En 2022, l'éolien a été dépassé par le gaz comme 3e source d'électricité en France. Ici, la première éolienne offshore du parc de Saint-Nazaire. (©CAPA Corporate)
La guerre en Ukraine a provoqué une hausse des prix de l'électricité, du gaz naturel et des carburants sans précédent en France. Elle a été aggravée par une faiblesse historique de la production électrique, et de mauvais choix politiques.
La reprise économique en 2021 après la pandémie de Covid avait déjà tiré les prix vers le haut, sur fond de tensions d'approvisionnement qui se sont aggravées après le début de la guerre en Ukraine et la fermeture progressive de gazoducs et d'oléoducs russes vers l'Europe.
Production d’électricité au plus bas depuis 1992
La production d’électricité en France métropolitaine s’est élevée à 445 TWh en 2022, soit son plus bas niveau depuis 1992 (« alors que le parc nucléaire historique n'était pas encore totalement en service ») et un effondrement de 15% par rapport à 2021.
Cette chute majeure de production en 2022 est directement liée à celle des deux principales sources d'électricité en France :
- la production du parc nucléaire a reculé de 82 TWh du fait d'une moindre disponibilité de ses réacteurs (disponibilité de 54% en moyenne en 2022, contre 73% en moyenne entre 2015 et 2019), elle-même liée aux arrêts pour maintenances (ces indisponibilités se sont ajoutées à un planning d’opérations initialement chargé et davantage densifié du fait des décalages induits par la gestion de la crise sanitaire) et en raison du phénomène de corrosion sous contrainte au sein de plusieurs réacteurs. Le niveau de production du parc nucléaire « affiche un recul de 30% par rapport à celui des vingt dernières années », précise RTE ;
- la production hydraulique a baissé de 12 TWh et atteint son plus bas niveau depuis 1976, dans le contexte de sécheresse en France (avec des précipitations inférieures de 25% aux normales).
Empêtré en 2022 dans la crise de la corrosion sous contrainte, le nucléaire, la production nucléaire est tombée à un niveau historiquement bas depuis 1988, à 279 TWh.
Malgré ces évolutions, la production électrique en France métropolitaine a encore reposé en 2022 à près de 62,7% sur le nucléaire (contre 69% en 2021) et à 11,1% sur l'hydroélectricité. Le gaz (9,9% du mix électrique en 2022) a par ailleurs dépassé l'éolien (8,5%) comme 3e source d'électricité en France.
RTE note par ailleurs qu'un « volume record d’installations renouvelables a été mis en service (5 GW) » (avec notamment une hausse de 2,6 GW des capacités solaires photovoltaïques et la mise en service du premier parc éolien offshore posé au large de Saint-Nazaire) mais qu'une « accélération demeure toujours indispensable pour atteindre les objectifs publics de la décennie 2020-2030 ».
En 2022, les énergies renouvelables ont compté en France pour 20,7% de la consommation finale brute d’énergie.
Hausse contenue des prix de l'énergie
Les prix de l’électricité en France ont fortement augmenté sur les marchés, à la fois en ce qui concerne les prix pour livraison à très court terme (spot) que les prix pour des échéances de livraison plus éloignées (prix à terme). Les prix spot ont notamment atteint en moyenne 276 €/MWh en 2022, contre 109 €/MWh en 2021 (avec un niveau record de 612 €/MWh en moyenne durant la semaine du 22 août 2022).
De même pour les prix du gaz sur les marchés TTF.
Naturellement, cela s'est ressenti sur les prix facturés aux consommateurs. Mais grâce à l'instauration d'un bouclier tarifaire, les hausses ont été contenues en 2022, et ont essentiellement été répercutées en 2023.
Graphique: Selectra - Source: Selectra
Abonnement mensuel en € TTC et prix du kWh en centimes d'euros TTC pour une consommation de 13 000 kWh par an - À jour en novembre 2024
La France importatrice nette d'électricité
La France a été placée dans une situation inédite à cause de problèmes de corrosion détectés fin 2021 sur plusieurs réacteurs nucléaires.
