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Dix ans après la catastrophe de Fukushima, le nucléaire, qui fournit au monde environ 10% de son électricité, divise plus que jamais. Entre abandon allemand et essor chinois, coûts en hausse et transition énergétique, tour d'horizon d'un secteur à l'avenir difficilement prévisible.
Un nombre de réacteurs en déclin
"Globalement, c'est une industrie qui était en crise grave avant que les événements de Fukushima arrivent", la faute à la fois à un coût de départ élevé, et aux inquiétudes sur la sûreté, estime Mycle Schneider, consultant et auteur d'un rapport annuel critique sur le secteur. "Cette crise s'est aggravée de façon considérable depuis ce moment-là", poursuit-il.
À fin 2020, 412 réacteurs étaient en service dans 33 pays, pour une puissance installée de 367,1 gigawatts (GW), selon ses chiffres (443 réacteurs nucléaires sont « opérationnels » dans le monde au 4 mars 2021 selon les données de l'AIEA(1)). Ils étaient encore 429 à travers le monde à la fin 2010. La puissance installée a cependant modestement progressé (elle s'établissait à 365,3 GW fin 2010), car les nouveaux réacteurs tendent à être plus puissants, et des installations existantes ont été dotées d'équipements plus performants.
Le nucléaire représente environ 10% de la production d'électricité dans le monde, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Des projets concentrés en Chine
Sur la décennie 2011-2020, la Chine a concentré 25 des 57 mises en construction de réacteurs recensées à travers le monde.
Mais Fukushima "a été un choc profond pour les décideurs en Chine, et cela a conduit, si ce n'est à un arrêt brutal, à un ralentissement considérable des ambitions en matière nucléaire en Chine", note Mycle Schneider.
Quatre nouveaux pays se sont toutefois lancés dans l'atome sur cette période : Bangladesh, Belarus, Émirats arabes unis et Turquie. D'autres pays - notamment ceux qui dépendent encore du charbon très polluant - souhaitent aussi se lancer (Pologne), ou veulent développer un secteur nucléaire déjà existant (République tchèque).
À l'inverse, l'Allemagne s'est donné jusqu'à 2022 pour sortir du nucléaire après l'accident de Fukushima. La Suisse en a décidé de même, tout en maintenant dans l'immédiat certains sites. La Belgique vise pour sa part une sortie à l'horizon 2025.
Coûts et avantages
Outre les problèmes inhérents qu'il soulève (sûreté, déchets...), le nucléaire est de plus en plus concurrencé par les énergies renouvelables, devenues bon marché. Et le secteur a été contraint d'adopter de nouvelles mesures de sûreté après Fukushima, le rendant plus coûteux. Les coûts de l'éolien et du solaire ont ainsi baissé de 70% et 90% respectivement sur la période 2009-2020, selon les calculs de la banque Lazard. Sur la même période, ceux du nucléaire ont augmenté de 33%, selon la même source.
Le nucléaire a toutefois toujours ses adeptes, qui soulignent qu'il s'agit d'une source d'énergie très peu émettrice de CO2 et pilotable, c'est-à-dire qui peut être mobilisée en fonction des besoins - à l'inverse du vent ou du soleil. L'AIE défend régulièrement son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique, aux côtés des renouvelables. "Une série de technologies, comprenant l'électricité nucléaire, sera nécessaire pour des transitions vers des énergies propres à travers le monde", juge l'agence, qui conseille des pays développés sur leur politique énergétique.
Difficile de dire de quoi seront faites les prochaines décennies. D'ici 2050, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) prévoit que la capacité nucléaire mondiale pourrait augmenter de 82% dans son hypothèse haute... ou décliner de 7% dans son hypothèse basse.
Les pistes pour l'avenir
Après une certaine course au gigantisme avec des réacteurs de plus en plus puissants, l'industrie nucléaire s'intéresse aujourd'hui beaucoup aux petits réacteurs modulaires ou SMR ("small modular reactors"). Il s'agit de réacteurs dont la puissance ne dépasse par les 300 mégawatts (MW), contre plus de 1 000 MW pour les réacteurs actuels.
Ils sont conçus pour être fabriqués en série en usine puis transportés sur le lieu de leur exploitation. Ce concept, déjà appliqué en Russie, intéresse notamment les États-Unis (qui détiennent déjà le plus grand nombre de réacteurs au monde, tous types confondus), la France (qui tire presque 70% de son électricité de l'atome, record mondial), et le Royaume-Uni.
Plusieurs pays travaillent par ailleurs à des réacteurs de quatrième génération, dont l'un des objectifs est notamment de minimiser les déchets.
Sources / Notes