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Une usine aux Émirats arabes unis va commencer à capter du C02 dans l'air et le séquestrer dans la roche, apportant de l'eau au moulin du pays pétrolier qui appelle à lutter contre le réchauffement climatique sans abandonner les combustibles fossiles.
Situé dans les montagnes reculées de l'émirat de Fujeirah, le projet repose sur une nouvelle technologie développée par la start-up omanaise 44.01, permettant de retirer de l'atmosphère du dioxyde de carbone (C02), principal gaz à effet de serre lié à l'activité humaine, avant de le dissoudre dans l'eau de mer et l'injecter sous terre, où il se minéralisera.
Il est financé par le géant pétrolier émirati ADNOC, dont le PDG n'est autre que Sultan Al-Jaber, le président de la conférence mondiale pour le climat (COP28) qui débute jeudi dans l'émirat voisin de Dubaï.
Les premières injections de CO2 auront lieu durant les débats, qui porteront notamment sur la place de ces technologies controversées.
"Nous pensons que le volume de roches ici aux Emirats arabes unis a le potentiel de stocker des gigatonnes de CO2", a déclaré à l'AFP Sophie Hildebrand, responsable des technologies chez ADNOC, lors d'une visite du site cette semaine.
"ADNOC a engagé 15 milliards de dollars dans des projets de décarbonation", a-t-elle ajouté, en refusant de préciser le montant consacré au projet de Fujairah.
Les Emirats arabes unis, qui sont déjà le septième producteur mondial de pétrole, prévoient d'investir 150 milliards de dollars d'ici 2027 pour accroître leur capacité de production d'hydrocarbures.
Comme d'autres puissances pétro-gazières, ils misent sur les technologies de captage et de stockage du carbone (CCS) pour limiter les émissions responsables du réchauffement de la planète, malgré les critiques des experts du climat qui les jugent insuffisantes pour faire face à la crise.
Ces techniques, peu développées à grande échelle et très coûteuses, sont encore loin de faire la différence au niveau mondial.
"Pas fait leur preuves"
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime que les infrastructures d'énergies fossiles existantes - sans le recours au captage de carbone - pousseront le monde au-delà de la limite de 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
Sur le site de Fujeirah, alimenté par l'énergie solaire, des ventilateurs géants extraient le CO2 directement de l'atmosphère.
Le gaz liquéfié est ensuite stocké dans des réservoirs, puis reconverti en gaz et dissous dans l'eau de mer, avant d'être injecté dans un puits d'un kilomètre de profondeur.
"D'après nos calculs, il faudra environ huit mois pour que le CO2 soit entièrement minéralisé dans le sous-sol", a expliqué Talal Hasan, le PDG de 44.01.
L'entreprise, lauréate du prix Earthshot en 2022, a mené un projet pilote à Oman permettant de séquestrer environ 1,2 tonne de CO2.
Le projet émirati est "10 à 15 fois" plus important, l'objectif étant d'atteindre "une tonne de CO2 par jour sur une période initiale de 10 jours", a ajouté Talal Hasan.
Pour être compétitif par rapport aux techniques de stockage plus conventionnelles, il vise "un coût d'environ 15 dollars par tonne de CO2 séquestrée, sans compter le coût du captage".
Depuis qu'il a été choisi par le pays hôte pour piloter les négociations mondiales sur le climat, Sultan Al-Jaber appelle l'industrie des hydrocarbures à réduire ses émissions, pas nécessairement sa production, suscitant les inquiétudes des défenseurs de l'environnement.
"Lorsque les parties aux négociations parlent de sortir progressivement des combustibles fossiles +unabated+, elles excluent les combustibles dont les émissions ont été atténuées par le captage et le stockage de carbone", explique Karim Elgendy, du groupe de réflexion britannique Chatham House.
Mais le problème est que ces technologies "n'ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle", souligne-t-il.