En ce moment, la centrale a un niveau de sûreté plus élevé qu'au moment de sa mise en service" en 1983, assure Sylvie Richard, directrice du "Grand Carénage", ce vaste programme lancé en 2015 par EDF pour moderniser et prolonger la vie des centrales au-delà de 40 ans.
Dans le parc d'EDF, dix réacteurs du palier de puissance 900 MW ont terminé avec succès leur quatrième visite décennale. Celle de Saint-Laurent, du même palier, a commencé le 21 janvier pour durer 7 mois.
L'enjeu est crucial pour ces centrales quarantenaires, les plus anciennes du parc de 56 réacteurs: obtenir le permis d'exploiter de l'Autorité de sûreté nucléaire pour dix ans de plus. Pour y parvenir, 17.000 opérations sont prévues, pour un investissement "cinq fois plus élevé que lors du dernier examen périodique" en 2013, souligne le directeur du site, Nicolas André.
Le réacteur subit d'abord 3 tests règlementaires: outre l'inspection de la cuve en inox sous toutes les coutures, sont prévus une épreuve hydraulique du circuit primaire et un test sur l'enceinte de confinement en béton, qui empêche la fuite des produits radioactifs à l'extérieur en cas d'accident.
"L'enceinte est gonflée à l'air pressurisé pour en vérifier l'étanchéité", explique Arnaud Besnard, coordinateur de la maintenance dans le bâtiment réacteur.
Au programme aussi: de gros travaux de maintenance comme le remplacement des rotors du turbo-alternateur et l'ajout de systèmes de refroidissement supplémentaires et d'un stabilisateur de corium, pour récupérer une fuite accidentelle de combustible en fusion sous le réacteur.
Prochain chantier, le climat
Le vaste chantier de la prolongation est au cœur du Grand Carénage, dont le coût cumulé des première (2015-2021) et seconde phases (2022-2028) se chiffre à 66 milliards d'euros. "C'est le plus gros programme industriel depuis la création d'EDF", en 1946, résume Sylvie Richard.
Sur sa première phase, 800 modifications ont été réalisées, issues des retours d'expérience nationaux et internationaux, en particulier de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011. Elles incluent la construction de capacités de secours en eau et en électricité pour faire face à une rupture d'alimentation qui menacerait le refroidissement de l'installation.
"C'est un gros atout en vue de la poursuite d'exploitation", souligne Sylvie Richard. Le gouvernement l'a acté: outre la construction d'au moins six nouveaux réacteurs EPR2, les réacteurs devront être prolongés au-delà de 50 ans si possible. "Ce n'est plus un tabou, d'autres pays le font", relève Sylvie Richard en référence aux États-Unis.
EDF planche d'ailleurs déjà sur le programme des cinquièmes visites décennales pour les centrales qui atteindront les 50 ans en 2029. "Nous l'avons qualifiée de visite décennale du changement climatique" car "elle va intégrer des scénarios importants qui devront apporter la démonstration de la performance de nos matériels", souligne la directrice Grand Carénage.
EDF assure ne pas partir "de zéro": "toutes les centrales ont eu des évolutions notables pour résister à des agressions - inondations, tempêtes de neiges, tornades", ajoute-t-elle.
"On améliore aussi la performance des systèmes de refroidissement des centrales", qui représente le troisième poste de consommation d'eau du pays (12%) et le grand sujet posé par le réchauffement climatique dans le nucléaire.
Dans un rapport du 21 mars, la Cour des Comptes a ainsi appelé EDF à "renforcer ses recherches" sur ces systèmes pour qu'ils soient plus "sobres en eau", constatant qu'"aucune innovation" n'était mise en oeuvre sur le parc existant et, plus encore, "l'absence d'évolution marquée" pour les futurs EPR.
Jeudi, le président Emmanuel Macron a promis des investissements dans le nucléaire "pour faire des économies d'eau", sans les chiffrer.