En 2022, la France a importé plus d'électricité qu'elle en a exporté pour la première fois depuis l'année 1980, « avec un solde importateur net de 16,5 TWh, ce qui représente un peu moins de 4 % de la consommation nationale d’électricité ». Le solde des échanges « s’est creusé en particulier pendant l’été, période durant laquelle la France est habituellement fortement exportatrice : les mois de juillet, août et septembre ont représenté à eux seuls 60% du solde négatif », en raison de la moindre disponibilité des parcs nucléaire et hydraulique.
La facture énergétique de la France s'est considérablement alourdie en 2022, atteignant 115 milliards d'euros (soit environ 70 milliards d'euros de plus qu'en 2021) mais les importations d'électricité n'ont pesé « que » pour près de 7 milliards d'euros sur cette facture en 2022 (alors que le solde exportateur net d'électricité de la France lui rapportait en moyenne 2 milliards d'euros par an sur la période 2014-2019).
Au total, la facture énergétique 2022 de la France a presque triplé (multipliée par 2,6, et même par 3,4 pour le seul gaz) et elle a atteint un niveau record.
Baisse de la consommation d’électricité
En 2022, la consommation brute d’électricité en France métropolitaine a atteint 452,8 TWh, soit près de 4 % de moins qu'en 2021. RTE communique volontiers sur la consommation nationale « à température normale » (c'est-à-dire corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires) : celle-ci s'est élevée en 2022 à 459,3 TWh, soit une baisse de 1,7% par rapport à 2021.
Ce niveau de consommation est inférieur à celui de 2020 (- 0,4%) , une année pourtant largement marquée par les confinements et le recul de l’activité économique du fait de la crise sanitaire, et est 4,2% plus faible que le niveau moyen de consommation annuelle entre 2014 et 2019.
Durant les derniers mois de l'année 2022 (octobre à décembre), la consommation d'électricité a même chuté de près de 9% par rapport au niveau moyen à la même période entre 2014 et 2019. Cette chute a d’abord été observée dans l’industrie, plus exposée aux variations des prix en l’absence de protection tarifaire mais a touché tous les secteurs : la baisse de consommation dans les secteurs résidentiel et tertiaire a dépassé 5 % en moyenne au cours des quatre derniers mois de l’année.
Une forte chute de la consommation de gaz naturel
En 2022, la consommation brut de gaz en France s'est élevée à 430 TWh, soit une chute de 9,3% par rapport à 2021 dans un contexte de fortes tensions avec l'effondrement des importations de gaz russe en Europe (- 62% entre 2021 et 2022). Cette baisse de la consommation est liée à « un changement de comportement des consommateurs finals (en lien avec une sobriété énergétique et un effet prix) » mais aussi en grande partie au climat doux des derniers mois (+1,58°C en moyenne annuelle par rapport à 2021).
Dans le détail, la consommation a reculé de 16,6% dans le réseau de distributions publiques (ménages et professionnels) et de 11,5% chez les gros industriels directement raccordés au réseau de transport de gaz, en données brutes.
D'ordinaire, on observe une baisse annuelle de 1%.
Dans le même temps, la production d'électricité des centrales à gaz en France s'est élevée à 61 TWh en 2022, soit une hausse de 54,4% par rapport à 2021. Cette augmentation est due à la mise en service d'une nouvelle centrale (Landivisiau dans le Finistère en mars 2022) et à une plus grande utilisation du parc de centrales à gaz pour compenser la moindre disponibilité des centrales nucléaires françaises (dont la production a chuté de 23% par rapport à 2021) et « préserver les réserves d’eau des barrages en raison de la faible hydraulicité sur l’année ».
Alors que le gaz naturel a été montré du doigt pour expliquer la flambée des prix de gros de l'électricité en Europe (en tant que centrale marginale dans la logique de « merit order »), le secteur gazier a ainsi « cette année plus que d'habitude servi d'assurance au système électrique », souligne le directeur général de GRTgaz Thierry Trouvé.
Le nombre de clients se chauffant au gaz en France a diminué en 2022 pour la première fois en plusieurs décennies. Tant pour la construction neuve que pour les rénovations, les pompes à chaleur ont la côte. 550 000 PAC auraient été vendues en 2022 en France dont 346 700 PAC air/eau, qui sont celles le plus souvent choisies quand on convertit sa chaudière gaz ou fioul.
