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Dysprosium, néodyme, cérium... les terres rares, dont un important gisement vient d'être découvert en Suède, sont des métaux stratégiques car indispensables à l'économie de demain, en particulier pour les grandes technologies de la transition énergétique.
D'où viennent ces métaux ?
Les terres rares sont composées de 17 matières premières, découvertes à la fin du XVIIIe siècle en Suède, et possédant chacune des propriétés différentes. Ces éléments ont été regroupés sous une même appellation, car souvent présents dans les mêmes sols.
Une fois le minerai récupéré dans la terre, il doit faire l'objet d'un traitement de "séparation", le fait de distinguer les différents minéraux, par le biais d'opérations chimiques impliquant parfois des acides.
Sont-elles vraiment rares ?
Elles sont en fait plutôt abondantes sur la planète. Avant la découverte suédoise annoncée jeudi (un million de tonnes d'oxydes de terres rares estimé), l'US Geological Survey évaluait à 120 millions de tonnes les réserves mondiales, dont plus du tiers, 44 millions de tonnes, situées en Chine, 22 millions au Vietnam, 21 millions au Brésil, 12 millions en Russie et 7 millions en Inde.
"Plus la demande progresse pour ces matières premières, plus les gens en cherchent et plus ils en trouvent. Le problème est davantage dans la relation entre le coût d'extraction et le prix de marché", analyse John Seaman, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Or la demande devrait continuer à augmenter. Pour remplacer les hydrocarbures et atteindre la neutralité carbone en 2050, l'UE aura besoin à cette date de 26 fois plus de terres rares qu'aujourd'hui, a calculé l'université KU Leuven pour Eurométaux, l'association européenne des producteurs de métaux.
Qu'ont-elles de si particulier ?
Chacun de ces minéraux a son utilité pour l'industrie, entre l'europium utile aux écrans de télévision, le cerium destiné au polissage du verre ou le lanthane pour les catalyseurs dans les moteurs à essence.
On peut en trouver aussi bien dans un drone, une éolienne, un disque dur, un moteur de voiture électrique, une lentille de télescope ou un avion de chasse.
"Certains de ces éléments sont plus ou moins irremplaçables, ou alors à des coûts élevés", note John Seaman auprès de l'AFP.
Irremplaçables parce que leurs propriétés sont parfois uniques, ils sont par exemple privilégiés pour fabriquer les aimants permanents des éoliennes en mer, grâce aux qualités du néodyme et du dysprosium. Une fois installés, les aimants nécessitent peu d'entretien et affichent de fortes performances, facilitant le fonctionnement de ces installations installées loin des côtes.
La Chine en pointe, l'Occident à la traîne ?
La Chine est richement dotée mais sa domination est "l'aboutissement d'une politique industrielle à long terme" et due aux "avantages tirés d'un retard dans la régulation des industries extractives", souligne Jane Nakano, chercheuse à Washington au Centre international d'études stratégiques (CSIS).
Pékin a su, au fil des années et d'investissements publics massifs, maintenir un large réseau de raffinage des matériaux bruts, amenant aujourd'hui de nombreux producteurs sur la planète à y exporter leurs minerais.
La Chine a par ailleurs déposé davantage de brevets dans les terres rares que l'ensemble du reste du monde réuni, signale Mme Nakano. Cette domination s'est faite toutefois au prix d'un lourd tribut environnemental.
Relocaliser, pourquoi ?
Entre divergences commerciales et géopolitiques, les tensions entre la Chine et l'Occident sont nombreuses. Bruxelles et Washington sentent l'urgence à diversifier leurs approvisionnements sur ces matières premières essentielles.
Les craintes de blocages reposent d'ailleurs aussi sur un douloureux précédent: Tokyo avait vu son robinet de terres rares coupé par la Chine en 2010 en raison d'un conflit territorial.
Le Japon a depuis diversifié ses approvisionnements, en passant des accords avec l'entreprise australienne Lynas en Malaisie et en développant sa filière de recyclage.
Aux Etats-Unis, une autre alerte s'est produite, lors de la guerre commerciale avec Pékin. En mai 2019, le président chinois Xi Jinping avait alors visité une usine de terres rares, un geste interprété comme une menace voilée d'embargo.