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La France ambitionne de nouer un "partenariat renouvelé" avec l'Algérie, après 60 ans de relations douloureuses, mais devra compter avec les bouleversements géopolitiques qui traversent la Méditerranée occidentale et des tensions algéro-marocaines à vif, selon des experts.
La Première ministre française Elisabeth Borne a affirmé lundi que les deux pays avaient "avancé" vers "un partenariat renouvelé, inscrit dans la durée", au terme d'une visite de deux jours en Algérie.
Dans le plus grand pays d'Afrique, qui possède la plus importante armée du Maghreb, "la France a un fort désir de trouver un allié" et non pas seulement un "partenaire", estime Dalia Ghanem, analyste à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IESUE).
"Alors qu'elle a toujours eu une relation privilégiée avec le Maghreb, aujourd'hui on a une Europe qui est en perte de vitesse au Maghreb au profit d'autres acteurs, la Turquie, la Chine...", précise-t-elle à l'AFP.
"Si vous êtes dans la tête du président (algérien Abdelmajid) Tebboune ou de son chef d'état-major, le monde bouge énormément, on ne sait pas très bien vers quoi il va, mais ça crée du chaos, de la violence", estime le directeur général de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES), l'ancien amiral Pascal Ausseur.
"On est entouré de flammes et on ne sait pas dans quel sens va aller le vent, s'il va pousser vers nous ou pas, en tout cas c'est très inquiétant", poursuit-il, citant l'affaiblissement global de la puissance occidentale et la poussée jihadiste au Sahel, aux marches de l'Algérie.
Dans ce contexte "le problème psychologique avec la France devient secondaire" pour des dirigeants algériens héritiers d'un système né de la sanglante guerre d'indépendance (1954-1962), ajoute Pascal Ausseur. Quant à savoir si cela les incitera à le dépasser pour considérer plus froidement les "intérêts partagés" avec l'ancienne puissance coloniale, seul l'avenir le dira, ajoute-t-il.
- "Les dynamiques changent" -
"C'est un interrègne" entre un ordre révolu et un nouveau qui reste à définir, observe Raffaella Del Sarto, enseignante sur le Moyen-Orient à l'Ecole d'études internationales avancées (SAIS) pour l'Europe de l'Université Johns-Hopkins. "Il est très difficile de faire des prédictions sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en ce moment parce que les dynamiques changent".
"Ces derniers mois, l'Algérie s'est repositionnée comme un acteur très important en Méditerranée occidentale", dit Raffaella Del Sarto. "Elle est courtisée par beaucoup d'acteurs internationaux ou européens", comme l'Italie qui a diversifié son approvisionnement en gaz grâce à un accord en juillet.
La commissaire européenne à l'Energie Kadri Simson a plaidé mardi pour un "partenariat stratégique de long terme" avec l'Algérie, l'un des fournisseurs de gaz "les plus fiables" de l'Europe qui s'est tournée vers elle pour compenser la chute des livraisons russes après l'invasion de l'Ukraine.
Pour l'ex-ministre espagnole des Affaires étrangères Arancha Gonzalez Laya, "ce que tous les États membres de l'Union européenne ont en commun aujourd'hui, c'est la nécessité d'ancrer les relations de l'Algérie avec l'Union européenne".
"D'abord parce que dans un moment de turbulences géopolitiques, il faut assurer une stabilité dans le voisinage immédiat", affirme-t-elle à l'AFP.
- Sahara occidental -
Cependant, la crise ouverte entre l'Algérie et le Maroc, opposés depuis des décennies sur le statut du Sahara occidental, et qui ont rompu leurs relations diplomatiques en 2021, complique l'équation.
"La question du Sahara occidental reste une épine dans le pied de l'Union européenne, de l'Union africaine et du Maghreb plus particulièrement, parce que c'est une question qui bousille l'avenir de 85 millions de Maghrébins", déplore Dalia Ghanem.
Toutefois, elle ne "pense pas que la France veuille mettre en péril sa relation privilégiée avec le Maroc" en se rapprochant de la position algérienne.
"Jamais les Marocains ne pourront accepter de la France qu'elle cherche d'une manière ou d'une autre à ménager l'Algérie sur le dossier du Sahara", prévenait fin septembre Ali Bouabid, chercheur et délégué général de la Fondation Abderrahim Bouabid, groupe de réflexion marocain en faveur de la démocratie.
"L'intégrité territoriale du Maroc n'a tout simplement pas vocation à figurer implicitement ou explicitement comme un paramètre de la relation entre la France et l'Algérie", insistait-il.
Parmi les défis auxquels les dirigeants algériens sont confrontés, Pascal Ausseur cite "l'alliance Israël/Maroc, un énorme coup pour l'Algérie" car susceptible de compenser sa supériorité numérique militaire par un "ascendant qualitatif".