GNL : 57% des entrées de gaz sur le territoire français
L'effondrement des importations européennes de gaz russe a « conduit à une reconfiguration des flux sur le réseau de transport français », souligne GRTgaz : « les flux se sont inversés aux frontières françaises afin d’assurer la solidarité européenne : 158 TWh de gaz ont transité depuis la France vers la Suisse, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne en 2022 (à comparer à 42 TWh en 2021) ».
La France a pu endosser ce rôle grâce au doublement des livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) au niveau de ses terminaux méthaniers (370 TWh d'entrées de GNL en 2022, contre 183 TWh en 2021), qui se sont en partie substituées au gaz russe. Le GNL a ainsi compté pour 57% des entrées de gaz sur le territoire français l'an dernier (contre 34% en 2021).
Les USA sont ainsi devenus les premiers fournisseurs de gaz de la France en 2022 (25% du total). Les quantités de pétrole brut importées des États-Unis ont augmenté de 37%.
Dans le contexte d'incertitudes touchant les approvisionnements gaziers, le remplissage des capacités de stockage constitue une priorité, aux côtés des appels à la sobriété. "Il y a eu de la bonne sobriété, et une autre plus problématique pour l'économie car des entreprises ont aussi dû ralentir leur production en raison des prix ou partir produire ailleurs", a souligné Thierry Trouvé.
L'Union européenne a finalement évité des pénuries grâce à cette diversification des approvisionnements en gaz et des appels aux économies relayés dans tous les pays, ce qui a permis de remplir les stocks à un niveau très haut avant cet hiver et de les préserver tout du long. La consommation de gaz naturel de l'Union européenne a ainsi chuté de 20,1% sur août-novembre par rapport à la moyenne des cinq années précédentes pour cette même période, soit plus que son objectif de 15%, selon Eurostat.
La campagne d'injection dans les stockages français avait ainsi commencé en 2022 avec un mois d'avance sur les années précédentes. Un niveau de remplissage de 100% des stocks a été atteint en début d'hiver en France et des réinjections ont eu lieu en pleine campagne de soutirage en décembre 2022, précise GRTgaz. « Sauf événement climatique extraordinaire », le niveau de stockage à la fin de l'hiver restera ainsi plus élevé que les années précédentes (potentiellement autour de 40%, contre 57% à l'heure actuelle), indique Thierry Trouvé.
En parallèle, plus de 500 méthaniseurs injectant du gaz vert dans le réseau étaient raccordés en 2022. Ce sont des sites de production de biométhane utilisant des déchets organiques issus de l'agriculture, des boues de stations d'épuration ou de biodéchets des ménages.
Rebond de la consommation de pétrole
La somme de la consommation des produits pétroliers (carburants, fioul domestique, lubrifiants, bitume, matières premières pour la pétrochimie) a atteint 69 millions de tonnes en 2022 (contre 67 millions de tonnes en 2021, 62 millions en 2020 et 73 millions en 2019.
En 2022, les prix du gazole et du SP95-E10 à la pompe ont respectivement atteint en moyenne 1,85 €/l (contre 1,43 €/l en 2021, soit une hausse des prix à la pompe de presque 30% malgré les aides) et 1,77 €/l (contre 1,53 €/l en 2021, soit une hausse de plus de 15%) en France.
En volume, le gazole a encore compté pour 73,5% de la consommation française de carburants routiers en 2022 mais sa part s'effrite (en baisse de 2 points par rapport à 2021). Les livraisons d'essence (supercarburants sans plomb) ont augmenté de 10,6% alors que celles de gazoles ont baissé de 0,5%.
L'année 2022 « a été marquée par la poursuite de la reprise amorcée en 2021. Les livraisons de carburéacteur et de carburants routiers, en particulier des essences, sont restées très soutenues dans un contexte de hausse des prix lié aux tensions internationales et au conflit russo-ukrainien », résume Olivier Gantois, président d’Ufip Énergies et Mobilités.
