- AFP
- parue le
Chargée de vérifier sur le terrain l'application par Téhéran de l'accord nucléaire de 2015, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pourra continuer de s'acquitter de cette mission malgré l'annonce par l'Iran mercredi qu'il cesserait de limiter ses stocks d'eau lourde et d'uranium enrichi.
Pourquoi l'AIEA ?
Créée en 1957 et basée à Vienne, c'est l'agence de l'ONU en charge des technologies nucléaires. Comptant 171 pays membres et employant 2 500 experts, elle joue notamment le rôle de "gendarme du nucléaire" chargé de veiller au respect du Traité de non-prolifération (TNP) et de détecter d'éventuels programmes militaires clandestins.
Quel régime d'inspection ?
Les inspections de l'AIEA en Iran sont essentiellement régies par le Protocole additionnel au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), protocole auquel Téhéran a accepté de souscrire à nouveau dans le cadre de l'accord de Vienne. L'AIEA peut ainsi visiter, y compris de façon inopinée, tous les sites nucléaires du pays ainsi que tout site non nucléaire dont elle juge utile de vérifier l'activité.
Les autorités iraniennes se sont notamment engagées à faciliter le contrôle des mines et des installations de traitement de l'uranium, et à autoriser une surveillance continue de la fabrication de centrifugeuses et des lieux de stockage.
Tant que la République islamique ne revient pas sur ce protocole, la latitude d'inspection des experts de l'AIEA reste inchangée. L'Iran avait déjà souscrit une première fois au Protocole additionnel en 2003, avant de le dénoncer en 2006 après avoir été déféré devant le Conseil de sécurité de l'ONU en raison de ses activités d'enrichissement d'uranium.
Quels moyens de vérification ?
L'AIEA a souligné à maintes reprises que le régime d'inspection en place en Iran depuis 2015 est le plus dur au monde.
L'agence souligne que son personnel dédié au contrôle de l'Iran a "doublé depuis 2013", avec 3.000 journées de travail passées chaque année sur le terrain, plus de 2.000 scellés posés et un nombre de caméras de surveillance multiplié par deux depuis 2013. Plus de 25 visites inopinées ont été conduites.
"Nous enregistrons et analysons des centaines de milliers d'images prises tous les jours (...) représentant plus de la moitié des images collectées dans le monde" par l'agence, a souligné le Japonais Yukiya Amano, patron de l'AIEA depuis 2009.
Rapports trimestriels
L'agence publie tous les trois mois un rapport d'étape sur l'application du traité par la République islamique. Elle a pour l'instant toujours attesté que l'Iran restait dans les clous, et notamment que Téhéran n'enrichissait pas d'uranium à des degrés prohibés et ne constituait pas de stocks nucléaires illégaux.
L'Iran avait accepté de limiter son stock d'eau lourde à 130 tonnes maximum et ses réserves d'uranium enrichi (UF6) à 300 kg. Il a par ailleurs renoncé à enrichir l'uranium à un taux supérieur à 3,67%.
Après les annonces de Téhéran, l'AIEA pourra comme jusqu'à présent "suivre chaque évolution, jour après jour", souligne Robert Kelley, de l'Institut international de Stockholm pour la recherche sur la paix (Sipri). "Tout le monde saura exactement ce qui se passe", relève-t-il.
Pressions
Organe indépendant chargé d'une supervision technique, l'AIEA n'en est pas moins régulièrement soumise à des tentatives de pressions politiques dans ce dossier à haute portée diplomatique, notamment de la part d'Israël et des Etats-Unis. Washington a dénoncé unilatéralement l'accord il y a un an.
En septembre 2017, Nikki Haley, alors ambassadrice américaine auprès de l'ONU, avait mis en doute l'efficacité des inspections, estimant que l'AIEA ne pouvait pas intervenir "à tout moment, partout".
Un an plus tard, lors de l'Assemblée générale de l'ONU, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait exigé que l'agence inspecte "immédiatement" un site désigné par l'Etat hébreu comme "un site de stockage atomique secret". M. Amano avait répliqué en soulignant que son agence n'entendait pas se laisser dicter sa conduite et oeuvrait en toute "indépendance", gage de sa "crédibilité".
Les autres pays signataires de l'accord nucléaire ont jusqu'à présent toujours salué la qualité du travail effectué par l'AIEA en Iran. M. Amano a souligné que l'accord de 2015 représentait "un avantage significatif" en termes de vérification et que son éventuel échec signifierait "une grande perte" dans la capacité de la communauté internationale à garantir la nature strictement pacifique du programme nucléaire iranien.