L'attentat contre un canal vital déclenche de nouvelles tensions entre le Kosovo et la Serbie

  • AFP
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L'explosion qui a endommagé une voie d'eau vitale pour le Kosovo, suivie d'une guerre de mots, a lancé un nouveau regain de tensions entre la Serbie et son ancienne province dont Belgrade ne reconnaît pas l'indépendance.

Survenue vendredi soir dans le nord-ouest du Kosovo, en zone peuplée essentiellement par des Serbes, cette explosion a créé une brèche de plusieurs mètres sur le mur en béton du canal Ibar-Lepenac, laissant des milliers de litres d'eau s'en échapper.

Il s'agit d'une "infrastructure essentielle" pour le Kosovo car le canal approvisionne en eau potable des centaines de milliers de personnes et aussi les circuits de refroidissement de deux centrales thermiques qui produisent plus de 90% des besoins en électricité dans le pays.

Le premier ministre kosovar, Albin Kurti, a aussitôt pointé du doigt le grand ennemi, la Serbie, en qualifiant l'incident d'"attaque terroriste".

Il a accusé Belgrade d'utiliser des "méthodes russes", comparant l'attentat contre ce canal à des opérations russes en Ukraine contre des infrastructures énergétiques.

"L'objectif a été de laisser, en plein décembre, la majeure partie de notre pays sans eau, dans le noir, dans le froid et sans communications", a asséné M. Kurti.

"C'est pour cette raison que nous tirons la sonnette d'alarme sur l'alliance de la Russie avec la Serbie", a-t-il ajouté.

La Serbie n'a pas tardé à répondre à ces accusations. Ses autorités ont rejeté toute implication dans l'attaque, en affirmant que le gouvernement de Pristina allait s'en servir de prétexte pour renforcer sa "mainmise" sur le nord.

L'animosité entre la Serbie et le Kosovo, à majorité albanaise, persiste depuis la fin d'une guerre qui a opposé à la fin des années 1990 les forces de Belgrade aux séparatistes albanais dans ce qui était alors une province de la Serbie.

Belgrade n'a jamais reconnu l'indépendance du Kosovo proclamée en 2008.

Des analystes appellent à la prudence, en attendant les résultats de l'enquête pour désigner les coupables. Sachant que Belgrade mène aussi sa propre enquête, selon son président Aleksandar Vucic.

- "Escalade dramatique" -

"Si une enquête conclut que la Serbie y est impliquée, le Kosovo pourrait l'interpréter comme un acte de guerre, ce qui provoquerait une escalade dramatique des tensions", dit à l'AFP Shpetim Gashi, un analyste indépendant à Pristina.

L'acheminement de l'eau a été rétabli par une solution "temporaire". Les dégâts n'ont pas eu de conséquence sur la production d'électricité, mais ont perturbé l'approvisionnement en eau potable.

Certains pensent que la nature de l'attentat exclut l'éventualité d'un sabotage amateur.

"L'équipement utilisé suggère une certaine forme d'entraînement militaire. Par ailleurs, la prise pour cible d'une infrastructure essentielle suggère (que l'auteur avait) la conscience de l'impact à grande échelle" de l'attaque, dit l'analyste politique kosovar Agon Maliqi.

Les Etats-Unis ont offert leur soutien aux autorités kosovares pour mener l'enquête, qui doit être "crédible", a déclaré lundi à la presse l'ambassadeur américain au Kosovo, Jeffrey Hovenier, après avoir rencontré M. Kurti.

"A ce stade, les Etats-Unis ne sont pas en mesure de dire qui est à l'origine de l'attaque", a-t-il dit.

L'incident survient à deux mois des élections législatives au Kosovo, un contexte dans lequel M. Kurti durcit le ton et insiste sur sa politique de fermeté à l'égard de la Serbie.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2021, il a mené des opérations d'envergure visant à démanteler un système parallèle de services destinés aux Serbes du Kosovo soutenu par Belgrade. Le Kosovo a ainsi interdit l'utilisation du dinar serbe, fermé les banques et les bureaux de poste serbes, interdit des plaques d'immatriculation serbes.

Une politique souvent critiquée par les Etats-Unis et l'Union européenne, qui ont accusé M. Kurti d'aggraver ainsi les tensions régionales.

L'explosion est une "occasion pour (M. Kurti) de souligner que le nord n'est pas entièrement sous contrôle du (gouvernement du) Kosovo", dit Ognjen Gogic, un politologue de Belgrade.

"Il peut ainsi justifier le déploiement de l'armée kosovare (empêché pour l'instant par la force de l'Otan sur place, ndlr) et des forces de sécurité dans le nord", où les Serbes sont majoritaires et refusent toute allégeance à Pristina, ajoute-t-il.

En même temps, le président serbe est confronté à une série de manifestations après la mort début novembre de 15 personnes dans l'effondrement d'un avant-toit à la gare de Novi Sad (nord), peu après la reconstruction du bâtiment.

Sur le plan politique, les deux parties peuvent profiter de la nouvelle crise, selon M. Agon Maliqi.

"L'impact immédiat est que les tensions sécuritaires reviennent au premier plan de l'agenda, aussi bien au Kosovo qu'en Serbie, ce qui donne un coup de pouce politique aux deux dirigeants", dit-il.

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