Énergie-climat : quelques précisions sur le rôle de l’AIE

Claude Mandil – Ancien directeur de l’AIE

Ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (2003-2007)

Droit de réponse : Dominique Finon a publié sur notre site ces derniers jours une tribune dans laquelle il déplore « l’étrange politisation » de l’Agence internationale de l’énergie. Claude Mandil, ancien directeur général de l’AIE, a souhaité lui apporter quelques précisions. 

Cher Dominique Finon, 

Permettez à un très ancien directeur général de l'AIE quelques commentaires sur votre tribune. 

1) Le titre de votre tribune - « Loin de la sécurité énergétique, l’étrange politisation de l’AIE » - est surprenant. Une organisation intergouvernementale est évidemment politique, il n'y a rien d'étrange à cela. À moins de considérer qu'on est "politisé" uniquement quand on se préoccupe du changement climatique ?
 
2) Vous indiquez que "depuis 2021, l'AIE a ajouté à ses missions la défense active du climat en soutien aux négociations internationales". Cette défense n'a rien de récent, contrairement à ce que vous suggérez. Elle figure en toutes lettres dans les considérants du « programme international de l'énergie », le traité créant l'AIE en 1974(1). Et en 2005, il y a presque vingt ans, le premier ministre britannique Tony Blair avait mandaté l'AIE pour préparer le volet « changement climatique » du sommet du G7 convoqué à Gleneagles sous présidence du Royaume Uni. 

3) Vous écrivez que les nouvelles technologies permettant aux industries de base de réduire leurs émissions ne sont pas encore disponibles à grande échelle. Vous savez pourtant mieux que quiconque que le problème n'est pas la technologie, mais le business model. C'est d'ailleurs ce qui justifie l'utilisation d'un modèle normatif.
 
4) Vous utilisez le scénario « STEPS » de l'AIE pour disqualifier le scénario « NZE ». La belle affaire ! Ce sont deux scénarios, fondés sur des conditions aux limites très différentes, rien d'étonnant à ce que leurs conclusions soient différentes.
 
5) Vous introduisez dans le débat le scénario WoodMcKenzie, mais on ne peut le comparer qu'au scénario « STEPS », les deux scénarios prédictifs (je laisse de côté le scénario de l'OPEP). Or on constate que WM prévoit en 2050 une consommation de pétrole inférieure à celle du scénario « STEPS » de l'AIE ! 

6) Vous accusez l'AIE de négliger sa mission de base, la sécurité de fourniture. C'est pourtant elle qui a publié très récemment un rapport éclairant sur le principal risque dans ce domaine : le monde dépend incroyablement de la Chine pour la chaîne d'approvisionnement en métaux utilisés pour les énergies renouvelables et la mobilité électrique.

Il y a un point sur lequel je vous rejoins entièrement : l'Agence doit impérativement expliquer l'utilisation qu'on doit faire d'un scénario normatif, qui n'est pas prédictif, mais qui montre à quelles conditions, très difficiles à mettre en œuvre, on pourrait atteindre la neutralité carbone en 2050. 

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