En parallèle, le bioéthanol ou E85, fabriqué à base d'alcool agricole, a battu un nouveau record de ventes en 2022 en France : +83%, soit plus de 854 millions de litres. Commercialisé dans un nombre croissant de stations-service, il est plébiscité par de plus en plus d'automobilistes pour son prix 30% à 40% moins cher que les autres carburants. Début 2022, le bioéthanol se vendait encore 0,7433 euro le litre.
Sa part de marché est passée de 4 à 6,5%. La moitié des automobilistes roulant au bioéthanol l'utilisent depuis moins d'un an. 85 000 nouveaux boîtiers ont été installés contre 30 000 en 2021 et près de 35 000 véhicules flex-E85 d'origine ont été vendus, environ six fois plus qu'en 2021.
Emissions de GES en baisse
Les émissions françaises de gaz à effet de serre ont reculé de 2,7% en 2022. "Après une baisse massive en 2020 versus 2019 (-9,0%) et un rebond partiel en 2021 versus 2020 (+5,7%), les émissions de CO2e sont reparties à la baisse en 2022 versus 2021 (-2,7 %)", a indiqué dans un dossier le Citepa, organisme mandaté pour réaliser l'inventaire français des émissions.
Elle est surtout imputable au secteur des bâtiments (-14,7%) "avec une baisse de consommation de fossiles pour le chauffage", reflet de la politique de sobriété. L'industrie manufacturière (-6,4%), qui brûle du gaz pour ses usines, participe également à la tendance.
Précisons que celles liées à la production d'électricité ont augmenté, avoisinant 25 Mt équivalent CO2 en 2022 (contre 21,5 Mt éq.CO2 en 2021) en raison du recours plus fréquent aux centrales à gaz.
La France est le 3e pays en Europe disposant du mix électrique le plus décarboné (après la Suède et la Finlande), avec notamment des émissions moyennes par kWh de l'ordre de 7 fois inférieures à celles de l'Allemagne : 56 g CO2 eq par kWh pour la France, contre 387 g CO2 eq par kWh pour l'Allemagne.
La France a cessé dès la fin de l'année 2022 d'octroyer des garanties à l'export pour les nouveaux projets d'exploitation d'énergies fossiles.
Le plus bas niveau de vente de voitures neuves depuis 1974
Avec 1 529 035 voitures particulières neuves mises en circulation dans le pays l'an dernier (auxquels s'ajoutent 348 072 véhicules utilitaires légers), le nombre d’immatriculations de voitures particulières neuves en France a chuté de 7,8% par rapport à 2021 (et de 19,5% pour les véhicules utilitaires de moins de 5,1 tonnes).
La filière « n'arrive pas à faire face à la demande », compte tenu des nombreuses contraintes pesant sur elle : disponibilité des composants électroniques, hausse des matières premières, difficultés de livraison renforcées par la guerre en Ukraine, etc. Le marché de l'occasion souffre également de ce marché « extrêmement contraint » et de la pénurie de véhicules neufs liée à la chute de production durant la crise du Covid-19 : en 2022, près de 5,2 millions de voitures ont changé de propriétaire en 2022, soit une baisse de 13,5% par rapport à 2021.
Une progression de l'électrification du parc automobile français
Parmi les faits marquants de 2022, AAA Data souligne « que la part des véhicules électriques a dépassé celle des motorisations diesel en France (en fin d'année), alors que ces dernières représentaient encore 3/4 des ventes en 2008 ».
La part de marché des voitures particulières tout électriques s'est en effet élevée à 16%, contre 14% pour le diesel au mois de décembre 2022. Sur l'ensemble de l'année, les véhicules tout électriques ont dépassé le cap des 200 000 unités mises en circulation (203 121), ce qui correspond à 13% de l'ensemble des immatriculations de voitures particulières neuves en 2022 (contre près de 10% en 2021). 17 005 Tesla Model 3 ont en particulier été mises en circulation en 2022, ce qui en fait le 23e véhicule du marché automobile (1,1% des immatriculations de voitures particulières neuves en 2022).
Précisons que les immatriculations de voitures particulières tout électriques ont progressé d'environ 25% tandis que celles de véhicules hybrides rechargeables (davantage liées aux commandes de sociétés) ont reculé de près de 10% en 2022 (par rapport à 2021).