La grande bascule vers l'électrification se fait toujours attendre en Europe

  • AFP
  • parue le

La sortie des énergies fossiles implique de consommer plus d'électricité décarbonée dans nos maisons, nos voitures et nos usines, mais tout ne va pas aussi vite que prévu : en France, et plus largement en Europe, la consommation électrique patine malgré les enjeux climatiques.

Stagnation de la consommation européenne d'électricité

Consommer de l'électricité bas carbone, qu'elle soit solaire, éolienne ou nucléaire, est un des leviers de l'Union européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Remplacer nos voitures thermiques par des électriques, des chaudières à gaz par des pompes à chaleurs, substituer le fioul et le gaz des usines par de l'électricité. Cette transformation porte un nom: l'électrification des usages.

Problème : à l'échelle européenne, la consommation électrique stagne autour de son niveau d'il y a 20 ans. Plusieurs raisons l'expliquent, dont les gains d'efficacité énergétique depuis une dizaine d'années et plus récemment la hausse des prix de l'énergie liée à la guerre en Ukraine depuis 2022.

"Il y a une demande électrique qui commence à repartir mais qui n'est pas encore très dynamique", observe un grand énergéticien.

La croissance mondiale tirée par la climatisation et les data centers

Toutes énergies confondues (y compris l'essence ou le gaz de chauffage), la consommation des pays européens repose encore largement sur les importations de pétrole et gaz, à hauteur de 60% par exemple pour la France pour 64 milliards d'euros en 2024.

La consommation électrique dans le pays a bien frémi de 0,7% en 2024 après deux années de baisse, mais elle est toujours 6% en dessous des années pré-Covid (2014-2019).

Un résultat "encore trop faible pour confirmer que notre pays est effectivement lancé dans un régime de décarbonation rapide", soulignait Thomas Veyrenc, du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, en janvier.

En Europe, la consommation a augmenté de 1,5% in 2024 après une croissance presque nulle entre 2003 et 2023. Cette légère croissance ne se traduit toutefois pas forcément par de la décarbonation - les ventes de véhicules électriques ont baissé de 6% en 2024 et celles de pompes à chaleur de 21% selon l'Agence internationale de l'Energie.

Au niveau mondial, la consommation a progressé de 4,3%, surtout tirée par la climatisation et les centres de données.

« On n'a pas réussi à stimuler la demande »

À l'échelle européenne, la part de l'électricité dans la consommation d'énergie stagne depuis environ 10 ans autour de 23%, selon Eurelectric, le lobby européen de l'électricité. Alors que trois quarts de l'électricité produite en Europe est décarbonée.

Des bâtiments aux industries où seulement 4% des procédés de chaleur à fortes émissions sont électrifiés, "l'économie européenne ne s'électrifie pas assez rapidement", souligne l'organisme. En cause notamment : les prix encore élevés de l'électricité par rapport au gaz.

Le gaz coûte certes encore deux fois plus cher qu'avant la crise énergétique, mais son prix est redevenu "soutenable" par rapport au pic atteint en 2022, explique Phuc-Vinh Nguyen, chef du Centre Energie de l'Institut Jacques Delors.

"Le fait, dit-il, que la France ait fini 2024 avec un excédent d'exportations d'électricité de 89 TWh", un record absolu, "montre qu'on n'a pas réussi à stimuler la demande". Un diagnostic partagé par le PDG du géant électricien EDF Luc Rémont qui clame désormais "l'énergie est disponible, utilisons-là", version détournée du slogan "l'énergie est notre avenir, économisons-là".

Aussi un enjeu de souveraineté

"Il y a une nécessité d'avoir à la fois des politiques fiscales ou d'aides qui soient pérennes dans le temps pour inciter à cette électrification", souligne Phuc-Vinh Nguyen. Donc éviter les "tâtonnements" et envoyer des "signaux" comme "rééquilibrer" la taxation de l'électricité par rapport aux énergies fossiles.

Dans l'immédiat, face à une demande électrique en berne, des voix s'élèvent au Parlement, du centre à l'extrême droite, pour tenter de freiner le déploiement des renouvelables tel que prévu dans la future feuille de route énergétique de la France pour 2025-2035.

Une position "erronée et inquiétante", juge Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus consulting, "alors que pendant des années on a répété qu'il fallait une politique de l'offre pour décarboner".

Il s'agit aussi d'un enjeu de "souveraineté, souligne Thomas Veyrenc, chez RTE, pour qui "tout ce qui est produit sur notre territoire avec du bas carbone est bon à prendre".

Commentaires

Serge Rochain
En France on fait ce que l'on peut pour freiner cette transition en esperant que les EPR finiront par fonctionner assez tôt pour ne pas être démontrés inutiles devant les renouvelables qui auront d'ici là scotché toutes les cases.... Mais c'est peine perdue, ils ont déjà démontré leur supériorité en pilotables plus performant que la soit disant pilotabilité du nucléaire ! Sans le renouvelable pas d'exportation possible aujourd'hui !
Rochain Serge I
Ni vent ni Soleil sont des situations plus rares que des réacteurs qui fonctionnent en sous charge et qui doivent fournir 6 ou 8 GW supplémentaires en moins de 15 minutes !
Serge Rochain
Vous en avez encore la demonstration hier encore, où une demande d'importation de nos voisins bondit de 3 GW en 1/4 d'heure entre 17h et 17h15. Il est impossible d'avoir 3 réacteurs nucléaires à l'arret capable en 15 minutes de fournir chacun leur puissance nominal de 900 MW, sachant qu'il faut au moins deux jours pour passer de 0 à 900 MW à un réacteur! Mais la demande a néanmoins pu être satisfaite sans probleme et dans le délai imparti, en recconcectant les renouvelables mis en pose depuis 11h30 le matin même (Le solaire est passé de 7,6 GW à 10,7 GW en moins de 15 minutes). Ces informations sont visibles par tous le monde sur le site eco2mix de RTE à la date du 9 avril 2025 sur la page "production par filieres" qui fait aussi état des quantitées import/export. Des faits ! Des chiffres ! Plutôt que des convictions issues de contrevérités colportés par les nucléophiles abusés par les messages erronés du lobby nucléaire depuis 60 ans.
Zamur
Que fait le gestionnaire d'un parc de panneaux photovoltaïques en cas de baisse de la demande ? Il couvre les panneaux avec des bâches ?
Serge Rochain
Non, il se contente de deconnecter le parc à distance..... ce qui n'a aucune incidence sur les panneaux. En revanche ce n'est pas le cas d'une machinbe thermique comme un réacteur nucléaire. En le deconnectant du reseau le réacteur ne peut plus évacuer sa production d'énergie et la températire monte dangereusement dans la cuve....Heureusement le cas est prévu : Les barres neutrophages de bore tombent entre les crayons actifs d'uranium absorbant les neutrons produits par la réaction en chaine et l'étouffent rapidement avant que la température ne devienne critique (sauf si ça ne marche pas pour une raison ou une autre comme dans les accidents bien connus aujourd'hui à trvers le monde). L'ennuie c'est qu'il faut ensuite au moins deux jours pour que le réacteur redémarre.
Jean Fluchère
Je constate que vous avez une excellente connaissance du fonctionnement d'une centrale nucléaire !!!!
Albatros
"Scotcher toutes les cases", belle formule tellement ces "renouvelables" scotchent notre pays dans la stagnation et la dépendance aux subventions des constructeurs chinois.

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